Avant cette année, voilà comment j’expliquais mon désamour pour Noël :
premièrement j’ai été élevé dans une famille où ma mère n’aimais pas Noël donc ça m’est resté.
deuxièmement, je n’ai pas la possibilité de le passer en famille à cause de l’envie ET de l’éloignement géographique.
Alors forcément… ça me met immédiatement à l’écart puisque tout mon entourage va le faire dans sa famille.
Mais y’a un problème avec cette version.
Révélation #1 : Noël est de droite
Ça explique pourquoi ça me repousse de plus en plus. En fait c’est une fête qui est pensée pour faire plaisir aux gens de droite.
C’est pour ça que ça se passe jamais comme ça :
Noël c’est LE moment où on va accepter de s’infliger toutes les pensées réactionnaires de la famille lointaine. Ce n’est pas un hasard si c’est une fête chrétienne.
Non mais à l’origine c’était une fête païenne.
Certes, mais c’était y’a plus de 2000 ans, ça, faut s’en remettre.
On nous fait croire que Noël est la fête de la générosité mais c’est la fête de la famille qui écrase tout.
Révélation #2 : Noël est égoïste et non-inclusif
Je me rappelle combien ça m’avait frappé pendant le covid. Quand on a décidé de déconfiner trop tôt pour pouvoir faire Noël. Concrètement ça veut dire qu’on s’en fout de faire des morts en plus si c’est au nom de Noël.
J’exagère ? Alors comment expliquer la polémique de cette année ? Le conducteur de train qui s’est suicidé dans son train et les gens qui insultent le conducteur en disant que c’est n’importe quoi de faire ça à Noël.
Wow… ah oui donc y’a vraiment plus aucune humanité. Un peu con pour la fête de la générosité.
Les gens n’ont aucune empathie avec ce conducteur en détresse parce que ce qui compte à Noël ce ne sont pas les humains, c’est uniquement les humains de sa famille à soi.
Ne parlons même pas des personnes végétariennes à qui on dit impossible de faire un repas pour toi. Ne parlons même pas des personnes alcooliques à qui on dit qu’on peut pas faire Noël sans alcool.
C’est si violent mais en même temps c’est un bon résumé de ce qu’est Noël : kiffe comme c’est prévu dans la tradition ou crève.
Ne parlons pas non plus de toutes ces histoires où on se demande pourquoi les gens continuent à fêter Noël en famille dans une ambiance glaciale… pourquoi s’infliger la présence de gens qui ne s’aiment pas ?
Mais revenons au suicide du conducteur qui a “gâché” les Noël des passagers. Voilà ce que titrait le Figaro :
Ah bah voilà que c’est la faute des autistes maintenant. Ça tombe bien, ça nous emmène au point le plus important.
Révélation finale : Noël est anti-autiste
C’est la première fois que je fête Noël en étant conscient d’être autiste. Et d’un coup tout a changé. J’ai compris pourquoi je n’aimais pas Noël.
Premièrement on me demande de mentir. Or c’est très compliqué pour moi de ne pas dire ce que je pense. Ce n’est pas que je suis supérieur moralement et que je suis un défenseur de la vérité. C’est juste que je ne peux pas faire autrement sans grande souffrance. Alors un mensonge inutile ? Tu sais par exemple on va me demander de ne pas réagir à un cadeau nul.
Je me rappelle une année chez mon ex, sa tante m’avait offert un album de Paris après l’apocalypse. Des fausses photos de la Tour Eiffel brisée, l’arc de triomphe ravagée. Vraiment elle s’est dit ah oui il habite à Paris, tiens je vais prendre un truc avec Paris dessus il va adorer.
Et donc on attend de moi que je ne lui dise pas ahahah mais pourquoi tu m’as offert ça ? Je vais le revendre, sauf si t’as le ticket.
Mais ce n’est pas que le cadeau, c’est aussi le fait de devoir se taper les avis inutiles des oncles de droite sans réagir pour pas faire un scandale…
Deuxièmement c’est le royaume du small talk. Beaucoup d’autistes détestent le small talk. J’essaie de trouver comment t’expliquer et faire de l’empathie mais en fait j’ai la flemme : on a grave raison et vous avez tort. Le small talk ne sert absolument à rien. Une fois on m’a dit ça permet de créer du lien. Je ne vois pas en quoi ? Au contraire on dit le truc le plus superficiel possible.
On m’a alors répondu oui mais du coup on dit quelque chose. Ah ouais d’accord mais du coup autant dire prout prout. Je suis sûr que si j’arrive vers quelqu’un et que je commence par lui dire prout prout ça créera un lien et des souvenirs bien plus mémorables que de parler de la météo.
Le small talk est vraiment une torture chez moi car je ne comprends pas pourquoi je gaspille de l’énergie sociale à parler avec quelqu’un qui ne m’intéresse pas.
Le souci étant que ma batterie d’énergie sociale est beaucoup beaucoup plus petite que celle d’une personne alliste (non-autiste). Donc je ne peux pas la dilapider pour rien comme ça.
Troisièmement il faut offrir des cadeaux même si on ne veut pas. Je crois que c’est le truc qui me révolte le plus. Souvent on dit que les autistes ne comprennent pas les normes sociales. Alors… ça dépend de ce qu’on entend par comprendre et ça dépend de quelles normes sociales. Là par exemple c’est pas que je comprends pas, c’est que je trouve ça stupide.
Le concept d’un cadeau c’est pas justement de montrer une forme d’affection ? Et surtout… ça doit pas être consentant ?
Non, arrête, je t’entends penser : mais on a le choix. C’est pas vrai. Pour l’avoir déjà fait, ça peut créer tout un scandale de ne pas offrir de cadeaux aux gens à qui on veut pas.
Comprends-moi bien, je ne te parle même pas de pas en offrir aux gens que j’aime pas. Ça, ça devrait être la base. Je te parle de ne pas en offrir même aux gens que j’aime bien mais que je connais pas assez pour faire un cadeau fou. Je préfère garder mon argent pour faire des cadeaux uniquement à une personne vraiment très proche.
Chaque cadeau que je fais à une autre personne, c’est un cadeau que je ne fais pas à la personne vraiment très proche.
En résumé, si j’ai un budget pour 7 cadeaux et que y’a 7 personnes, je préfère en prendre 7 pour LA personne que j’adore, plutôt que 1 pour chaque personne.
Quatrièmement, les gens se vexent parce qu’ils aiment pas ma tête. Beaucoup d’autistes ont un visage qui semble impassible. C’est parce qu’ils nous faut beaucoup plus d’énergie pour l’activer.
Conséquence : je me fais en permanence “embrouiller” parce que soi disant je suis en colère alors que je suis juste chill et neutre.
Mais à Noël c’est pire parce que les gens vont déduire à ton visage si tu as aimé le cadeau. Tu as beau dire super idée, un énorme merci, j’adore ton cadeau que les gens vont quand même se dire que tu as pas aimé si tu le dis sans sourire.
L’enfer.
Donc si je comprends bien, non seulement je dois mentir mais en plus quand je dis la vérité on ne me croit pas ?
Mais L’ENFER.
Pourquoi je m’infligerais un truc si violent ?
Ne parlons même pas de la sensation de déshumanisation que je ressens à chaque fois qu’une personne m’explique que je n’ai pas d’émotion. Ou alors que j’ai une autre émotion que celle que je dis que j’ai.
Je me rappelle même d’une psy qui m’avait dit que j’avais moins d’émotions que ma compagne. À l’époque je l’avais pris pour du simple racisme ordinaire. Aujourd’hui je sais que c’est majoritairement l’ignorance de l’autisme.
Mais revenons à ce concept de la réaction au cadeau. Il y a deux scénarios.
J’ai vraiment aimé le cadeau, je le dis, mais on me dit que je mens parce que mon visage ne sourit pas assez
J’ai pas aimé le cadeau, je dis que j’ai aimé mais on me dit que je mens (ce qui est vrai) parce que mon visage ne sourit pas assez
Alors que font certain·es autistes ? Des répétitions devant leur miroir, juste avant les fêtes. Rien que de l’écrire m’attriste. La violence de devoir s’exercer à faire un truc qu’on a du mal à faire juste pour échapper à l’intolérance des autres et leur incapacité à accueillir des autistes parmi eux. Devoir en permanence jouer sa vie comme un acteur ou une actrice, juste parce que les autres n’acceptent pas une autre manière d’être au monde.
Je n’aime pas Noël parce que ce n’est pas une fête inclusive. Et je ne devrais pas avoir à boycotter Noël, je devrais avoir le droit qu’on me propose une version inclusive (et cette année quelqu’un l’a fait… c’était trop bien).
De la même manière qu’une personne alcoolique devrait avoir le droit que tout le monde sacrifie pour une seule soirée l’alcool pour l’inclure.
De la même manière qu’une personne végétarienne devrait avoir le droit à ce qu’on pense un repas compatible avec elle.
Etc.
Tu l’as compris. Cette semaine le thème c’est l’autisme.
C'est très bien résumé. Ça me montre qu'il y a une part de masking encore très présente chez moi parce que ma réaction c'est : "mais c'est OK de forcer un peu la réaction enthousiaste quand je reçois un cadeau qui me plaît, parce que je veux que la personne qui me l'a offert ressente la joie de savoir qu'elle a bien visé avec son cadeau !".
Mais je le fais aussi quand le cadeau ne me plaît pas + que ça (c'est donc encore du people pleasing I guess, faire plaisir à mes dépens).
Cependant moi aussi j'ai besoin de savoir si un cadeau que j'ai offert a plu. J'aime bien que la réaction soit effusive... Mais aussi je crois que je préfère qu'on me dise qu'on n'a pas aimé si c'est le cas (que je ne recommence pas l'année suivante).
Merci pour cet article, tu poses les mots justes sur des situations vécues.
Cela fait des années que Nöel est un jour comme les autres des vacances. Ok on fait un bon gâteau, ou un apéro sympa - but wait - on fait ça tous les jours pour célébrer la vie en fait. Avec mes enfants une année sur 2, tranquillou sinon. 1 cadeau par personne, signifiant et souvent immatériel mais pas toujours offert à "Noël" d'ailleurs.
L'an dernier j'ai accepté une grande fête, 10 personnes mais famille très proche et où on s'entend très bien = 2 jours sympas mais trop mangé et 1 semaine pour récupérer !!! bilan cette année j'ai dit non !
J'ai acheté une formation à mes enfants, et un spectacle d'humour pour tout le monde.
L'an prochain j'ai déjà mes idées si je suis à nouveau en famille = une formation de Nicolas ✨✨✨