On en a déjà parlé mais on le redira jamais assez : notre système politique est très étrange.
C’est une exception en Europe.
Parce que c’est un régime très peu démocratique (j’utilise ici les standards de pays comparables).
La séparation des pouvoirs n’existe pas
Tu te rappelles de ce concept de Montesquieu qu’on voit à l’école ? L’idée que le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire doit toujours être incarné par des entités distinctes et autonomes les unes des autres.
En tout cas avec des contre-pouvoirs les unes contre les autres.
Aux USA, l’équivalent de l’Assemblée Nationale (pouvoir législatif) a un contre-pouvoir non négligeable sur le président (pouvoir exécutif) avec le pouvoir de l’impeachment. C’est-à-dire le pouvoir de “licencier” le président.
Ce n’est pas le cas dans notre modèle. L’Assemblée Nationale peut “licencier” le Premier Ministre uniquement. Le Président, lui, est inamovible.
Et encore… je dis que l’Assemblée Nationale peut destituer le Premier Ministre mais ça n’est même pas exact…
Premièrement parce qu’il faut passer par un mécanisme extrêmement dur à mettre en oeuvre : la motion de censure.
Entre 1958 et 2018, il y a eu 58 motions de censure. Mais une seule a été adoptée.
Parce que dans une motion de censure les abstentions comptent pour des votes en faveur du gouvernement. Si tu as 200 députés qui votent pour renverser le gouvernement, 100 députés qui auraient voté pour le maintenir et 277 députés qui s’abstiennent… alors on considère que 377 députés se sont opposés à la motion de censure.
Pire encore… la seule motion de censure qui a été adoptée l’a été contre le Premier Ministre Pompidou. Et il s’est passé quoi ? Il est resté en poste.
Oui, oui !
Parce que le Président dispose d’une parade : dissoudre l’Assemblée et provoquer des élections législatives anticipées.
C’est ce que De Gaulle a fait, et il a renommé Pompidou ensuite. Une fois qu’il a gagné les élections.
Mais pire encore : rien dans le texte ne dit que le président ne peut pas juste se contenter de renommer le même Premier Ministre…
Le 49-3 achève toute notion d’équilibre
Ne parlons même pas de ce pouvoir : le gouvernement peut faire passer en force des lois.
Bon bah… voilà.
La constitution Russe s’inspire de la notre
La Russie est souvent qualifiée de « régime autoritaire », de « dictature », voire de « régime totalitaire », servant en cela de contre-modèle aux démocraties libérales. Or, il est bon de rappeler que l’hyperprésidentialisme russe, pas toujours si univoque, tient beaucoup à ses institutions d’inspiration largement française – en particulier de la pratique gaullienne de la Ve République.1
En décembre 1993, après près de deux ans d’un processus constituant ayant donné lieu à des affrontements parfois violents entre partisans d’un régime parlementaire et soutiens d’un régime présidentiel, c’est un projet mixte, celui de Boris Eltsine, dernier Président du Soviet Suprême et premier président de Russie, qui est adopté par référendum par le peuple russe. Le projet est rédigé par son conseiller juridique Sergei Shakrai, qui s’était inspiré, selon ses dires, du « modèle français à la demande de Boris Eltsine »2
La présidente postfasciste italienne adore notre constitution
Tu vas dire que j’appelle tout le monde fasciste. Mais là ce n’est pas moi qui le dit. Même BFM (qui n’est pas réputé pour être une chaîne de gauchiste) qualifie Meloni de postfasciste. Et Libération a dédié un fact-check sur le sujet :
Qu’on le qualifie de «postfasciste» ou simplement de «radical», il demeure néanmoins impossible de détacher complètement le parti dirigé depuis 2014 par Giorgia Meloni de ses racines fascistes. En effet, cette formation politique est née en 2012 des cendres du parti d’extrême droite Alliance nationale (AN), qui avait lui-même pris la suite en 1994 du Mouvement social italien (MSI) – parti fondé par des fidèles de Mussolini après la chute de son régime en 1946, et qualifié de néofasciste car s’inscrivant dans la droite ligne de l’idéologie fasciste.
Mais, d’ailleurs, si je te montre le logo du parti de Meloni ça devrait te rappeler quelque chose. Le voici :
La flamme ne te rappelle rien ?
Et bien, Meloni a défendu dans la campagne :
une modification de la Constitution pour permettre l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Durant la campagne, Giorgia Meloni l’a défendu en référence à la Constitution française, présentée comme un modèle.3
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si notre propre extrême-droite a fini par aimer la Vème République. Comment un courant politique qui, à l’origine, déteste la République fini par avoir sa cheffe (Marine Le Pen) qui déclare que : “cette Constitution est une merveille d’équilibre et par conséquent, elle a été conçue pour que l’ensemble des articles puissent être utilisés” ?
Tout simplement parce qu’elle se rend compte de la puissance qu’aurait un tel régime entre ses mains.
Mais comment un régime pensé par De Gaulle qui était loin d’être d’extrême-droite peut-il à se point séduire ce camp ?
Bonne question : ça fait maintenant un an que j’ai en projet un article qui montre qu’en réalité De Gaulle a des idées beaucoup plus proches des idées classiques de l’extrême-droite (à part l’antisémitisme) que ce qu’on ne pense.
Mais bon… ça n’est qu’une piste pour le moment. Il faudrait que je creuse les quelques débuts de découverte que j’ai faits. Affaire à suivre.
Idem
Surtout que la consitution actuelle, sa pratique, son pourrissement est bien différente de celle de 1957. C'est depuis Michel Debré une longue descente aux enfers
https://substack.com/profile/5900924-jean-michel-fayard/note/c-17656352