On continue cette semaine avec le résumé du livre Ce que Cécile sait de Cécile Cée
Pour que l’inceste ait lieu il faut que l’incestuel existe. De la même manière que pour les viols aient lieu il faut la culture du viol. Pour que le racisme existe il faut tout le champ des blagues racistes, du déni, des structures de police, etc.
Qu’est-ce que l’incestuel ?
Dans le langage courant on s’en sert comme un version moins grave d’incestueux. Alors que pas du tout. L’incestuel est le champ de force qui permet l’inceste.
Les parents qui racontent leur vie sexuelle à leurs enfants, sont déjà dans l’incestuel.
L’incestuel c’est un climat qui prive l’enfant de son innocence et l’englue de la sexualité des adultes. L’autrice raconte comment à 8 ans elle discutait déjà avec sa soeur de 6 ans de scènes non seulement pronographiques mais de viol.
L’incestuel est nécessaire pour qu’il y ait inceste
La première fonction de l'incestuel, quand il est agi mais pas dit, c'est de masquer l'inceste - tout en l'exhibant. Ainsi que l'explique Racamier, qui a vraiment conceptualisé la notion, l'incestuel se manifeste à travers des activités qui sont des substituts d'inceste: l'acte médical, une pratique artistique, le rituel collectif du pipi dans le jardin, les confidences intimes à la mère...
(…)
« Mon père s'est arrêté à la frontière qui m'aurait aidée à le détester. Il m'est arrivé d'espérer qu'il soit allé plus loin, qu'il soit allé au bout de son acte. Il me semble que les choses auraient été plus claires dans ma tête. J'aurais pu classer mon père dans la catégorie des ordures, j'aurais pu le détester, lui tourner le dos sans regrets, j'aurais peut-être même pu porter plainte et me réparer mieux et plus vite. Mais il m'a laissée là, dans cet entre-deux sur lequel je n'arrivais pas à mettre de mots, dont je n'arrivais pas à définir la gravité.»
Note : ce n’est pas l’autrice qui parle entre les guillemets, je viens de le comprendre à la relecture 1
L’autrice en profite pour s’opposer à la vision de l’incestuel sans passage à l’acte. Car ça provient d’une graduation centré sur les incesteurs. On trouve qu’une pénétration est plus grave qu’une fellation, elle-même plus grave qu’un attouchement… parce qu’on se place du point de vue de ce qui a donné le plus de plaisir à l’incesteur.
C’est d’ailleurs une hiérarchie qui va au-delà de l’inceste et est inscrite dans la justice pour toutes les violences sexuelles. Mais, du coup, ça nie l’expérience des victimes :
L’incestuel est en soi un acte ou plutôt une série d’actes qui violentent les enfants.
Ce serait impossible de faire une liste exhaustive. D’autant plus que c’est dur de décrire factuellement ce qui est un climat, une mini-culture.
Cependant la CIIVISE a fait l’effort de lister 12 indices qu’une famille est incestuelle. Du plus fréquent au moins fréquent.
La non-autorisation à penser par soi-même
L’intrusion dans l’intimité
La confusion des places
Les confidences concernant la vie affective et sexuelle
La proximité physique excessive
L’attention excessive au corps du jeune
La promiscuité
L’attention excessive à la sexualité du jeune
La sexualité par procuration
Le non-respect d’un lieu intime pour la toilette du jeune
L’exhibition
Le fait de dormir dans la chambre parentale.
L’autrice affirme que sa famille en coche 11 sur 12. Et j’avoue que j’ai été étonné en lisant ça tellement ça me paraît loin de mon enfance. En ce qui concerne ma famille je peux en cocher un… et encore je suis sévère en le cochant.
D’ailleurs, dans ce rapport, on parle d’inceste moral qui est une formulation je trouve encore plus claire que incestuel.
Allant bien au-delà d’une relation trop fusionnelle avec un parent insécure émotionnellement parlant, les témoignages reçus à ce sujet par la CIIVISE confirment un climat de violence et d’emprise manifeste, mis en place par une ou des personnalités agresseures, qui absorbe les autres membres de la famille. Ce climat impacte sévèrement le développement de l’enfant : dans les témoignages reçus, souvent, l’incestuel allait de pair avec un contexte tyrannique de violence psychologique, de maltraitances éducatives et de négation des besoins de l’enfant, qui semble parfois constituer les prémices de la mise en place de violences sexuelles.2
L’incestuel devrait nous servir à détecter les enfants victimes d’inceste
Tu te rappelles quand je te disais mais on fait quoi du chiffre d’un enfant sur 10 (sachant que c’est probablement plus proche de 1 sur 5) ? Pourquoi on a pas repéré ces enfants ?
Et bien ce modèle des 12 critères permet justement de faire du dépistage. Voilà quelques préconisations du rapport de la CIIVISE (elle fait 82 préconisations en tout, mais je ne te recopie que celles directement en lien avec l’incestuel) :
Préconisation 3 : Intégrer l’incestuel dans la pratique du repérage
Préconisation 8 : Instaurer un entretien individuel annuel d’évaluation du bien-être de l’enfant et de dépistage des violences
Préconisation 11 : Former tous les professionnels au repérage par le questionnement systématique
Préconisation 21 : Créer par la loi une infraction spécifique réprimant l’incestualité
Parce que, forcément, tant que l’incestuel n’a pas son infraction propre, on se retrouvera avec cette zone grise où on sera incapable de condamner un parent parce que la limite physique n’a pas été franchise.
Alors que pourtant on comprend très bien la notion de harcèlement moral en entreprise. On devrait donc comprendre l’inceste moral.
Ce que Cécile sait - Cécile Cée