Jusqu'au milieu du XXème siècle, on pensait que les humains étaient motivés par la carotte ou le bâton. Toute l’organisation des usines reposait là-dessus. Punition/Récompense.
Puis un jour, des singes vont tout changer. Enfin… ils vont changer la science. Mais personne ne semble au courant dans le monde des entreprises.
Un jour, en 1949, Harlow et deux de ses collègues rassemblèrent huit macaques rhésus pour réaliser une expérience de deux semaines sur l’apprentissage. Ils conçurent un casse-tête mécanique simple (…)
Trois étapes étaient nécessaires pour les résoudre : il fallait d’abord ôter la tige verticale, puis défaire le crochet, et enfin, soulever le couvercle pivotant. Pour vous et moi, c’est un jeu d’enfant, mais pour un singe, c’est bien plus difficile.
Les chercheurs avaient placé les casse-tête dans les cages des singes pour observer la façon dont ils réagiraient et pour les préparer aux tests de résolution de problèmes auxquels ils seraient soumis au bout des deux semaines.
Or, presque tout de suite, il se produisit quelque chose d’étrange. Sans aucune pression extérieure ni incitation de la part des chercheurs, les singes se mirent à manipuler ces casse-tête avec beaucoup d’intérêt et semblèrent y trouver du plaisir. Il ne leur fallut pas longtemps pour assimiler le fonctionnement du système.
Au bout de deux semaines, ils étaient devenus experts en la matière et, deux fois sur trois, ils résolvaient le problème en moins d’une minute. Pourtant, personne n’avait jamais montré à ces singes comment retirer la tige, comment faire glisser le crochet ni comment soulever le couvercle. Personne ne les avait récompensés par de la nourriture ni par des gestes d’affection ou d’approbation.
Le résultat allait à l’encontre de tout ce que l’on avait admis jusqu’alors concernant le comportement des primates, y compris cette espèce moins poilue et au cerveau volumineux qu’on appelle l’être humain.
Pour les scientifiques, notre comportement dépendait de deux principales motivations. La première est la motivation biologique. L’être humain et les autres espèces animales mangent pour apaiser leur faim, boivent pour étancher leur soif et s’accouplent pour satisfaire leurs envies charnelles. Or, ce n’était pas ce qui se produisait ici. Comme le note Harlow, résoudre le problème ne leur apportait ni nourriture, ni eau, ni gratification sexuelle.
(…) l’autre type de motivation, au contraire, provenait de l’extérieur : il s’agissait des récompenses et des punitions dispensées par d’autres selon la manière dont on se comporte. Ce principe est certainement vrai chez les humains, qui réagissent particulièrement bien à ces forces extérieures. Quand on nous fait miroiter une augmentation de salaire, nous travaillons avec plus d’ardeur.
Quand on nous fait espérer une excellente note, nous étudions davantage. Quand on nous menace de nous exclure si nous arrivons en retard ou si nous ne remplissons pas correctement un questionnaire, nous arrivons à l’heure et nous nous appliquons. Toutefois, ce principe n’expliquait pas le comportement des singes. Comme le note Harlow, « le comportement obtenu dans cette recherche soulève des questions intéressantes pour la théorie de la motivation, sachant qu’un apprentissage significatif a été observé et qu’une bonne performance a perduré sans recours à des incitations particulières ou extérieures ».1
Si des singes non humains pouvaient réussir à trouver de la motivation dans le fait de réaliser la tâche, même pour rien alors on avait toutes les raisons de penser que c’était encore plus le cas chez les singes humains.
Cette expérience va lancer tout un champ d’étude sur la motivation qui va nous montrer ceci :
Nous pouvons nous motiver grâce à l’autonomie, la maîtrise et la finalité
L’autonomie c’est quand on a la main sur :
ce que l’on fait
quand on le fait
comment on le fait
avec qui on le fait
La maîtrise c’est quand on cherche à s’améliorer en permanence dans l’activité que l’on fait. C’est notre degré d’implication.
Attention, ce n’est pas forcément quelque chose de plaisant en permanence. C’est même, en soi, une souffrance. Mais une souffrance qu’on se choisit et qu’on aime : une forme de sport. En revanche ça doit être à la fois assez dur pour qu’on ait la sensation de lutter mais assez facile pour qu’on ait la sensation de progresser.
La maîtrise n’est d’ailleurs jamais totale, c’est justement la quête qui est le plaisir.
La finalité c’est ce qu’on pourrait appeler le sens. Faire quelque chose qui s’inscrit dans un sens de la vie.
Certains de ces étudiants de Rochester avaient ce que Deci, Ryan et Niemiec appellent des « aspirations extrinsèques », par exemple devenir riche ou célèbre, ce que l’on pourrait appeler des « objectifs de profit ». D’autres avaient des « aspirations intrinsèques », comme aider les autres à vivre mieux, à apprendre, à grandir, ce que l’on pourrait appeler des « objectifs de finalité ».
Au bout d’un ou deux ans, les chercheurs sont allés retrouver ces anciens étudiants pour voir où ils en étaient. Chez ceux qui avaient des objectifs de finalité et qui estimaient qu’ils les réalisaient, le niveau de satisfaction et de bien-être subjectif était plus élevé que durant leurs études, et l’anxiété et la dépression étaient rares. Cela n’est sans doute pas surprenant. Ces jeunes gens s’étaient fixé un objectif personnel chargé de sens et ils avaient le sentiment de le réaliser.
Dans une telle situation, la plupart des gens seraient sans doute heureux. En revanche, pour ceux qui s’étaient fixé des objectifs de profit, les résultats étaient bien plus problématiques. Chez ceux qui déclaraient réaliser ces objectifs (accumuler de la richesse, être acclamés), les niveaux de satisfaction, d’estime de soi et d’affect positif n’étaient pas plus élevés que lorsqu’ils étaient étudiants.
En d’autres termes, ils pouvaient atteindre leurs objectifs mais cela ne les rendait pas plus heureux. En outre, ils étaient plus anxieux et plus dépressifs, sans compter d’autres indicateurs négatifs, alors même qu’ils atteignaient leurs objectifs.
« Ces observations sont plutôt frappantes, notent les auteurs, car elles indiquent que le fait d’atteindre certains objectifs particuliers (en l’occurrence, des objectifs de profit) n’a aucun impact sur le bien-être et contribue même au mal-être. »2
L’importance des personnes autour de nous
D’autres théories de la motivation insistent sur l’impact des personnes avec qui on travaille. Du coup j’avais retenu le mix : autonomie, motivation, les gens avec qui on bosse.
Mais c’est vrai que j’aurais dû vous parler plutôt de 4 grands leviers. C’est juste que la finalité j’ai toujours tendance à ne pas la conscientiser.
J’ai réussi à activer ces 4 leviers dans mon CDI
Et c’est là qu’on revient sur le sujet. Pourquoi je garde mon CDI ?
Parce que j’arrive à trouver :
#1 | L’autonomie
Là c’est facile, puisque je travaille d’où je veux, quand je veux (sauf quand j’ai une formation en présentiel avec un client, mais même ça c’est moi qui propose les dates de mon calendrier). Et non seulement je travaille comment je le veux mais on attend de moi que je propose justement ce comment.
La chose que je maîtrise le moins c’est avec qui je veux. Mais même là… vu que j’ai été le premier salarié de la boîte, en vrai j’ai participé à quasiment tous les recrutements, donc j’ai indirectement si ce n’est choisi, au moins pu participer à la décision.
#2 | La maîtrise
J’ai failli partir en 2016. 2 ans après le début. En disant en fait je ne vois plus ce que je peux apprendre, j’ai fait le tour. Ça me fait rire rétrospectivement tellement j’étais loin. Ce qui était vrai c’est que j’atteignais le début du plateau de la maîtrise.
Parce que la maîtrise est toujours une courbe qui ressemble à ça :
Au début on évolue énormément, puis d’un coup ça ralentit.
Mais en réalité on ne touche jamais le 100%.
En 2020 j’avais de nouveau le sentiment d’avoir fait le tour. Et, là encore, rétrospectivement je trouve ça fou. Maintenant je sais que je ne ferai jamais le tour du métier. Mais que je peux améliorer chaque mois ma maîtrise de la discipline.
#3 | La finalité
J’enseigne le recrutement. J’y trouve du sens parce que j’enseigne tout court et que je crois fermement en l’importance de la formation continue. Mais… j’ai eu des moments où j’errais parce que je me disais qu’au final le recrutement c’était pas non plus si utile. On sauve pas des vies, quoi.
Jusqu’à ce que je commence à enseigner une méthode d’entretien qui permet de réduire drastiquement la discrimination à l’embauche, et là ça m’a fait retomber sur mes pattes.
#4 | Les gens
J’ai la chance de travailler dans un contexte où tout le monde est extrêmement performant. Et partage une culture commune. Ça rend beaucoup de choses beaucoup plus faciles. Je n’ai pas ces scènes qu’on me raconte de collègue relou parce que ci ou ça. Je pense notamment aux blagues racistes/sexistes.
Quand je dis que les gens sont performants, je devrais plutôt dire qu’ils correspondent à l’idée que je me fais de la performance.
Comment tu peux progresser sur ces leviers ?
Est-ce que c’est possible pour toi d’agir sur l’un de ces leviers ? Comment tu peux progresser dessus ?
Malheureusement, généralement, les entreprises t’échangent un levier contre de l’argent. Par exemple, plus tu progresses en maîtrise et plus on va te proposer de l’argent pour diminuer ton autonomie en échange.
Il en va de même sur la finalité : plus le job a une finalité universelle et moins bien il est payé. Plus le job est nocif mieux il est payé, pour compenser.
Donc il faut réussir à équilibrer et naviguer.
La version de Roman Frayssinet
Je ne retrouve plus l’extrait où je l’avais entendu dire ça. Je crois que c’était dans le podcast Nouvelle Ecole. Il disait que pour savoir s’il disait oui à un truc il regardait trois trucs : les gens, l’argent, le projet. Et qu’il exigeait d’avoir au moins 2 sur 3 pour dire oui.
C’est ok de travailler avec des gens qu’il n’aime pas particulièrement s’il est très bien payé et que le projet l’enthousiasme.
C’est aussi ok de travailler sur un projet enthousiasmant, avec des gens qu’il adore mais mal payé.
C’est ok de travailler avec des gens qu’il adore, très bien payé mais sur un projet qui le botte pas tant que ça.
Mais il dit non si jamais il manque deux trucs.
Bien évidemment le mieux c’est d’avoir les trois réunis, mais on a pas toujours cette option. Cette classification n’est pas scientifique, mais je l’aime bien, je m’en sers régulièrement.
La vérité sur ce qui nous motive - Daniel Pink
Idem
Mon hypothèse sur l'expérience des singes : juste ils s'ennuient 😅