Cette semaine j’ai envie de te parler des expériences de psychologie sociale qui m’ont le plus marqué. J’ai commencé ma découverte de cette discipline avec le livre Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens et ça a bouleversé ma manière de voir et comprendre le monde social.
Du coup je te propose une petite vulgarisation.
On commence par une des expériences les plus connues dans ce monde : l’expérience de Asch.
L’expérience de Asch : suivre le groupe même quand il dit n’importe quoi
Dans les années 50 on va mesurer l’effet de conformisme avec l’expérience suivante :
On met un individu A dans une salle avec d’autres gens. Seul cet individu A est testé. Tous les autres gens sont des acteurs.
Et… un animateur fait défiler des choses à l’écran en demandant à chaque fois aux membres du groupe de se positionner. Plus précisément on propose de dire à chaque fois quelle est la longueur du bâton à l’écran
Ici par exemple, c’est la longueur B.
Donc au début, tous les gens du groupe disent la bonne réponse. On met volontairement l’individu cobaye vers la fin du tour de table.
Jusqu’ici tout va bien.
Puis, à un moment, alors que le groupe répondait bien, il se met subitement à dire n’importe quoi. À l’unanimité.
Que va faire le cobaye ?
Si tu veux essayer de prédire avant la réponse tu peux le faire ici :
Point important : la réponse est évidemment fausse. Il n’y a pas d’ambiguïté possible.
Autre point important : tous les membres du groupe répondent faux.
En d’autres termes : est-ce qu’on préfère avoir raison seul·e ou tort en groupe ?
Et la réponse est : 37% des gens préfèrent avoir tort en groupe dans ce cas.
Alors… c’est à la fois beaucoup et pas beaucoup. Mais il ne faut pas oublier que l’erreur sautait aux yeux.
On aurait eu un chiffre bien plus important si on devait se positionner sur quelque chose où il est plus dur de se forger son avis.
Par exemple la qualité d’une musique.
Plus des gens vont aimer une musique et plus d’autres gens vont aimer cette musique, dans une grande spirale vicieuse.
Le piège du cabinet
Là ce n’est pas une expérience scientifique mais je trouve ça fascinant.
Là encore, tout le monde est complice sauf une personne. On est dans un cabinet médical. Dans la salle d’attente. Un bip retentit.
Quand ce bip retentit tout le monde se lève. Sauf la personne cobaye.
Mais… au bout de suffisamment de bips… la personne cobaye finit par le faire.
Jusqu’ici ça ressemble beaucoup à l’expérience de Asch.
Mais là où ça devient encore plus marrant c’est que, au fur et à mesure, tous les acteurs s’en vont et sont remplacés par des vraies personnes, qui sont donc de nouvelles cobayes.
Et bien… la tradition de se lever au bip perdure, elle se transmet via la première cobaye qui explique aux autres que tout le monde le faisait.
Le danseur fou
Là encore, ce n’est pas une expérience scientifique mais une anecdote qui me fascine.
On a un mec qui se met à danser tout seul. Tout le monde le regarde.
Puis, au bout d’un moment, une deuxième personne. Et là… tout change. Une personne seule qui danse c’est une folle, deux personnes c’est un groupe.
Et on finit par observer un basculement. Si bien qu’à la fin ce sont les personnes qui restent couchées qui sont les marginales.
Heureusement que nous avons l’effet de conformité
On parle souvent de ce biais pour le dénoncer. Je crois que tu n’as pas besoin de moi pour ça. Alors j’aimerais au contraire le défendre.
Pourquoi avons-nous cette faille dans notre logiciel ?
Parce que ce n’est pas une faille. Certes, là je te montre des exemples où ça nous porte préjudice. Mais je trouve aussi que ça dit beaucoup de ce que nous sommes.
Nous sommes un animal social. Un animal de groupe.
Mais pas que… nous sommes aussi un animal avec une individualité (au contraire des fourmis). Et donc on a en nous cet équilibre : à la fois une individualité mais aussi un levier de conformisme.
Ce levier est utile : imagine que tout un groupe se met à courir de peur. Souvent la bonne décision est de courir comme le groupe.
Imagine que tout le monde fuit un restaurant qui a mauvaise réputation, souvent la bonne décision est de le fuir aussi.
Malheureusement, comme ce biais est connu, les gens s’en servent pour nous manipuler. Par exemple des restaurateurs vont appeler leurs potes pour remplir le restaurant et donner l’impression que y’a du monde, afin de vous faire venir.
Les publicitaires utilisent l’argument : 95% des gens l’ont essayé…
Etc.
Mais ce n’est pas un levier qui est mal en soi. Il faut juste apprendre à l’identifier et à voir quand il est bon de réduire son penchant au conformisme.
Ça passe par diminuer la peur d’avoir des idées différentes de la majorité.
Mais là encore… il faut savoir quand le faire. Quand la majorité te dit que le covid est dangereux bah c’est pas être malin que de penser l’inverse.
Pour aller plus loin
Une vidéo qui explore le phénomène, notamment comment une chanson atteint le top 50 grâce à cet effet.