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Les réponses à vos questions sur les bavures - partie 2
La semaine dernière je vous ai proposé de me poser des questions en lien avec les émeutes et les crimes policiers.
J’ai commencé à vous répondre.
Voici la suite.
L’obsession pour l’école
Ne faut il pas revoir complètement le système éducatif ?
L’école a bon dos. Dès qu’on a un problème on accuse l’école. Le chômage ? La faute à l’école.
Mais quel rapport ? Si dans une société vous avez 30 millions de personnes qui veulent travailler et 28 millions de postes (équivalent temps plein) alors vous avez 2 millions de chômeurs.
Qu’est-ce que l’école peut y faire ? Chaque individu peut se servir de l’école pour améliorer ses chances de ne pas finir au chômage. Mais c’est une lutte des places. Avant, un bac+3 garantissait un poste de cadre, et le bac garantissait un emploi. Maintenant que plus de gens (en proportion de la population) va jusqu’au bac… ce n’est plus le cas. Il faut désormais un bac+5 pour sécuriser un emploi cadre.
L’école n’y est pour rien si les entreprises ne proposent pas assez de jobs.
Mais revenons au sujet : quel est le rapport ?
Je n’en vois que deux. Soit une vision de droite et d’extrême-droite : ce sont des sauvages qui font des émeutes donc ça irait mieux avec une meilleure éducation.
Ahah… bah essayez donc. On vous regarde.
Soit une vision de gauche qui serait de dire que l’école étant un bras armé du système de classes alors il faut la réformer.
Sans surprise, c’est à cette vision que je souscris. Je crois en effet que si nous arrêtions d’être champions du monde (OCDE) de l’école qui reproduit les inégalités de revenu alors il y aurait moins de violence.
L’école sert à faire croire qu’il est possible pour tout le monde d’obtenir une bonne situation. En gros, au lieu d’avoir comme dans l’Ancien Temps une hérédité stricte où les paysans faisaient des paysans, on a désormais une hérédité relative.
Les enfants de cadres ne réussissent pas tous leur bac. Les enfants des quartiers pauvres n’échouent pas tous à leur bac.
On a remplacé des 100% par des 95% et des 90%. La belle affaire.
Allez, j’exagère. Dans les grandes écoles, il y a 9% d’étudiants issus de milieux défavorisés (contre 33% en population générale). Il y a 64% d’étudiants issus des milieux très favorisés (contre 23% en population générale).
En d’autres termes, ça veut dire qu’il y a 7 fois plus d’étudiants issus de milieux très favorisés. Alors qu’ils sont 1,5 fois moins normalement. Ça veut donc dire qu’un étudiant issu de milieu défavorisé a quasiment 11 fois (7 x 1,5) moins de chances d’arriver jusque là.
Voilà. Il est là le problème.
L’école arrive à faire croire qu’elle enclenche l’ascenseur social. Mais c’est faux. Comme dit Jamel Debbouze :
« C'est pas des imbeciles, les gosses de quartier. C'est pour ça qu'ils sont veneres : ils ont bien compris que l'ascenseur social est bloqué au sous-sol et qu’il pue la pisse »
« Heureusement », une grande partie de la population continue à croire que c’est sa faute. Voici un texte des années 60, écrit en Italie :
Les parents les plus pauvres ne font rien (note : pour empêcher leurs enfants d’aller dans les mauvaises voies scolaires). Ils ne soupçonnent même pas que ces choses-là existent.
Tout ça, au contraire, les émeut. De leur temps, à la campagne, il n’y avait que l’école primaire et elle ne durait que trois ans. Si les choses ne vont pas, c’est que leur garçon n’est pas doué pour les études.
« C’est le professeur qui l’a dit. Il est bien poli, cet homme. Il m’a fait asseoir. Il m’a montré son carnet de notes. Un devoir tout plein de ratures bleues . Le sort ne nous a pas donné un fils intelligent. Tant pis. Il ira aux champs tout comme on y est allés. »
Voilà. Tant que cette culpabilisation fonctionne alors le système fonctionne. Mais dès qu’un enfant pauvre commence à sentir l’arnaque… la colère monte.
Je n’ai pas grand chose à rajouter
Comment se fait-il qu’il y a si peu d’organisations structurées qui luttent dans ces domaines ?
Ou alors, si elles existent, qu’elles aient si peu de visibilité ?
Parce que j’entends beaucoup de messages génériques style “justice, stop à la violence” mais peu de revendications concrètes au point de vue légal, politique.
Vue de l’étranger, la loi française est ahurissante depuis des décennies, ne fait que s’empirer et ça a l’air de passer crème. Comme une exception culturelle.
L’impression que ça fait de vagues de manière régulière depuis mai 68 mais sans organisation politique forte contre ça.
Je partage cette question. Je n’ai pas grand chose à répondre. Si ce n’est que le racisme structurel est tellement ancré que, ces dernières années, le pouvoir (avec le soutien de la population) a passé son temps à dissoudre les organisations antiracistes.
On en est là.
Plutôt que de reconnaître le problème, on dissout la contestation.
On nous traite de séparatistes, d’islamogauchistes, de wokistes.
Le problème de formation des policiers
Pour quelle raison un policier ou un gendarme n’est pas formé pour réagir intelligemment à un “refus d’obtempérer” ? Depuis longtemps les mises en situation ou autre dynamique de groupe ont pourtant porté leurs fruits ?
En réalité, les policiers sont formés pour réagir. Dans le cas de Nahel, le policier a appliqué la séquence recommandée à l’école. C’est pour ça qu’il se positionne sur le côté du véhicule et non en face par exemple. Pour ne pas être en danger si le véhicule redémarre.
Ensuite, il y a un flou dans le texte sur quoi faire quand le véhicule redémarre. Depuis 2017, la loi autorise à tirer. Cependant, c’était déjà le cas pour les gendarmes, et ils tirent moins. On peut donc bien supposer qu’il y a un souci de formation.
De ce que j’ai commencé à lire, je comprends que la police est tout simplement en sous-effectif et que les formations sont bâclées. Comme ce qui a lieu à l’hôpital ou à l’école. La police manque de moyens. Et ça se ressent.
Ensuite… il y a la question de l’impunité. En échange du manque de moyen, les policiers bénéficient d’une impunité sans pareille. L’institution chargée de les contrôler (l’IGPN) est elle-même constituée de policiers.
Dans toutes les histoires de crimes policiers ce qui m’a frappé c’est vraiment l’impunité. D’ailleurs, le policier qui a tiré le sait. On a les récits du personnel de prison :
Enfin… il y a la question du racisme. Il ne faut pas sous-estimer à quel point c’est un des leviers principaux de leur comportement.
Mais je t’en reparlerai plus en détails dans un article documenté, un de ces quatre.