La maladie inconnue du tabac
La BPCO est une maladie méconnue quand on parle de tabac alors que c’est une des causes principales de décès.
Au point que c’est la troisième cause de décès dans le monde (3 millions de mort·es).
La BPCO c’est un acronyme barbare qui veut dire :bronchopneumopathie chronique obstructive.
Bon… ça t’avance pas plus. En gros c’est une maladie qui affecte quasiment que les fumeurs et fumesues. Une maladie respiratoire qui essouffle de plus en plus. Et, pour la version la plus grave, qui étouffe mortellement.
« Plusieurs fois par jour, on a l’impression que l’on va mourir, parce que l’on suffoque alors que l’on a simplement marché cinq mètres », raconte Christiane, diagnostiquée il y a trois ans et qui vit depuis avec une bouteille d’oxygène.1
Dans la version la plus grave, la personne est essoufflée de manière démentielle rien qu’en parlant.
“La BPCO commence de manière très banale chez le fumeur, par une toux chronique, notamment le matin, qu’il trouve normal d’attribuer aux cigarettes et dont il ne se soucie pas et par des expectorations qu’il estime également comme allant de soi, du fait de son addiction au tabac.
S’installe peu à peu un essoufflement à l’effort, d’apparition plus tardive s’aggravant avec les années, parallèlement à la progression de la maladie. Là encore, le fumeur pense qu’il est normal pour lui d’être essoufflé et reste persuadé que dès qu’il arrivera à arrêter de fumer, et sans doute bientôt se dit-il, tout cela s’arrangera.
Mais l’évolution lente de ces troubles le conduit à s’adapter. Il est d’abord essoufflé au bout de deux étages, qu’il monte de plus en plus lentement, puis d’un, puis en marchant sur terrain plat, puis lors de la marche même ralentie… Ce n’est souvent qu’au stade final, quand il sera presque trop tard, que la maladie sera déjà très évoluée, qu’il se décidera enfin à consulter son médecin.”2
20% des décès liés au tabac sont dûs à la BPCO. Autant dire que c’est énorme. Et pourtant. C’est une maladie méconnue. Pourquoi ?
Impossible de le dire avec certitude mais une des hypothèses c’est que c’est une maladie qui étouffe, littéralement.
Donc, forcément, c’est plus dur de créer des associations de malades pour faire du lobbying auprès de l’état quand les victimes ne peuvent plus parler.
La honte génère le silence
Au-delà des effets physiques, il y a l’effet psychologique. Le fait que la maladie provient du tabac a une conséquence très spéciale : les victimes sont honteuses car elles se disent qu’on les avait prévenues. Donc c’est un peu leur faute. Alors personne ne se révolte.
Alors que c’est révoltant. Que l’état laisse faire, qu’on se laisse faire. Collectivement, je veux dire.
Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre la pression sur les individus, mais bien sur la complicité entre les gouvernements et l’industrie du tabac.
Complicité alimentée par notre silence.
Le plus important reste de détecter la maladie à temps en allant faire mesurer son souffle chez le pneumologue : 20 minutes remboursées et indolores », rappelle Nicolas Roche. Selon l’OMS, en 2030, la BPCO sera la 4e cause de mortalité en France. Il est peut-être temps de briser le silence.3
L’autre maladie inconnue du tabagisme
On l’a évoquée hier mais ça m’a tout autant étonné. Les fumeurs meurent énormément de maladies cardio-vasculaires.
Le lien entre tabagisme et maladies du cœur et des vaisseaux sanguins est aujourd’hui incontestable, avec une augmentation du risque d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral et d’ischémie des membres inférieurs. On sait aujourd’hui que le tabagisme régulier multiplie par trois le risque d’infarctus, risque proportionnel à la consommation : un paquet par jour l’augmente d’un facteur 7.
(…)
La consommation de cinq cigarettes par jour élève le risque de 38 % ; mais deux paquets quotidiens l’augmentent de 900 %… Par quels mécanismes le tabac agit-il sur les artères ? D’une part, l’oxygène de l’air inspiré est en partie remplacé par du monoxyde de carbone, très toxique puisqu’il prend la place, au niveau de l’hémoglobine, de l’oxygène, sans pouvoir en assurer les fonctions d’oxygénation. La capacité de transport de l’oxygène par le sang est diminuée, entraînant un essoufflement et une altération du fonctionnement musculaire.4
Là encore… j’ai l’impression que c’est dans un silence général. Même si, oui, on a les avertissements sur le paquet.
La binarité : ça n’arrive qu’aux autres / c’est ma faute bien sûr que ça allait arriver
Le drame du tabac, c’est que ses dangers, si connus soient-ils, soulèvent l’incrédulité avant qu’ils n’arrivent et une culpabilité intense lorsqu’ils apparaissent, puisqu’ils étaient annoncés, mais ignorés délibérément. Il s’est infiltré dans l’esprit du fumeur, l’idée que « cela n’arrive qu’aux autres », idée qu’il est difficile de combattre, avant que le mal s’installe, que le drame soit là.5
Cette remarque m’a particulièrement interpellé car elle me rappelle le mécanisme de binarité de l’alcool : tu es soit alcoolique en déchéance soit tout à fait ok. On n’accepte pas le milieu et, ce faisant, on se décharge de la responsabilité collective.
Les alcooliques le sont par leur faute.
Là c’est pareil avec le même mécanisme de honte. La personne est dans le déni et on ne fait pas tant d’efforts collectivement pour l’en sortir. Jusqu’au jour où c’est trop tard et là on la laisse mourir dans la honte.
Mais le paradoxe ultime c’est justement : comment en parler sans culpabiliser ou terroriser ? Car, la lutte de sensibilisation au réchauffement climatique nous l’apprend : faire peur à une personne est contre-productif, ça peut la paralyser dans l’action même de changement.
Je ne sais pas si j’y suis arrivé, là. Je me dis que même cet email il fait vachement peur si tu n’en avais jamais entendu parler. Et en même temps, comment faire autrement ? Le scandale est si grand que c’est dur de dire autre chose que c’est scandaleux.
Bon… je me dis qu’il vaut mieux mal en parler que ne pas en parler.
Surtout que le tour de force de l’industrie est d’avoir réussi à se relever du moment où on a prouvé que la cigarette tue, alors même qu’ils avaient corrompu la science pour dire l’inverse.
On fume encore, malgré ça. Parce qu’ils ont réussi à minimiser les risques tout en les admettant. En nous plongeant dans un silence qui emprisonne.
Mais aussi parce qu’ils visent volontairement les jeunes, à leur moment le plus vulnérables, pour les accrocher. On en reparle demain.
Interdire le tabac: L’urgence - Martine Perez
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