Les Blancs, il faut le dire, ne sont pas soumis à la même charge mentale pour se rééduquer et se sortir de leur ignorance raciale. C’est un aspect de leur complexe de supériorité qui fait que les Blancs d’Amérique pensent qu'ils ont si peu à apprendre.
Est-ce que je peux mieux le dire que Martin Luther King dans son livre : Where do we go from her ?
Non.
Tout est dit.
Mais je vais te le redire en plus long.
La confusion entre haine et supériorité
C’est une des manières les plus efficaces de maintenir le racisme. Premièrement on fait croire que le racisme repose sur la haine. Alors qu’il repose sur la supériorité. Ce détail change tout.
En effet, quand quelqu’un vous dit mais j’ai ma femme de ménage qui est Noire, je ne suis pas raciste. Ce que la personne veut dire c’est qu’elle ne hait pas sa femme de ménage. Certes, mais elle se sent supérieure à elle..
Idem, une blague raciste n’est généralement pas haineuse. En revanche elle rappelle que c’est le Blanc qui est universel donc supérieur.
De la même manière que de dire que les Noirs dansent mieux n’est pas haineux. En revanche c’est leur reconnaître uniquement des qualité non prestigieuses, qui n’aident pas à avoir de position de pouvoir.
Toute haine des Noirs est raciste, bien sûr. Mais tout racisme n’est pas haineux.
C’est hyper important et la lutte féministe a un mot pour différencier : misogynie.
La misogynie ce n’est pas le sexisme. La misogynie c’est quand, en plus de la supériorité, on rajoute la haine. Mais le sexisme peut s’exercer sans la moindre misogynie.
Malheureusement, l’équivalent n’existe pas pour le racisme. Alors on dit racisme ordinaire pour parler du racisme sans haine. Mais le mot ordinaire est regrettable, il laisse penser que c’est normal.
Un des exemples qui illustrent le mieux que le racisme s’ancre dans la supériorité et non la haine c’est celui des pieds noirs.
J’ai une amie qui a une grand-mère très raciste. Je ne te parle pas de racisme ordinaire. Je te parle vraiment de dire ouvertement qu’elle déteste les Arabes. Alors on m’a dit :
Mais en même temps, sans l’excuser, il faut comprendre qu’elle a vécu la guerre en Algérie donc ça laisse des cicatrices.
J’ai alors demandé elle est assez vieille pour également avoir des souvenirs de la seconde guerre mondiale, donc tu vas faire un test, tu vas lui demander si elle se sent supérieure aux Allemands.
Ce qui est facile c’est qu’elle n’a pas de filtre. Et il s’est passé exactement ce que j’avais prévu.
- Mamie, est-ce que tu te sens supérieure aux Arabes
- Euh… oui
- Mamie, est-ce que tu te sens supérieure aux Allemands ?
- Ah non ! On les détestait mais c’est plutôt eux qui nous étaient supérieurs
Et voilà.
Bien sûr.
Il n’existe pas de racisme dirigé contre les allemands.
Pour que le racisme existe il faut se concevoir supérieur.
Mais dire que le racisme c’est la haine permet aux Blancs de ne pas accepter de prendre leur part. Ils se contentent de dire mais j’ai pas de haine envers les personnes racisées pour en faire la fausse conclusion : donc je suis exempt de tout racisme.
La stratégie du Diable
L’autre versant de cette stratégie est encore pire. C’est celle qu’a utilisé Guillaume Meurice :
Comme je trouvais ça ridicule, en gros, je résume dans le livre, la clé de voûte du livre, c'est très simple, c'est soit cette blague, elle est antisémite, j'ai dit la direction de Radio France, soit vous considérez que cette blague, elle est antisémite. Dans ce cas-là, virez-moi.
Ne gardez pas quelqu'un qui dit des trucs antisémites à l'antenne. Si j'étais à votre place, je virerais la personne. Si j'avais un média, j'étais responsable d'un média et que quelqu'un vient dire un truc antisémite, ça dégage.
Ou alors, elle ne l'est pas et dans ce cas-là, il faut me défendre à fond.1
En gros, soit je suis une personne maléfique, soit je suis au-dessus de tout antisémitisme.
Ça ne fonctionne pas comme ça. Toutes les personnes non-juives vont penser et dire des choses antisémites dans leur vie. Pas au même degré, certes. Mais justement : ce sont des degrés. La blague n’était pas au même rang que se moquer directement de la Shoah, certes. Mais elle n’est pas non plus dénuée d’antisémitisme.
C’est pareil avec le racisme. Je n’ai jamais croisé une seule personne blanche qui ne finissent pas par me dire un truc raciste. Même les plus incroyables.
Et des trucs sexistes j’en ai dit et j’en dis encore malheureusement plein.
Donc la stratégie consistant à tout mettre en balance : soit je suis le Diable, soit je suis un Ange, c’est une manière de faire chat perché.
Évidemment que non, Guillaume Meurice n’est pas le pire des connards antisémites. Évidemment que sa blague ne relève pas de la haine raciale et ne sera donc pas condamnée. Mais personne ne lui a dit ça.
En transformant la question en Diable ou Ange il nous empêche d’avoir la discussion et il remet toute la charge raciale sur les personnes juives : ok maintenant si vous voulez parler d’antisémitisme il va falloir dire que je suis le Diable.
La plupart des personnes juives vont renoncer. Car… si elles essaient… elle se font tomber dessus par les Blancs solidaires. D’ailleurs je dis “Blancs”, mais ce que je veux dire ici c’est Non-Juif. C’est une catégorie différente puisqu’elle m’inclut.
La stratégie qu’utilise Meurice ici est comparable à celle du 49.3. En gros c’est :
Je fais passer ma loi et votre seule manière de l’empêcher c’est de renverser le gouvernement et provoquer de nouvelles élections.
C’est comme ça que Macron a réussi à faire passer sa loi sur les retraites avec une minorité.
Parce qu’il existait une majorité de député·es contre sa réforme. En revanche les député·es qui étaient prêt·es à prendre le risque de nouvelles élections législatives pour bloquer la réforme étaient légèrement minoritaires.
C’est une technique diablement efficace.
Et les Blancs l’utilisent en permanence quand on leur parle de racisme. Là par exemple j’ai essayé d’expliquer à une Émilie qui vit en Guadeloupe que non elle ne vit pas le racisme anti blanc … et bah en deux tweets elle partait déjà dans les tours en mode au secours quelqu’un est en train de me traiter de femme maléfique.
"Si la condamnation du racisme semble une évolution positive, il nous faut considérer comment le processus fonctionne, concrètement. À l’intérieur de ce paradigme, suggérer que je suis raciste, c’est me porter, profondément, un coup moral – une sorte d’assassinat de ma personnalité.
Quand je reçois ce coup, je me dois de défendre qui je suis, et c’est à ça que je vais consacrer toute mon énergie – à parer l’attaque plutôt qu’à réfléchir sur mon comportement. Faute d’accepter de discuter de ces dynamiques ou d’envisager notre fonctionnement interne, impossible de cesser de participer au racisme.
Pour un Blanc lambda, la dichotomie bien/mal empêche donc absolument de comprendre le racisme et à plus forte raison d’y mettre un terme.
Comme le dit l’universitaire et réalisateur afro-américain Omowale Akintunde : « Le racisme est un phénomène systémique, sociétal, institutionnel, omniprésent et incrusté d’un point de vue épistémologique qui imprègne chaque fraction de notre réalité. Pour la plupart des Blancs, cependant, le racisme est comme le meurtre : le concept existe, mais il faut que quelqu’un le commette pour qu’il se produise. Cette vision limitée d’un syndrome qui possède tant de niveaux différents cultive la sinistre nature du racisme et, de fait, perpétue les phénomènes racistes au lieu de les éradiquer. »2
Invoquer la solidarité Blanche
Voilà comment Guillaume Meurice explique son refus de s’excuser :
“Non, je ne m'excuserai pas. Je n'ai pas fait d'erreur, je ne vais pas m'excuser.
Et après, ils m'ont rapidement dit: il faudrait dire un petit mot parce que tu as choqué beaucoup de gens. Et donc, au moins, si tu peux faire un petit mot pour dire: Désolé d'avoir choqué les gens. Donc là, j'ai rapidement dit: si je fais ça, pourquoi je ne le fais pas sur toutes les autres chroniques où je reçois beaucoup de messages également de gens choqués ?”
(…)
.Surtout que assez rapidement, quand il y a l'ampleur, les gens constatent l'ampleur de la polémique, je reçois 10 fois plus de messages de soutien. Donc moi, je leur ai dit: Je fais quoi de On fait un match, on me compte les messages de soutien que j'ai, les messages d'insultes, les gens choqués. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? Il n'y avait pas d'issue.
Ah bon… pourtant moi ça me semble pas super compliqué :
1) vu que les personnes non juives sont en extrême-majorité alors il est normal de recevoir une majorité de messages de soutien
2) le sujet est spécial, ce n’est pas “choquer” des gens, c’est leur faire vivre de l’antisémitisme.
Ici y’a deux euphémismes qui masquent le problème : remplacer personnes juives par des gens et choquer par appuyer sur la douleur de l’antisémitisme.
Et surtout y’a l’autre stratagème qui se met en place, il va exiger qu’on lui démontre que la blague était antisémite. Il dit d’ailleurs que personne n’a réussi.
Remplir l’espace de paroles
On peut facilement refuser la charge raciale en envahissant l’autre de paroles. Logiquement, une personne à qui vous venez de faire vivre du racisme ordinaire va être un peu groggy.
Voilà ce qu’il faut dire : ok je comprends pas trop pourquoi ce que j’ai dit était raciste mais je fais confiance à ton radar et on en parle quand tu seras prêt·e
Au lieu de ça… les gens vont l’inonder et exiger d’elle un débat super précis avec des termes qui vont les convaincre. Sauf que dans 90% des cas une personne racisée n’est pas experte du racisme. Donc elle a juste une sensation.
D’ailleurs quand quelqu’un a mal vous faites pas ça. Vous dites pas non mais attends je ne te croirais que quand tu pourras décrire avec précision, l’endroit la sorte de douleur, etc.
Cette année j’ai eu énormément de migraines. Je suis allé dans un hôpital spécialisé. Et à la fin de l’entretien la docteure a commencé à creuser avec moi pour mettre un mot plus précis sur la douleur : ça tire ? Ça pulse ? Ça tiraille ? Ça fait une pointe ? Ça envahit ?
J’étais incapable de le faire. Mais déjà elle l’a fait à la fin de l’entretien après avoir accepté que j’avais mal et ensuite ça ne lui servait pas de prétexte à me dire qu’en réalité je n’avais pas mal.
Bah c’est pareil pour le racisme qui est une douleur psychique.
Tu ne peux pas exiger d’une personne souffrant du racisme qu’elle te décrive précisément la douleur avant de la croire
C’est l’inverse. D’abord tu la crois et ensuite tu comprendras.
D’ailleurs parfois la personne va se tromper. C’est rare mais ça arrive. Bah là c’est pareil tu attends et elle reviendra dire par exemple non ok j’étais un peu à fleur de peau sur le sujet à cause de l’ambiance des médias. Ça m’est arrivé pendant la campagne présidentielle où y’avait Zemmour dans les sondages à 16%, ça m’a mis dans une hypersensibilité sur le sujet.
Mais toi ton rôle c’est justement d’attendre. De croire et ensuite comprendre.
Parce que sinon il se passe quoi ? Tu remplis l’espace de paroles et tu empêches les gens de parler.
C’est “marrant” car on a parlé du sujet dans le groupe WhatsApp premium de l’Atelier. Et y’avait des gens qui ne comprenaient pas en quoi la blague de Meurice était antisémite. Alors ils ont occupé l’espace. Et quelqu’un a dit “mais moi je ne connais pas de personnes juives”.
C’était fou parce que moi je savais qu’il y avait au moins deux personnes juives qui n’osaient pas prendre leur parole et leur expliquer que la blague était antisémite.
Parce qu’ils remplissaient l’espace.
Les Blancs (surtout de gauche) partent du principe que c’est IMPOSSIBLE qu’ils aient fait du racisme
On le voit beaucoup avec Mélenchon : on voit que sincèrement il part du principe qu’il ne peut pas participer à l’antisémitisme.
Du coup ça donne des discussions insupportables où quelqu’un nous demande de lui prouver qu’il a dit un truc raciste alors que toute façon il part du principe que c’est impossible qu’il dise des trucs racistes.
Et puis de toues façons… ils utilisent la technique d’après :
S’utiliser soi-même en arbitre
Salomé Saqué : Vous ne doutez pas, par exemple, d'avoir fait de l'antisémitisme ordinaire sans vous en rendre compte quand on se dit: Il y a autant de personnes qui en pensent, qui pensent ça. Peut-être que je ne me suis pas rendu compte que ce que je disais pouvait avoir un caractère antisémite, mais que je ne l'ai pas fait volontaire d'en faire.
Guillaume Meurice : Si, je me suis posé la question, puis assez rapidement, je me suis dit non.
P
T
D
R
Je ris pour pas en pleurer.
C’est fou. Je suis sûr que ça fait hurler à peu près toutes les personnes qui ont déjà vécu du racisme. Mais c’est si commun comme réaction. La personne se dit tiens tiens, on me dit que j’ai un angle mort raciste, je vais m’ausculter… non ok c’est bon j’en ai pas.
Parfois j’ai presque envie d’en rire.
Évidemment que si tu es le genre de personne qui a fait cette blague antisémite tu ne vas pas pouvoir t’en rendre compte par toi-même. Surtout en deux secondes. Puisque, si tu avais la culture/l’empathie/l’éducation suffisante pour t’en rendre compte par toi-même, TU N’AURAIS PAS FAIT CETTE BLAGUE à la base.
Ce n’est pas à toi de juger car tu es incapable de juger.
Et c’est valable pour toutes les personnes qui ont ri à la blague puis ont demandé allez montrez moi que c’est antisémite.
Mais en fait si tu n’avais pas un giga angle mort sur le sujet tu n’aurais pas ri en premier lieu ? Donc on fait comment ?
Mettre une autre oppression en balance
C’est super courant. La personne va te dire par exemple qu’elle est une femme et ramener au sexisme parce que tu viens de lui parler de son racisme.
En ce moment on ce phénomène sur comme y’a des massacres en Palestine alors chat perché je peux dire des trucs antisémites.
Bah… non ? C’est pas un jeu qui s’équilibre.
Ma chanson pour rassurer les femmes blanches dans la rue
Je voulais finir avec une anecdote de la semaine dernière.
Je suis rentré au bureau en chantant Mon amant de Saint-Jean. Un collègue à moi s’est étonné. J’ai répondu en rigolant. Puis il a insisté sur mais c’est chelou que tu chantes ça.
Et j’ai fini par lui dire la vérité.
La vérité c’est que je suis venu au bureau en Vélib. Or, en arrivant j’ai croisé une femme blanche qui a eu peur de moi. C’est assez régulier. Ça m’est arrivé la semaine dernière avec un papy qui rentrait chez lui, dans le même bâtiment que moi, la nuit.
Il a commencé à presser le pas, à jeter des coups d’oeil derrière lui. J’avais envie de lui dire
Et oui… un Noir est chez toi, tu vas t’en remettre.
Mais le plus souvent ça arrive avec des femmes blanches. Et spontanément je me mets à chanter une vielle chanson kitsch pour les rassurer. Je ne fais même plus attention.
Mais j’avais été super étonné quand j’avais entendu d’autres Noirs raconter la même chose dans les ascenseurs par exemple. Toutes ces stratégies qu’on adopte pour dire aux Blancs non mais t’inquiète pas moi j’suis un gentil Noir.
Alors que ça ne devrait pas être à nous de nous adapter. Ça devrait être aux blancs de faire l’effort d’arrêter d’avoir peur.
White Fragility
Chaud comme sujet mais je retiens cette phrase.
"ok je comprends pas trop pourquoi ce que j’ai dit était raciste mais je fais confiance à ton radar et on en parle quand tu seras prêt·e"
Prendre conscience que notre réflexe d'être sur la défensive empêche de se comprendre vraiment
Croire sur le principe
Remettre les explications à plus tard
Verbaliser le tout.
Je n’arrive vraiment pas à comprendre comment on peut mettre le racisme et l’antisionisme dans la même catégorie (parce que oui, c’est bien d’antisionisme qu’on parle et non d’antisémitisme). D’un côté tu as des gens qui sont discriminé pour ce qu’ils sont sans n’avoir jamais rien fait de mal et de l’autre tu as un peuple au sein duquel la majorité des gens soutiennent un gouvernement colonialiste meurtrier etc… et parmi la minorité, la plupart ne dit / fait rien pour s’opposer à ce gouvernement.
Alors que rien ne peux justifier d’être raciste, il y a à mon sens beaucoup de raisons qui peuvent expliquer l’antisionisme en ce moment. Comme il y en a pour expliquer « l’anti-Russie » ou « l’anti-USA » par exemple. Se sentir offensé par une blague qui cible un dirigeant qui est l’un des pires criminels de guerre du 21ème siècle c’est ça qui est choquant à mon sens.