La Vème République est malade
Cette semaine je sors du sujet de l’autisme pour te parler de mon intérêt intense : la politique.
Si ce qui t’intéresse c’est uniquement l’autisme c’est ok, je te dis à lundi.
Quand on m’a expliqué que les autistes avaient des intérêts spécifiques, je ne me suis pas reconnu. Parce que c’est une façon condescendante de le dire. Mais aussi parce que j’ai pas vraiment d’intérêts qui perdurent.
Ça va et ça vient.
J’ai découvert, depuis, que c’est comme ça pour la plupart des autistes. Ce qui est autistique c’est l’intensité de l’intérêt. Pas sa durée, pas sa spécificité.
Et c’est vrai que je me rendais compte que, même si le sujet est typique (la politique passionne plein de gens) je voyais que j’avais pas un rapport de simple passion. À mes amis je disais : c’est ma série préférée.
Y’a vraiment ce côté doudou de l’intérêt intense. Ce qui est paradoxal car c’est également un sujet très anxiogène.
Mais là par exemple je me remets d’un shutdown autistique et ça me fait tellement plaisir de savoir que je vais écrire un email sur la politique.
En plus c’est pas moi qui ai décidé ! J’ai demandé aux premium le sujet qu’iels aimeraient voir et c’est ce sujet qui a émergé :
Avant de te parler de mon régime politique idéal, je trouve que le moment est propice de constater que la Vème République est une abomination.
On en avait déjà parlé, je t’avais raconté comment elle était née d’un coup d’état :
Mais surtout pourquoi c’était un régime qui donne quasiment tous les pouvoirs à un seul homme. Certes ce n’est pas 100% comme une dictature, mais ça doit être 95% :
Or, la puissance du président n’a jamais été aussi flagrante que cette année.
Macron fait absolument ce qu’il veut
L’an dernier je t’avais écrit ça :
En plus du bonus d’être au centre, l’alliance macroniste a un bonus énorme : être le camp du président.
Car, on l’a dit : le président nomme le premier ministre. Donc forcément… sauf s’il a une main injouable, le président va toujours pencher vers son alliance.
Parfois j’entends En Allemagne, le président demande à l’alliance arrivée en tête de négocier une coalition et seulement si elle n’y arrive pas, c’est l’alliance arrivée en seconde place qui essaie.
Bah oui mais…
WIR SIND NICHT IN DEUTSCHLAND.
Nous ne sommes pas en allemagne.
En Allemagne c’est la tradition c’est un fonctionnement respecté par tout le monde et connu à l’avance. Chez nous, non. Ensuite, nous sommes un régime de la brutalité majoritaire donc les électeurs ne comprendrait en réalité pas une coalition vraiment majoritaire du type NFP + Macronistes.
En Allemagne quand tu votes tu sais que c’est comme ça, que tu votes pour que tes idées aient plus de poids dans les consensus mais y’a jamais un moment où tu vas appliquer tout ton programme.
En France… le vainqueur écrase tout. Donc les gens qui ont voté NFP, espère tout le programme appliqué. Idem pour les gens qui ont voté RN ou Macron.
Enfin… en Allemagne, le président est un arbitre, il ne fait pas partie du jeu politique. Il n’a pas de conflit d’intérêt car il n’a pas de pouvoir autre que ça et il peut donc agir en neutralité.
Ici, le président est un acteur du jeu. Il jouera donc pour sa paroisse.
Macron a eu raison de passer en force
Comment on peut lui donner tort ? L’an dernier je m’étais trompé en faisant cette prédiction :
Sauf que… comme tu le sais… Macron a dissout l’Assemblée.
Et… cette arme n’est utilisable qu’une fois par an.
Désormais… si un gouvernement tente un 49-3, l’Assemblée n’aura aucune hésitation à le licencier. Puisqu’elle n’aura rien à perdre en retour.
C’est ça qui rend la situation extrêmement compliquée.
La motion de censure remplace donc le 49-3 comme outil le plus explosif du jeu.
Et c’est pour ça qu’on en entend autant parler depuis… pour ça que les députés LR menacent de censurer tout gouvernement qui contiendrait un LFI…
Parce que les censures sont désormais gratuites.
Au risque de me répéter : on est bloqué·es. Chaque bloc peut être censuré par les deux autres. De manière illimitée.
Donc normalement Macron aurait dû être bloqué pendant un an. Et… comme y’a pas de mécanisme pour lui forcer la main, je ne sais pas ce que ça aurait donné.
L’an dernier on arrêtait pas de dire mais Mitterrand et Chirac ont accepté la cohabitation.
Ah bah oui… mais parce qu’ils avaient une main injouable :
En face ils avaient une majorité absolue unie et écrasante contre eux (et pas deux blocs). C’est la seule chose qui peut contrecarrer le pouvoir d’un président de la cinquième république. Car elle peut empêcher en un claquement de doigt la moindre proposition de loi.
Ils devaient survivre politiquement : les deux avaient besoin d’une réélection, ce qu’ils ont d’ailleurs obtenu.
Alors que la main de Macron était jouable :
En face il avait deux blocs.Là où Chirac et Mitterrand étaient en minorité absolue, ce n’est pas le cas ici. C’est plutôt comme un pierre-feuille-ciseau. Les macronistes sont battues par NFP-RN, mais le NFP est battu par macronistes-RN, mais le RN est battu par Macronistes-NFP. C’est beaucoup beaucoup BEAUCOUP plus manoeuvrable.
Macron ne peut plus se faire réélire, donc il n’a pas le temps de patienter pour faire sa postérité.
Si tu m’avais demandé de parier je t’aurais dit qu’il avait raison d’essayer de manoeuvrer mais que, certes, c’était pas impossible à manoeuvrer mais tellement dur qu’il n’allait pas réussir.
C’était sans compter sur…
LE PARTI SOCIALISTE
Je dois reconnaître que je ne l’avais pas vu venir. Le Parti Socialiste a décidé de ne pas censurer Bayrou. Par peur de ne pas avoir de budget.
C’est très bête.
En gros, Macron c’est le mec qui au puissance 4, ne peut plus gagner sauf si l’adversaire faire une erreur très précise… tout le monde lui dit que ça sert à rien… il tente quand même et ça passe : l’autre fait l’erreur.
Le système ne fonctionne que si y’a deux blocs
Il a été pensé comme ça. Bloc contre bloc. Quand le président a le bloc majoritaire il est un quasi dictateur, quand l’opposition a le bloc majoritaire elle dirige sous l’oeil du président.
Bloc contre bloc contre bloc, ça ne marche plus.
Le bloc RN
Le mot de “bloc” est vraiment adapté en Vème République.
D’ailleurs, on l’avait dit l’an dernier : la quatrième république marchait très bien jusqu’à ce que De Gaulle réussisse à faire élire des députés de son parti boudeur.
Car oui, il avait créé un parti juste pour bouder. Parce qu’il était contre la quatrième république. Si bien qu’on est arrivés dans une situation qui ressemble à celle d’aujourd’hui : c’est dur de trouver une majorité si on doit se couper par avance d’un tiers des députés.
Ici c’est pareil sauf que c’est l’inverse : ce sont les autres blocs qui boycottent (à raison évidemment) le RN. Du coup ça fait un bloc qui reste d’un bloc.
Il nous faut sortir de ce régime
Je suis assez pessimiste car personne ne le demande. Je suis d’accord avec Clément Viktorovitch qui dit que la seule option stratégique valable après les législatives aurait été de dire : avec trois blocs, la cinquième république est bloquée, il faut donc créer la sixième république.
Mais une partie du bloc (le PS) a préféré la sauver en n’étant plus vraiment un bloc.
Or, Macron a fait ce que tout bon stratège fait : essayer de survivre en attendant le jour d’après. Jouer pour gagner du temps en espérant un miracle. Et il a eu son miracle.
Même si le PS censurait dans les mois à venir… Macron a de nouveau l’arme de la dissolution pour riposter et encore gagner du temps.
Tant qu’il peut bouger, il bougera.
Ceci étant dit, ça nous empêche pas d’y réfléchir, nous. Si on devait changer de régime politique à quoi ça ressemblerait ?
Je vais te raconter mon utopie, tout le reste de cette semaine.


