YouTube : j'ai désactivé les commentaires de ma chaîne
Si t’as raté l’info : je viens de lancer ma chaîne YouTube. Si tu veux jeter un oeil c’est par ici :
Les commentaires YouTube sont les bas-fonds de l’humanité
On parle souvent de Twitter mais pour moi le pire du pire c’est YouTube.
Je m’inclus dedans.
C’est trop facile de dire que y’a les haterz et nous. T’as remarqué comment tout le monde te parle de haterz mais personne dit jamais ouais je suis un haterz.
Bah je te le dis : je suis parfois un haterz.
Alors bien sûr y’a haterz et haterz. Quand les gens profèrent des menaces de morts, des insultes misogynes… on est sur un autre level.
Mais là je te parle de simple confictualité.
Je me suis rendu compte que sur YouTube j’avais tendance à faire des commentaires moins constructifs et plus critiques. En d’autres termes, le Nicolas qui commente sur YouTube est plus toxique que le Nicolas qui commente sur Twitter.
J’identifie trois raisons.
Raison #1 | L’asymétrie entre la personne qui parle et moi
Quand je réponds sur Twitter, je réponds généralement à un contenu de longueur identique à mon commentaire. Ça ressemble à une conversation normale.
Mais quand je réponds sur YouTube, je réponds à un contenu beaucoup plus long. Par exemple, Linksthesun a une série de vidéos méprisantes sur le rap. Mais tu sais… le mépris des incultes qui te prennent de haut. C’est un des trucs qui me rend le plus fou. Surtout que le seul morceau de rap qu’il valide c’est un morceau médiocre. Sauf que comme il a pas le contexte, comme il sait pas ce que ça copie et comment c’est mal copié, il trouve ça génial.
Le souci c’est que pour lui expliquer de manière non-violente il me faudrait faire une vidéo réponse de 30 minutes. Dès qu’on résume ça devient violent car on voit moins la progression. Même là, plus haut, j’ai fait l’effort de te détailler mon souci en un paragraphe mais forcément comme je vais vite c’est cash.
Alors j’ai laissé un commentaire. Ça disait en substance oh mon Dieu mais faut pas parler des arts qu’on connaît pas, parce que dire que ça c’est LE bon rap c’est montrer à quel point on n’y connaît rien : ce morceau a été fait 100 fois avant et en 10 fois mieux.
Bon bah… c’est pas super sympa mais parce que j’ai pas assez de place par rapport à l’immensité du sujet.
Raison #2 | La sensation que l’auteur·ice ne verra jamais mon commentaire
Mais qui lit les commentaires ? Genre, vraiment ? Je me suis toujours demandé ? La vidéo en question de Linksthesun a fait 5,4 millions de vues et 14 952 commentaires. On s’est habitué·es à ce genre de chiffres mais c’est vertigineux.
Et je viens de comprendre à l’instant que vertigineux ça veut dire pareil que “qui-donne-le-vertige”
Je n’arrive pas à croire qu’il verra mon commentaire parmi 14 000 ! Donc je fais moins d’effort de nuance. En plus ça renforce mon côté toxique : c’est un peu comme insulter les gens dans ta voiture, tu te dis qu’on t’entend pas.
Ou pire… critiquer quelqu’un en français dans un pays étranger sans savoir que la personne comprend le français.
Raison #3 | L’anonymat
Ça me concerne moins car je commente souvent avec mon vrai nom sur YouTube. Mais forcément que l’anonymat renforce les curseurs.
Ma peur de YouTube
Logiquement, je me disais que je n’irai jamais sur YouTube à cause des commentaires. Surtout que je sais à quel point ça peut gâcher ma vie.
Pour avoir déjà entendu Laurent Breillat et Thomas Hammoudi me parler des commentaires qu’ils reçoivent… je ne m’imaginais pas gérer ça.
Comme je te racontais hier, ça a tout changé quand on m’a conseillé de simplement les désactiver !
Malgré mes précautions la catastrophe arriva
Sans l’avoir prévu, je me suis retrouvé sur YouTube. J’avais été interviewé par un psychiatre à débattre avec lui de comment on différencie autisme et bipolarité. Je savais qu’on était pas du tout d’accord puisque c’est comme ça qu’on s’est connus.
Parce que précisément j’avais fait un commentaire lapidaire à un article à lui. Il avait critiqué le commentaire en disant que c’était stupide. Ce à quoi j’ai répondu je comprends, c’était trop lapidaire… je reviens…
Et je lui ai écrit un article que j’ai mis 4 heures à écrire. Il a été impressionné et m’a proposé de venir expliquer ça en interview.
Sauf que… je ne savais pas que ce serait sur YouTube.
Attention, je ne dis pas qu’il ne me l’a pas dit, je dis qu’on a eu un quiproquo. Il savait que j’étais ok pour diffuser, il ne savait juste pas que si c’était YouTube j’aurais voulu sans commentaire. Je pensais que ce serait une vidéo Substack et donc le sujet se posait moins je lui en ai même pas parlé.
Malheureusement c’est via un commentaire sur LinkedIn que je l’apprends :
Et c’est comme ça que j’ai plongé dans l’enfer d’une crise autistique. Je l’ai déjà racontée dans un article médium dont je te recopie l’extrait :
Pourquoi ce commentaire a été si dévastateur ? Parce qu’il cumule plein de déclencheurs à la fois.
La réalité était trop différente de ce que j’avais planifié : je n’avais pas prévu d’être sur YouTube. En plus, j’en faisais une étape symbolique : le jour prochain où j’allais enfin faire une vidéo YouTube sur l’autisme (en coupant les commentaires évidemment). Là, ça m’a été volé.
S’attaquer à ma voix a toujours été l’arme de mes harceleurs au collège : je ne sais pas comment j’ai traversé le collège sans me suicider. Je me rappelle quand me disais je suis le genre de personne qui n’aura jamais d’amis. Et un des axes du harcèlement c’était de se moquer de ma voix car je parle vite, je mange des mots, j’ai des tics de langage comme “nin nin nin” (et non gnagnagna) et jusqu’à mes 21 ans, encore pire : je zozotais. Attaquer la voix et/ou la manière de parler d’une personne c’est comme attaquer son physique.
La sensation d’injustice : j’ai une allergie extrême à l’injustice et là… c’était si injuste de dire que mon raisonnement était orienté puisque Michael m’avait précisément invité pour jouer le rôle de celui qui allait s’orienter pour creuser la piste autistique. Comment on peut me reprocher ce qui était le but de l’échange ? Pour en plus parler de manipulation ? De MANIPULATION ?!
La frustration de voir le niveau moyen des psys sur l’autisme en France : on le sait, la France a même été condamnée par l’Union Européenne… mais c’est flippant quand je pense aux autistes qui ont croisé le chemin de cette psy. Fuyez toute personne qui vous dit une phrase telle que vous ne pouvez pas être autiste parce que. L’autisme est neurologique, ça n’est pas un trouble psychique. Par conséquent, il existera toujours une personne autiste sur Terre qui, en se faisant violence, arrivera à faire un truc censé être anti-autistique.
L’autisme dépeint comme au cirque : y’a le côté bête de foire qu’on retrouve dans les fictions. À lire Stéphanie on croirait que les autistes seraient des êtes aériens, des elfes incapables de mentir (ça irait contre le besoin de précision)… un trait aussi absolu ça n’est plus un trait c’est un superpouvoir.
Ça m’a renvoyé à la psy qui m’avait diagnostiqué Borderline sans mon consentement (je rappelle qu’un diagnostic doit être demandé) et qui avait allongé mon errance médicale avant qu’on m’aiguille enfin vers l’autisme.
Le besoin impérieux de correction (paradoxalement le truc que selon elle je n’ai pas) : voir quelqu’un affirmer avec autant de force un truc aussi faux sur le fait de couper la parole est très frustrant.
Quand Stéphanie dit :
Il devance aussi ce que va dire Michaël Sikorav en lui coupant la parole, ce qui est aussi contraire à l’autisme où il y a justement des difficultés à prédire, notamment le langage (voir Peter Vermeulen “autism and the predictive brain”).
Elle va frontalement à l’encontre du critère A1 du DSM sur la réciprocité dont un des exemples explicites est : Difficulté à maintenir un aller-retour normal dans la conversation.
Donc là on est pas sur du un peu faux, on est sur de la désinformation caractérisée. Sans même aller lire la source proposée je savais déjà que y’avait peu de chances que la source dise ce qu’elle dit (c’est une technique vieille comme la désinformation d’appuyer son propos avec une source qui dit presque ce qu’on a dit).1
J’ai perdu 72 heures de ma vie allongé dans mon lit à cause de ce commentaire…
J’avais pas besoin de ça pour me conforter dans mon choix de faire des vidéos sans commentaires mais tu imagines bien que ça m’a donné un bon rappel !
Si je veux pouvoir être serein dans la création de vidéos c’est indispensable. D’ailleurs, quand j’ai expliqué à mon pote Thomas Hammoudi qu’il pouvait désactiver les commentaires il immédiatement essayé en disant je peux enfin faire une vidéo que j’avais peur de faire par peur des commentaires.
Je pense que le grand public ne se rend pas compte à quel point, à cause des commentaires, YouTube est un endroit moins original, moins excitant.
Je n’aurais JAMAIS fait une vidéo qui parle d’autismophobie ET de racisme à la fois si je savais qu’on pouvait la commenter.
Mais franchement à quoi ça sert de commenter sur YouTube ? Qui ça satisfait ? D’ailleurs, on l’a vu plus haut, c’est précisément parce que le système est cassé que ça crée une frustration qui en retour rend les commentaires encore plus infecte.
Alors que sans commentaires cette vidéo existe et tu peux la regarder :