On l’a vu : y’a ce mythe de l’intelligence qui rend malheureux. Propagé notamment par le livre : Trop intelligent pour être heureux ?
Rappel de ce qu’est le QI
Je ne le redirai jamais assez : le QI est un outil très imparfait avec des biais bourgeois racistes et sexistes. Pour autant ce qui est contesté ce n’est pas sa fiabilité. Contrairement des arnaques pures comme le MBTI ou le DISC (tests de personnalité super répandus), le QI semble scientifiquement fiable. Quand on le mesure plusieurs fois on a globalement le même résultat et surtout on peut prédire solidement des choses avec.
Ce qui est contesté c’est que ça serait l’intelligence avec un grand I. Alors que si ça se trouve ça ne mesure que l’habitus bourgeois blanc.
Mais une chose est sûre qu’on parle du QI ou de l’intelligence avec un grand I, ce n’est pas quelque chose qui devrait rendre malheureux ou malheureuse.
Pour rappel, le QI est extrêmement corrélé au succès à l’école. C’est presque sa définition. Si bien que dire que le QI mesure exactement ce qui permet de réussir à l’école c’est l’intelligence scolaire est une très bonne approximation.
Littéralement la première mesure du QI (en réalité du facteur g) se faisait à partir des résultats d’un enfant en :
Classiques : études du latin, grec ancien, et leur culture.
Français : compréhension et expression écrites en français.
Anglais : compréhension et expression écrites en anglais.
Maths : calculs, logique, résolution de problèmes.
Discrimination des sons (pitch) : reconnaître des sons proches en hauteur.
Musique : compréhension ou pratique musicale.
On l’a également vu, les enfants avec un haut QI réussissent mieux à l’école que les autres.
GPT le dit mieux que moi :
Par construction, les tests de QI évaluent des capacités cognitives en grande partie liées aux apprentissages scolaires (vocabulaire, logique, maths, etc.), ce qui explique qu’ils correspondent fortement à la performance académique. Autrement dit, le QI mesure presque par définition la propension à la réussite scolaire.
D’ailleurs, chez l’enfant, on parle de « précocité » ou de « haut potentiel » pour souligner que son intelligence supérieure est censée prédire sa réussite future. Il n’est donc pas surprenant que d’innombrables études aient confirmé une corrélation positive entre QI et réussite scolaire - c’est même le résultat attendu.
Intelligence et bonheur
En la matière on peut faire deux suppositions :
L’une consiste à penser que les surdoués, grâce à leur intelligence, sont capables de mieux gérer leurs émotions et développent des compétences socio-émotionnelles les rendant plus heureux et mieux adaptés, réduisant notamment l’anxiété. L’autre est que, conséquence du décalage avec leurs pairs, ils sont socialement inadaptés, ce qui peut entraîner plus d’anxiété et de mal-être.1
Tu sais déjà ce que je vais te dire… cette histoire de décalage me paraît tellement étrange. Oui, l’autisme crée un décalage. Ou n’importe quelle neuroatypie, par définition. Mais l’intelligence ? Y’a quoi de moins décalé·e qu’une personne intelligente ?
Mais admettons… le truc c’est que ça a été testé :
Enfin, nous avons conduit une étude sur les participants de [UK Biobank], une des plus grandes cohortes biomédicales du monde, composée de 500 000 participants britanniques âgés de 40 à 69 ans. Ces participants ont passé de nombreux tests, répondu à de nombreux questionnaires, et de nombreux diagnostics médicaux sont également disponibles.
Nous avons testé l’hypothèse spécifique selon laquelle les personnes à haut QI auraient une prévalence plus élevée de certains troubles mentaux. Il s’agit à notre connaissance de la plus vaste étude du monde sur les HQI (Williams et al., 2023; voir aussi [Ramus, 2022]
Nos résultats montrent sans ambiguïté que les personnes à haut QI n’ont pas une plus grande prévalence de troubles mentaux que les personnes à QI moyen. Lorsque des différences sont observées, elles vont dans le sens inverse : les HQI ont notamment une plus faible prévalence de troubles anxieux et de stress post-traumatique, ont une personnalité moins névrotique, et souffrent moins d’isolation sociale.
Seules la myopie et les allergies montrent une prévalence légèrement plus élevée chez les HQI.
Sans surprise : plus une personne est intelligente et moins elle est isolée socialement. T’as jamais vu un personnage de fiction qu’on admire pour son manque d’intelligence. Faire croire que les personnes intelligentes (au sens du QI) souffrent d’isolation sociale c’est comme faire croire que les gens riches souffrent en France parce qu’on n’aime pas la richesse.
Au-delà du fait d’être moins victime de trouble psychiques on comprend également qu’un haut QI a tendance à te protéger des comportements à risque et à mieux évaluer les conséquences de tes actes. Ça explique aussi pourquoi plus on a un QI haut et plus on a une espérance de vie élevée.
Enfin… on en revient au fait que notre monde tourne autour de l’école. Si tu as davantage de chance d’avoir réussi à l’école alors tu as davantage de chances d’avoir un job bien payé.
Or, il existe un lien entre argent et bonheur : plus tu as de l’argent plus tu as de chances d’être heureux ou heureuse, jusqu’à un certain point où plus d’argent ne change rien.
Mais surtout… l’école est une grande source de mal-être. Y’a des gens que l’école a broyé si violemment que leur estime est atteinte encore 40 ans après. Une personne avec un haut QI aura tendance à avoir un parcours scolaire très valorisant et donc n’a pas ce souci.
Le biais d’échantillonnage
Alors pourquoi ces mythes ? Voilà ce qu’en dit GPT. Je suis obligé de le mettre en citation tellement j’ai peu modifié sa réponse :
Un biais d’échantillonnage massif.
Imagine un psychologue clinicien qui reçoit des adultes venus passer un test de QI parce qu’ils se sentent en décalage ou en difficulté. Forcément, dans son cabinet, il va rencontrer une majorité de HQI qui souffrent, puisque ce sont précisément ceux-là qui consultent. Les personnes à haut QI épanouies, elles, ne viennent tout simplement pas se faire tester – pourquoi le feraient-elles ?
Comme le résume Franck Ramus, « les psychologues ne voient que des HPI avec des difficultés, car les HPI qui n’ont pas de problèmes n’ont pas besoin de consulter ». Ce filtre d’entrée fausse complètement la perception. Si l’on généralise à partir de ces consultations biaisées, on conclut à tort que “les surdoués vont mal”, alors qu’on n’a vu qu’un sous-ensemble particulier de surdoués (ceux qui allaient mal).
Ce biais d’échantillonnage est aggravé par un effet d’entraînement identitaire chez les adultes. Depuis que le concept de « surdoué » adulte a gagné en notoriété, un certain profil de personnes vient spontanément se faire tester : souvent des adultes en quête de sens, qui se sentent différents ou incompris, ou qui traversent une période de remise en question personnelle. I
Il n’est pas anodin de décider de passer un test de QI à l’âge adulte : cela traduit généralement un mal-être préalable ou au minimum une insatisfaction.
Le cas particulier des autistes ou TDAH avec un haut QI
Beaucoup de personnes neuroatypiques vont trouver du réconfort dans l’explication HPI. Car, dans la sphère médiatique on décrit les HPI comme des personnes en décalage.
Alors que c’est l’inverse. Une personne autiste avec un haut QI a beaucoup moins de chances de se faire “diagnostiquer” autiste à l’enfance, parce que justement le haut QI lui permet de compenser énormément.
Idem pour une personne TDAH avec un haut QI.
Ça donne alors des adultes qui se sentent en décalage sans comprendre pourquoi.
Une fois une personne m’a dit, alors que je décrivais les traits du TDAH :
Je me reconnais totalement, mais ça c’est juste être HPI, non ?
J’ai répondu un truc du genre :
Alors… non. Ne pas pouvoir s’empêcher de couper la parole des gens ce n’est pas un signe d’intelligence, c’est soit un signe d’être une connasse ou alors plus probablement que t’es TDAH.
Évidemment le être une connasse était pas au premier degré. Je me suis permis le raisonnement par l’absurde car c’était une personne qui était vraiment une personne super douce et attentionnée. Vraiment la dernière personne qu’on décrirait ainsi.
Idem pour ce qu’on a vu avec Amel Bent : non, avoir besoin de corriger les mots imprécis ce n’est pas un signe d’intelligence. C’est juste un trait autistique.
Du coup… une personne comme Amel Bent qui est très probablement autiste reçoit le diagnostic HPI et se dit ok c’est donc ça.
Alors que non, au contraire c’est son haut QI qui lui a permis jusque là de quand même masquer l’autisme.
Pourquoi est-ce un problème ?
Parce que, l’un des trucs qui a été immédiatement un redflag quand on m’a parlé du concept de HPI c’est qu’il n’y avait jamais de suite.
Quand on se découvre autiste ou TDAH, y’a une suite. Dans le cas des TDAH y’a carrément une molécule (la ritaline) qu’on peut prendre.
Mais une fois qu’on te dit que t’es HPI… y’a zéro suite. C’est une information qui ne t’aide pas à mieux vivre.
En tout cas si on la prend rigoureusement. C’est sûr que si comme Amel tu te dis je suis HPI donc j’ai ce besoin de mots précis et je peux l’expliquer à mes proches, ça va t’aider, mais ça c’est parce que tu es en train de décrire l’autisme. C’est pas la description d’un haut QI qui t’aide, c’est la description de l’autisme.
Alors bien sûr… il ne s’agit pas de dire que toutes les personnes avec un haut QI sont heureuses. Il s’agit de dire que ce n’est jamais le haut QI qui est la cause du malheur : au contraire.
De la même manière que toutes les personnes des classes aisées ne sont pas heureuses. Mais ce n’est pas l’argent qui les rend malheureuse.