[Légende urbaine] 93% de la communication est non verbale
L'histoire d'une étude totalement incomprise
J’ai pris ces tweets au hasard. J’aurais aussi pu prendre des dizaines d’articles qui répètent cette phrase. En école de commerce, je ne sais pas combien de fois des intervenants m’ont répété ça.
Pour être plus précis ils disent que :
55% de la communication passe par les gestes
38% de la communication passe par l’intonation
7% de la communication passe par les mots
Mais ça n’a aucun sens. Ça ne peut pas être vrai !
Contrairement aux légendes urbaines précédentes, je n’y ai jamais cru. 93% est un chiffre énorme. J’ai l’impression que notre cerveau a tendance à arrondir tous les chiffres en
rien (0%)
un peu (20%)
moitié-moitié (50%)
beaucoup (80%)
totalement (100%)
Donc on entend “93%” et on pense “beaucoup”. Alors que c’est très différent. Si j’enlève 80% à un salaire de 2 000€ il reste 400€. Si j’enlève 93% il reste…140€.
Ça voudrait dire que dans un discours de 10 minutes, seulement 42 secondes passeront via les mots.
D’ailleurs l’autre indice que c’est faux est encore une compréhension des chiffres. Comment peut-on avoir un résultat aussi précis et aussi unanime ? Personne ne dit 92%, tout le monde dit 93%. Avec exactement la répartition 55-38-7.
As-tu déjà essayé de mimer ?
Si 55% de la communication passe par les gestes alors le mime devrait être un moyen relativement efficace de communication. Le Time’s up deviendrait immédiatement un jeu très ennuyant.
On peut mimer les choses concrètes. Mais les concepts ? Essaie de mimer le mot “démocratie” à quelqu’un.
L’humanité n’aurait jamais inventé le langage
Nous ne nous serions jamais donné la peine d’inventer le langage si les mots ajoutaient seulement 7,5% à la compréhension (si tu ne comprends pas pourquoi 7,5% et pas 7% ce n’est pas important ).
Si 93% de la communication passe par l’intonation et les gestes, il suffirait de faire des mimes avec des bruits de bouche pour se faire comprendre.
Si tu as déjà essayé de communiquer comme ça tu sais que c’est très peu efficace. Je me suis retrouvé une fois en Pologne à essayer de dire “je veux acheter un sèche-cheveux”. Je peux t’assurer que faire le bruit et le geste n’a pas fonctionné rapidement. Il a bien fallu deux minutes pour qu’on se comprenne.
Alors que la phrase tient en 15 secondes.
La radio ne fonctionnerait pas
Si la communication verbale était si peu efficace, comment expliquer qu’on comprenne plus facilement un audio qu’une vidéo sans son ?
Comment expliquer que la radio soit si efficace ?
D’où vient cette légende alors ?
Un jour le professeur Albert Mehrabian a fait une étude.
Dans la seconde étude, les sujettes ont dû écouter une voix (féminine bien sûr) dire le mot “peut-être” avec 3 intonations différentes, qui véhiculaient de l’attraction, la neutralité ou du dégoût. On montrait ensuite aux sujettes des photos de visages (féminins ) exprimant les 3 même émotions. Et on leur demandait de deviner l’émotion dans la voix, dans la photo et dans la combinaison des deux.
C’est tout.
Cette étude c’était donc pour voir ce qui l’emportait quand on disait “peut-être” avec une intonation de dégoût et une tête enjouée.
Mais ça on le sait tous. Si je dis “c’est bien” avec une tête triste mon interlocuteur va prendre en compte ma tête avant mes mots.
Il s’agit donc d’une étude qui se limite uniquement aux situations où on exprime une émotion. On ne peut pas l’extrapoler à autre chose.
D’ailleurs, le professeur Mehrabian le dit lui-même :
Je suis évidemment mal à l’aise du fait que mon travail soit mal cité.Dès le début, j’ai tenté d’expliquer aux gens les limites de mes découvertes. Malheureusement, nombreux sont les praticiens parmi les “consultants image corporate” et autres “consultants en leadership” qui ont une très faible expertise psychologique”.
Tout est dit.
Conséquences…
Si quelqu’un t’entraîne à la prise de parole en public et qu’il passe plus de temps à te parler de ton non-verbal que de ton texte, tu dois faire très attention.
Ça ne veut pas dire que le non-verbal ne compte pas : il vaut mieux un discours enthousiaste que le même discours tout mou.
Mais ça veut dire que le verbal n’est pas une part négligeable pour autant.
Si je dois enseigner la prise de parole en public à quelqu’un je commencerais par lui apprendre à savoir écrire et structurer son texte avant toutes choses.
Mais du coup…par quoi commencer pour apprendre à prendre la parole ?
Ça tombe bien, j’ai justement décidé d’enseigner l’art de la prise de parole, à travers une mini-formation.
Il s’agit de comprendre 21 leviers psychologiques pour prendre la parole. 7 leviers de ta propre psychologie et 14 qui concernent le public.
Pourquoi ? Parce que pour savoir comment prendre la parole il faut comprendre les règles du jeu. Je ne dirais pas que la méthode n’est pas importante. J’en ai une et je pourrais te l’enseigner une autre fois.
Mais apprendre une méthode sans comprendre les règles c’est comme apprendre à taper super vite sur un clavier avant de parler une langue.
Voilà donc ma mini-formation. Elle est à -50% jusqu’à vendredi soir (au moment où j’écris). Donc ne tergiverse pas trop, c’est le moment :
(Si tu es premium, ne clique pas sur le lien précédent, retourne dans l’email de mardi avec l’offre préférentielle à -75%)
Pour aller plus loin
Si tu veux voir une description plus précises des deux expériences de Mehrabian, tu peux en trouver une ici.
Si tu veux voir un expert en réthorique parler de ce mythe, voici une vidéo :
Ton sens du détail dans les articles est carrément enviable ! Merci pour ce post ^^
Je rattrape mon retard niveau lecture 😅
Très cool ce post.
Mais je me demande si on est d'accord sur la définition de communication.
1) Tu as l'air de sous-entendre que la communication c'est avant tout /voire uniquement/ l'information et sa compréhension. (exemple du mime de la démocratie).
En somme, tu sous-entends que l'apprentissage passe mieux avec des mots. J'apprendrai davantage avec un cours en podcast qu'avec un cours que tu me mimerai. Certes. Evidemment. L'apprentissage strict d'une information a probablement peu à voir avec le non-verbal mais est-ce que c'est ça dont on parle quand on dit la communication ?
Du coup, est-ce que un dictionnaire communique avec moi à partir du moment où il peut m'expliquer ce qu'est la démocratie ? Est-ce que Alexa communique avec moi puisque j'ai un échange avec elle qui me permet d'apprendre ?
Ce sont de vraies questions.
J'ai été sur Google pour essayer de répondre moi-même à cette question. J'ai lu la définition du verbe « communiquer ».
Faire passer quelque chose, le transmettre à quelque chose d'autre : Le Soleil communique sa chaleur à la Terre.
Transmettre à quelqu'un un savoir, un don, faire qu'il ait ce savoir, ce don, cette qualité, etc. : Communiquer à ses enfants son savoir.
Faire partager à quelqu'un un sentiment, un état, faire qu'il ait le même sentiment, qu'il soit dans le même état, etc. : Il nous a communiqué son fou rire.
Faire passer quelque chose à quelqu'un pour qu'il en prenne connaissance : Le service de la Préfecture nous a communiqué votre dossier.
Faire savoir quelque chose à quelqu'un, le lui révéler, lui en donner connaissance ; transmettre, divulguer : Communiquer des renseignements confidentiels à un concurrent.
Transmettre une maladie à quelqu'un, le contaminer.
Je sais pas si dans ces définitions, le fait de transmettre un savoir, une information est vraiment central.
2) « Ça voudrait dire que dans un discours de 10 minutes, seulement 42 secondes passeront via les mots. »
Je ne peux pas m'empêcher de trouver cet argument un peu fumeux. Si on fait la même chose avec le rap : admettons 70% le texte, 20% le flow et 10% l'instru ça revient pas à dire que 8 minutes d'un morceau de 10 minutes passent par les mots. Sinon c'est juste de la poésie. Ça veut dire que c'est un tout. Que chaque élément compte.
Alors je vois bien en quoi c'est étrange et faux de penser que la communication verbale occupe si peu de place dans un discours … il y a un problème de hiérarchisation. Toutefois, présenter cette erreur en découpant les aspects du discours et en en faisant des parties autonomes ça me paraît un peu gros. Personne n'a dit qu'un des aspects pouvait fonctionner si on le détachait des autres.
3) Alors arrêtons de divulguer cette légende urbaine. Tu as raison. Mais un dernier point en forme de prolongement : Est-ce que ça ne serait pas souhaitable de mettre en avant la communication non verbale ? Est-ce que même hors des situations balisées comme étant propices à l'émotion, on ne devrait pas prendre le temps de se regarder et de se décrypter ?
Je prends l'exemple de la zone grise du consentement. Si une fille dit « oui » mais qu'elle pense « non » , est-ce que la communication non verbale n'est pas la clé ? Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable de savoir décrypter ce qu'elle ressent ?
Je prends l'exemple des élèves harcelés (j'imagine que ça vaut pour les employés harcelés) qui viennent au tableau, qui envoient des signaux que les profs ne savent pas lire parce que leur discours dit « tout va bien ». Parce que les paroles ne montrent pas le malaise face à la classe.
Je prends l'exemple des menteurs . De certains politiques par exemple. Est-ce que sentir les hésitations, les moments de gêne ne permettraient pas de mieux comprendre le message ?
Finalement, je crois que dans le post, mon problème c'est pas tellement le pourcentage que représenteraient le verbal ou le non-verbal. C'est plutôt le fait de dissocier les choses et de hiérarchiser leur importance.
4) Les gens, achetez la formation de Nicolas sur les 21 secrets pour parler en public. Elle est aussi incroyable que tous ses e-mails et puis ma voisine en a profité aussi : elle a adoré.