En 2007, Apple lance l’iPhone. Je ne te refais pas l’histoire, tu sais probablement à quel point ça a été un accomplissement et une déflagration. Mais ce que tu ne sais peut-être pas c’est à quel point c’est étonnant que ça soit Apple qui lance l’iPhone.
Déjà… Apple est une entreprise informatique et non un constructeur de téléphone. Mais à la limite disons que ce paradoxe est résolu par le fait que les smartphones sont en réalité des petits ordinateurs avec une fonction téléphone. D’ailleurs, au début, certains parlaient d’ordiphones.
Non ce qui est vraiment étonnant c’est que ça ne se passe quasiment jamais comme ça. D’habitude les révolutions de ce genre sont amenées par des entreprises que personne ne connaît avant. Comme avec ChatGPT.
Alors comment Apple a fait ? La légende veut que Steve Jobs était obsédé par un livre : The Innovator Dilemma. C’est un livre qui explique pourquoi les grosses entreprises sont vouées à être renversées par des startups.
On dit que ça obsédait Jobs, ça le terrifiait. Et que c’est pour ça qu’il a lancé l’iPhone. Pour contre la malédiction.
Mais quelle est cette malédiction ?
L’histoire de Kodak
Si tu es né·e avant 1995 tu te rappelles distinctement de l’époque où Kodak était un géant de la photographie.
Et pourtant, en 2012, Kodak dépose le bilan.
Signe de ses difficultés, l'entreprise ne comptait plus que 17 000 salariés au moment du dépôt de bilan, contre 64 000 une dizaine d'années plus tôt
Aujourd’hui, Kodak existe encore car ils ont rebondi après le dépôt de bilan, mais ils sont très loin de leur gloire d’antan.
Qu’est-ce qui les a fait chuter ?
L’appareil photo numérique.
Ok… comme beaucoup d’entreprises du coup : incapacité à basculer sur le numérique.
Pas de quoi en faire un plat…
C’est là que vient LE fait choquant :
Qui a inventé l’appareil photo numérique ?
Kodak.
Ou plutôt un ingénieur chez Kodak : Steven J. Sasson.
Et là ça devient cocasse.
Nous sommes en 1975 (oui oui : 1975) et Steven propose le premier prototype d’appareil photo numérique. On lui répond que les gens ne voudront jamais regarder des photos sur un écran.
Mais surtout… l’appareil photo numérique est une menace pour les autres activités de Kodak : notamment les pellicules. Qui dit appareil photo numérique dit plus besoin de pellicules.
La suite tu la connais…
En 2005, Canon sort le premier reflex numérique 24 × 36 à prix « attractif » : l'EOS 5D
En 2006, le géant américain Kodak ainsi que l'ensemble de ses concurrents (Fuji, Agfa, Konica Minolta…) connaissent des baisses de chiffres d'affaires records dues à la non rentabilité des appareils et accessoires argentiques.
Cette histoire est symptomatique car elle montre qu’il y a quelque chose qui cloche : comment un grand groupe peut se faire ravager par une innovation technologique qu’il a lui-même inventé ?
Le dilemme de l’innovateur
Nous conaissons la fin de l’histoire donc c’est facile de se moquer de Kodak. Sauf qu’il faut se remettre en contexte : Kodak voit passer des innovations toute la journée. Chaque fois on doit lui dire que c’est the next big thing.
Pour une idée comme l’appareil photo numérique, combien d’idée sans avenir sont défendues ?
Kodak est donc en position délicate : arriver à reconnaître les bonnes idées des autres.
Mais surtout, le dilemme est le suivant : comment accepter d’investir dans un produit qui va tuer le business actuel ?
Netflix, à l’origine, louait des DVD par la poste (oui, par courrier). Parce qu’en 1997 il n’y a pas encore la technologie permettant d’avoir des vidéos sur le web.
Puis… en voyant YouTube (2005) le fondateur comprend qu’il est temps. Il prend donc la décision difficile d’expulser tous les cadres dirigeants du comité de direction. Pour les remplacer par de nouveaux qui n’auront pas pour réflexe de s’accrocher au business par courrier.
C’était une décision douloureuse mais qui a permis à Netflix de survivre. Sauf que c’était plus facile pour le fondateur de Netflix car, depuis le début, sa vision était d’avoir les films sur le web. D’où le nom “Netflix” qui est la contraction d’Internet et Flix, qui veut dire film en argot.
Depuis le début, le fondateur de Netflix voulait faire un service sur le web. Il a donc sauté sur l’occasion quand ça a été possible.
Revenons à Kodak…
Quelqu’un arrive et vous propose une idée qui va détruire votre business actuel. Que faire ?
C’est tentant de l’ignorer.
L’iPhone a tué l’iPod
En 2007, l’iPod est au pic de sa popularité.
C’est le produit qui a signé le retour d’Apple sur le devant de la scène (après des années de désert).
À ce moment, l’iPod représente 35% du chiffre d’affaires total d’Apple. Quasiment autant que les macs.
Et là… Steve Jobs, décide de lancer l’iPhone, un produit qui va forcément tuer l’iPod s’il fonctionne.
Et c’est bien ce qui a eu lieu : les smartphones ont annihilé le besoin d’avoir un baladeur numérique.
Apple a donc ravagé son propre marché. Tous les lecteurs mp3 sont morts.
Pourquoi tout le monde ne le fait pas ?
La question c’est : pourquoi tout le monde ne fait pas comme Apple, dans ce cas ?
Réponse : parce que c’est extrêmement difficile. Premièrement il faut assumer de détruire ton propre business, avec les conséquences que ça implique en termes de licenciements, etc.
Ensuite, ça demande de mettre de l’énergie sur un produit qui rapporte peu au début.
Revenons à Kodak.
Entre le moment de l’invention de l’appareil photo numérique (1975) et son explosion (environ 2005), tu as 30 ans qui s’écoulent.
30 ans pendant lesquels le marché global est négligeable pour toi. Quand tu fais des milliards, tu ne peux pas t’enthousiasmer pour un marché à 500 000€.
Les startups rentrent dans la danse
Et c’est là qu’on arrive à notre explication finale de pourquoi ce sont généralement les startups qui font cet exploit.
Prenons l’histoire d’Apple à ses débuts. Quand Apple était une startup.
Apple arrive sur un marché où y’a des géants comme IBM.
Steve Jobs est persuadé que l’ordinateur personnel va venir révolutionner le marché. IBM faisait des superordinateurs, des machines qu’on vendait uniquement aux entreprises et qui faisaient la taille d’une pièce entière.
Du coup, les gens se moquent de l’idée d’avoir des ordinateurs pour les gens normaux. Qui voudra de ça ?
"Il n’y aucune raison qui ferait que qui que ce soit veuille un ordinateur à la maison” - Ken Olsen, fondateur de Digital Equipment Corp.
Après avoir testé le concept auprès des amateurs avec l’Apple I, Steve Jobs lance l’Apple II (ou plutôt il fait son pote Steve Wozniak le construire). Un des premiers ordinateurs personnels.
C’est un carton. Apple en vend un petit millier. Ce qui fait un revenu annuel de 770 000$.
Sachant que ce sont deux étudiants dans leur garage : Steve Jobs et Steve Wozniak… ça fait un énorme chiffre !
Mais pas pour une grosse boîte.
Imagine tu es IBM, tu fais des milliards, tu dédies une partie de ton service R&D à la création de ce produit et il te rapporte moins d’un million ?
On arrive à l’idée phare du livre : un marché est plus facilement adressé par une entreprise à la taille adéquate.
Il faut que la boîte soit suffisamment petite pour que ça soit un gros revenu pour elle.
Alors qu’au début on ne touche que les gens enthousiastes et avant gardistes :
Heureusement que Facebook a racheté Instagram
Un autre qui a bien retenu les leçons du livre c’est Mark Zuckerberg. Ce n’est pas pour rien si, quand Facebook était au pic de sa popularité, il s’est mis à acheter plein de petits autres réseaux sociaux. Et y’a deux de ces achats qui se sont révélés très payants : WhatsApp et Instagram.
Aujourd’hui tous les gens à qui je parle sont soit sur WhatsApp, soit sur Instagram, soit sur les deux. Et plus personne ne va sur Facebook.
Tu peux toujours te faire renverser
De ce phénomène j’en déduis une forme d’optimisme : l’idée selon laquelle les empires peuvent toujours être renversés.
Si tu entends la musique de Star Wars dans ta tête c’est normal, j’ai écrit cette phrase en y pensant.
Mais aussi une forme de pessimisme : les empires sont remplacés par d’autres empires.
Ne pas écouter ce que les gens disent vouloir
Il y a un dernier enseignement dans le livre : l’idée selon laquelle les clients peuvent te précipiter à ta perte. Ça rejoint la fameuse phrase de Ford : si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient ils m’auraient demandé des chevaux plus rapide.
Il en va de même ici… les gens, moi le premier, disaient qu’ils ne voudraient jamais d’un téléphone sans clavier.
C’est ce que rappelle en riant le PDG de l’époque de Microsoft :
500 dollars ? C’est le téléphone le plus cher de l’histoire ! Et il n’a même pas de clavier donc on peut pas écrire d’emails correctement avec
Cette pression des clients, peut t’emmener à la perte. Car quand la majorité bascule, elle fait en un claquement de doigts.
Les gens passent très rapidement de on veut surtout pas de téléphone sans clavier à
oh oui génial les smartphones sans clavier.
Par exemple, début 2011 j’étais encore farouchement opposé aux smartphones sans clavier. Fin 2011 j’achetais le Samsung Galaxy S2.
Fin.
Nokia vendait la moitié des téléphones vendus dans le monde en 2007. Ses concurrents étaient Ericsson et Motorola.
6 ans plus tard… Nokia vend sa division mobile à Microsoft.
Et, au moment où j’écris, je ne connais personne qui a un téléphone Nokia.
J ai mis entre 2010 et 2012. Je l ai acheté début juin 2012.
Un Windows Phone. Cet OS me manque beaucoup. Le premier était un HTC titan 2. Après j ai acheté un lumia 650 mais comme Windows Phone a été abandonné, en 2017 je suis passé sous Android.
Je regrette surtout dans Windows Phone la gestion des contacts. Leur gros point fort. C est encore aujourd'hui les meilleurs sur ce point par rapport aux autres OS (mais ils sont morts :'( )
mon premier smartphone était un NOKIA LUMIA, et le dernier, un NOKIA X20.
maintenant tu connais quelqu'un qui a un NOKIA :p
(mais plus pour longtemps, je migre vers Google Pixel)