Les 9 bénéfices du racisme
Je suis souvent étonné d’à quel point les gens refusent d’admettre que les électeurs RN votent RN par racisme. Parce qu’ils refusent d’admettre que le racisme puisse guider autant de gens. Alors que pourtant, les électeurs RN eux-mêmes sont 82% à s’autodéclarer racistes.
Quand on fait un sondage anonyme et qu’ils savent qu’on ne peut pas les identifier, ils sont francs : 43% se déclarent plutôt racistes et 39% se déclarent un peu racistes.1
Alors que sur l’ensemble des français c’est seulement 28% (dont une grande partie sont, du coup, les électeurs RN mais pas que).
Autant dire que c’est conscient.
Ce n’est pas parce que ton oncle Gérard nie de toutes ses forces en public qu’il ne le sait pas. Mais il ne gagne rien à te l’admettre.
Se pose du coup une question : pourquoi le racisme est-il si attractif ?
Et bah c’est comme le sexisme. Tu pourras quasiment remplacer racisme par sexisme dans cet article et je suis sûr que ça te paraîtra évident.
C’est important de bien concevoir le racisme comme un système rémunérateur au lieu d’en faire une tare morale individuelle car ça permet de comprendre que
Tu en profites aussi
Ce n’est pas irrationnel
le racisme est d’autant mieux compris qu’il n’est pas ramené à des pulsions ou à des traits de caractère individuels, mais à la structuration collective d’inégalités ethnoraciales et au système de justifications venant la légitimer.2
#1 | Avoir accès aux meilleurs jobs, aux meilleurs salaires
Il y a peu de personnes racisées dans les métiers les plus prestigieux, les mieux payé·es. Car le racisme leur coupe l’accès. Que ça soit pendant le recrutement (on a moins de chance d’être retenu à l’entretien si on s’appelle Mohamed) ou pour les promotions (même la façon d’être des personnes racisées sera retenu contre elles au travail : manque de diplomatie, manque de savoir-être, etc).
#2 | Avoir accès aux meilleurs logements
Sur ce niveau on est bien pire que les USA. Au moins, là-bas, l’équivalent des banlieues se trouve au centre-ville. Donc au moins t’es proche des lieux de travail. En France c’est la double peine : on te parque dans une banlieue loin du coeur économique de la ville.
Il n’y a qu’à voir à Paris comment s’organise racialement la ville…
#3 | La diminution de la compétition
Non seulement les meilleurs jobs sont trustés par les personnes blanches mais il y a aussi l’opposé en bas : les pires jobs sont réservés aux personnes racisées.
Donc ça veut dire que, d’office, je suis blanc, je sais que j’ai beaucoup moins de chance de finir livreur ou femme de ménage.
Ça permet de diminuer la concurrence : une partie de la population est de toute façon cantonnée aux jobs pourris.
D’ailleurs les rappeurs le disent souvent : pour s’en sortir c’était soit le rap, soit le foot.
#4 | Exploiter les ressources d’autres pays
En parallèle, grâce aux dividendes de la colonisation, on profite des ressources de pays… uranium, or, pétrole…
Sans les répercussions de la colonisation, l’économie française aurait énormément de mal à performer.
Mais même sur des choses plus triviales : si chaque personne sur la planète consommait autant de viande qu’un français, il n’y aurait plus de viande le 11 avril.
Chaque 11 avril on devrait dire bon bah il faut attendre 8 mois maintenant que la saison de la viande revienne.
Les pays blancs s’accaparent une part de la richesse mondiale bien bien disproportionnée par rapport au nombre de leur population.
#5 | Piller les cerveaux et les bras des pays qui ne pourront jamais se construire
C’est pour ça que je suis très tendu quand on me parle des bienfaits économiques de l’immigration. Au-delà du fait que ça ne convainc aucun électeur RN, y’a une forme de cynisme fou. Car on assume dépouiller les autres pays de leurs forces vives.
Il y a un tel écart de richesses entre la France et les pays qu’on a pillé que ça crée un cercle vicieux : les personnes de ces pays viennent en France. Or, en France, on sélectionne globalement l’immigration qui va le plus nous servir économiquement.
Au final : les pays en question n’arrivent pas à se développer, et nous on continue à faire de la croissance alors que le vieillissement de notre population aurait dû nous conduire à prendre moins de place dans l’économie mondiale.
#6 | Avoir des gens dociles qui vont faire les pires trucs sans se plaindre
C’est d’ailleurs ce qui énerve les électeurs RN : il y a désormais trop de personnes racisées qui refusent la docilité. Et c’est ça qui crée l’hostilité des électeurs RN. En effet, il ne faut jamais oublier que le racisme n’a pas pour pilier la haine, le racisme a pour pilier la supériorité. La haine n’est qu’une manifestation dans certains cas :
D’un entretien à l’autre, c’est ce même désir inquiet, presque paniqué, d’échapper à l’éventualité d’être soi-même minorisé qui revient sans cesse. D’où ce sentiment de dépossession, qui s’exprime d’autant plus que les groupes minoritaires sont considérés comme trop nombreux et surtout insuffisamment conformes à « l’état de dépendance » matérielle et symbolique supposé caractéristique de la minorité.
Si la figure du « bon immigré » – « discret », « qui travaille », « très gentil », « très bien », « respectueux », voire « adorable », avec qui il n’y a « aucun problème », qu’on ne « voit pas trop », qu’on « n’entend pas » – est si importante dans les récits récoltés, c’est parce qu’elle renvoie à cet état idéal de la relation entre majoritaires et minoritaires, dans lequel le subalterne se doit d’être travailleur, invisible, poli, comme l’avait analysé Sayad.
Lorsque cette relation semble fonctionner de manière moins efficace, les groupes et individus minoritaires sont en revanche perçus comme menaçants, provocants, indociles. C’est alors que la condescendance, le paternalisme, le mépris aussi laissent place à d’autres affects : l’agacement quotidien, la peur, puis souvent la colère, la détestation.
« L’hostilité est un mouvement second, il se passe quelque chose avant », écrivait Colette Guillaumin à propos de la mécanique raciste.
Cet avant, c’est l’ordre racial instauré comme allant de soi, dont la remise en cause entraîne ce raidissement typique des situations où un pouvoir dont on pensait bénéficier « naturellement » – un privilège non conçu comme tel – semble partiellement remis en cause.
L’impression de dépossession, et l’hostilité qui en résulte, émerge sur fond d’un état inégalitaire préalable, conçu comme légitime et normal, dont toute contestation même minimale apparaît symétriquement comme scandaleuse, illégitime, voire injuste.
#7 | L’hégémonie politique
Le racisme permet de conserver le pouvoir dans les mains de personnes blanches. Ce sont des personnes blanches qui décident pour tout le pays et il est très difficile pour les personnes racisées d’accéder à ces positions.
Et quand elles y accèdent, elles subissent des montagnes de harcèlement qui peuvent finir par les faire prendre leur retraite.
Qui peut croire qu’il n’y a aucun lien entre les tombereaux de haine que se prenait Christiane Taubira et le fait qu’elle n’ait aujourd’hui plus de mandat politique ?
#8 | Retrouver de la dignité
Pourquoi on fait souvent le lien entre pauvre blanc et racisme ? Parce qu’il y a dans l’expression raciste quelque chose qui va redonner de la force, de la dignité.
On trouve quelqu’un encore plus en dessous de soi et on affirme sa supériorité dans la hiérarchie de la société.
#9 | Justifier le racisme
Là où c’est magique c’est que le racisme est un système complet qui apporte une vérité (un peu comme la religion) mais qui en plus s’auto-justifie.
Bah oui… les personnes racisées sont en bas de la société parce qu’elles le méritent.
Alors qu’en réalité elles sont en bas de la société à cause du racisme.
Mais le racisme renverse le truc en disant vous voyez, c’est bien la preuve que j’ai raison.
Faury, Félicien. Des électeurs ordinaires: Enquête sur la normalisation de l'extrême droite (p. 171). Seuil. Édition du Kindle.