[Débrief] 4 réponses sur la police
Hier je t’ai envoyé un quiz sur la Police. Si tu l’as raté n’hésite pas à le faire avant de continuer la lecture :
Réponse #1 | Qui contrôle la police ?
La bonne réponse, vous l’avez eue en très grande majorité, c’était d’autres policiers.
On appelle ça l’IGPN.
Oui… aussi dingue que ça puisse paraître, ce sont des policiers qui contrôlent leurs collègues. Alors, oui, ce sont des policiers qui font ça à plein temps. Donc ils ne contrôlent pas des collègues directs, qu’ils croisent tous les jours.
Mais ce sont des policiers quand même. Et, surtout, ce sont des policiers sans aucune indépendance qui ont intérêt à protéger l’institution avant tout.
Ce n’est pas comme ça dans tous les pays :
En ce qui concerne la Gendarmerie, c’est une proposition qui est parfois faite pour justement améliorer les contrôles : que l’IGPN contrôle la gendarmerie et que l’IGGN (la version gendarme de l’IGPN) contrôle la police.
Ce qui nous permettrait de profiter de cette situation spéciale de la France où on a en réalité deux polices : la Police Nationale et la Gendarmerie.
Enfin… si tu as répondu Le Défenseur des Droits ce n’est pas faux, mais ce dernier n’a pas beaucoup d’écoute et aucun pouvoir contraignant.
Réponse #2 | La Commission nationale de déontologie de la sécurité
C’est vrai ! Il a existé un organisme qui était chargé de contrôler les policiers, les gendarmes, les gardiens de prison, les employés de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Cet organisme était composé de député·es, de sénateurs et sénatrices, mais également de médecins, avocats, professeurs d’université…
C’est Jospin qui l’a créé et puis comme Sarkozy gâche toujours tout dès qu’on parle de Police, il l’a supprimé en soum-soum.
Bon ok… si t’as répondu que c’est vrai mais c’est le point de vue de gauche, on te donne les points. Probablement qu’une personne de droite dirait que ça a été une économie salutaire pour une mission redondante.
Cette commission n’avait pas de pouvoir de sanction et donc ne remplaçait pas l’IGPN mais elle pouvait être saisie par n’importe qui.
Pour le citoyen qui -à tort ou à raison-estime que des forces de sécurité auxquelles il a été confronté se sont mal comportées à son égard, en dehors de toute infraction pénale (dont elles seraient les auteurs et qui justifieraient la saisine du Parquet) il est nécessaire qu’il puisse avoir accès à une autorité indépendante, avoir l’assurance d’être attentivement écouté et qu’une enquête sera faite sur les faits qu’il dénonce.
Ainsi, par exemple, une personne est interpellée sur la voie publique et menottée. La loi autorise les forces de police à soumettre cette personne au port des menottes, mais seulement, depuis une loi du 4 janvier 1993, si elle est considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même, ou comme susceptible de tenter de prendre la fuite.
Le policier dispose donc d’une marge d’appréciation. La CNDS examinera s’il en a fait usage à bon ou mauvais escient. Elle est la seule à pouvoir le faire avec objectivité et, consciente de l’enjeu pour la dignité de la personne en cause, y consacrer le temps nécessaire.
Il en va de même, l’enjeu étant plus grave encore, lorsqu’une garde à vue est décidée (parfois sans justification suffisante) et qu’elle s’accompagne d’une “fouille de sécurité”, obligeant le gardé à vue à se mettre entièrement nu en présence d’un policier ou d’un gendarme.
Il s’agit d’une mesure manifestement attentatoire à la dignité, qui peut cependant être nécessaire pour la protection du gardé à vue, du personnel de sécurité ou de tiers. Mais pratiquée de manière quasi systématique, comme la CNDS le constate à chacune de ses réunions, elle est un abus caractérisé, contraire aux instructions ministérielles -apparemment ignorées- et qui devrait être disciplinairement sanctionné.
Or elle a concerné potentiellement 562.083 personnes en 2007 , le nombre de gardes à vue ayant augmenté de plus de 54% en 7 ans, en raison notamment de la pression que les pouvoirs publics exercent sur les forces de sécurité.
Or de tels abus, et ce ne sont là que deux exemples, sont largement tolérés par la hiérarchie policière -quand elle ne les encourage pas, comme la CNDS a eu l’occasion de le constater- par application d’un principe de précaution mal interprété. Ils sont très rarement appréhendés par l’autorité judiciaire. La CNDS comble par conséquent un vide, dans un domaine touchant aux droits fondamentaux1
Ce qui est fou c’est qu’elle a réussi, malgré un manque de moyens à avoir beaucoup d’échos pendant sa courte existence.
Probablement que le fait d’avoir 4 parlementaires (dont deux de l’opposition) dans ses rangs aidait à ça.
Car oui, les moyens étaient maigres :
Le budget, figurant dans l’action « Défense des droits et protection des libertés » du programme « Direction de l’action du gouvernement » et rattaché au Premier ministre, s’élève à un peu moins de 730 000 euros pour l’année 2008. Les crédits de paiement prévus dans la loi de finances pour 2009 s’élèvent à un peu plus de 780 000 euros.
Dès sa création, la CNDS disposait de moyens financiers et surtout humains trop faibles. Les premières années d’activité ont donc été très difficiles. De 2001 à 2006, le personnel administratif ne comprenait que trois personnes à temps plein. Il est maintenant de sept. Ce très faible budget n’a pas non plus évolué au regard du nombre croissant des saisines : en 2002, la CNDS enregistrait 40 affaires et était dotée d’environ 450 000 euros, alors qu’elle en a enregistré 152 en 2008, près de quatre fois plus.
Évoquée dans un rapport parlementaire, l’insuffisance des crédits budgétaires de la CNDS a même été à l’origine d’une crise en 2005, année au cours de laquelle ils ont été gelés. Les réactions relayées par la presse, des parlementaires, des associations et des organismes internationaux ont été suivis d’une restauration des crédits initiaux.
La CNDS, une institution fragile
Une augmentation des moyens humains a été indispensable. Actuellement, quatre rapporteurs adjoints dont deux à temps plein sont au service de la CNDS. La faiblesse du budget demeure handicapante en ce qu’elle met en question la capacité d’action et l’indépendance de la CNDS.
Alors que son audience s’accroît constamment, et avec elle le nombre de saisines, elle souffre d’une insuffisance du volume d’emplois mis à sa disposition. Ainsi, chacun des rapporteurs adjoints est en permanence en charge d’une cinquantaine de dossiers en cours d’instruction.
Le manque de moyens a également pour conséquence un allongement de la durée de traitement des dossiers, qui s’élève aujourd’hui en moyenne à environ un an . La CNDS perd en efficacité et en réactivité, qualités essentielles à son affirmation comme autorité au service des citoyens.
L’insuffisance du budget est également frappante au regard des moyens dont disposent dans les autres pays les instances de contrôle similaires. Par exemple, l’Ombudsman de la police, en Irlande du Nord, est assisté d’une centaine de collaborateurs.
Les autres autorités administratives indépendantes compétentes pour les questions de droits fondamentaux disposent également d’un budget nettement plus important.
A titre de comparaison, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est doté d’un budget d’environ 3 millions d’euros et de 18 emplois à temps plein, pour l’année 2009.
La HALDE dispose d’environ 12 millions d’euros et de 82 emplois à temps plein.2
Et c’est bien Sarkozy qui, pendant la réforme constitutionnelle de 2008, a fait disparaître la CNDS sous prétexte de l’intégrer aux missions du Défenseur des droits.
La CNDS avertissait déjà de ce qui allait se passer :
Il est également soutenu que l’objectif principal est de donner plus de lisibilité au pay- sage institutionnel. La complexité des institutions serait préjudiciable à l’efficacité des contrôles et éloignerait les autorités des citoyens, qui ignorent les possibilités offertes pour faire valoir leurs droits. La création du Défenseur des droits permettrait donc de simplifier l’organisation de ces pouvoirs.
Mais ce que les autorités indépendantes gagnent en lisibilité, elles le perdent en visibilité. En intégrant la CNDS au Défenseur, la République se priverait de l’existence d’une autorité dont l’unique objet est le contrôle des forces de sécurité, symbole fort des progrès accomplis par l’Etat de droit en France.
N’est-ce pas, de même, une bonne chose qu’une autorité luttant contre les discriminations ou qu’une autre défendant les droits des enfants soient identifiables par chacun ?
Une meilleure communication sur le rôle de la CNDS lui permettrait d’être mieux connue, la multiplicité des institutions n’empêchant pas leur connaissance par les citoyens, quand leur utilité leur paraît évidente : la complexité institutionnelle n’est pas un réel problème dès lors que le citoyen a pris conscience de l’utilité apportée par chacune des différentes autorités.
A l’inverse, la compétence du Défenseur des droits pour les questions de sécurité pourrait bien passer inaperçue. Elle serait « perdue » dans la masse des affaires toutes différentes dont s’occupe le Médiateur de la République, qui ne sont guère comparables aux dossiers traités par la Commission.
Si elle n’est pas assez connue aujourd’hui, qu’en sera-t-il dans le cas où ses attributions seraient rattachées à une autorité indépendante dont la mission est très différente ? Sa notoriété faisant son pouvoir, quelle sera alors son pouvoir si elle ne bénéficie pas d’une visibilité institutionnelle ?
La volonté de lisibilité et de cohérence se heurte en effet à la spécificité de la mission et du fonctionnement de la Commission.
Celle-ci n’a pas été créée pour mettre fin en équité à un litige entre un citoyen et l’administration, elle n’a pas pour mission de trouver une solution à un différend.
Surtout, la nature de la Commission, fondée sur la collégialité, la diversité des expériences de ses membres et leur totale indépendance, ainsi que son mode de fonc- tionnement, centré sur des auditions, survivraient-ils à une intégration dans l’institution du Défenseur des droits ? La CNDS, travaillant aux côtés d’un Médiateur qui reçoit plus de 60 000 saisines par an, ne verrait-t-elle pas sa spécificité réduite et son action entravée ?
Je peux pas écrire davantage car y’a une limite de caractère mais dans la deuxième réponse je veux dire que c’est vrai mais que c’est la version racontée par quelqu’un de gauche.
Réponse #3 | Le Directeur de la Police est le supérieur de l’organisme qui est chargé de le contrôler
Malheureusement vrai : le Directeur Général de la Police National est le supérieur hiérarchique direct de la directrice de l’IGPN.
Dur d’être indépendant dans ces conditions.
Réponse #4 | 100% des policiers anglais sont dépourvus d’arme
Pas exactement, mais presque : c’est 95%.
Si tu as répondu “totalement vrai” t’as quasiment bon.
Il n’y a que 5% des policiers britanniques qui sont autorisés à porter des armes à feu.
Non seulement 19 policiers sur 20 ne sont pas armés mais en plus : ils ne le veulent pas.
En 2010, à la suite de la blessure grave d'un officier non armé lors d'une attaque au couteau, le président du Police Memorial Trust, Michael Winner déclara qu'il avait rendu hommage à 44 agents et qu'il pensait qu’il était « presque certain qu'au moins 38 de ceux-ci [les policiers] seraient encore en vie s’ils avaient été armés ».
En réponse, le président de la Metropolitan Police Federation Peter Smyth dit : « Un grand nombre de policiers ne veulent pas être armés. Nous ne voulons pas un appel aux armes, je ne pense pas que ce soit nécessaire ».
Les enquêtes menées par la Fédération de la police d'Angleterre et du Pays de Galles continuèrent de montrer une résistance considérable des policiers à être armés au quotidien. Dans la plus récente enquête, datant de 2006, Agent/Armement de la Fédération, 82 % des agents ayant répondu étaient contre l'armement au quotidien de la police, bien que 43 % soutenaient une augmentation du nombre d'agents formés et autorisés à utiliser des armes à feu3
Ce qui est fou c’est que c’est vraiment ancré dans la culture. Ça ne date pas d’hier. Déjà en 1829 c’était l’idée !
Car, avant ça, l’armée britannique occupait la fonction et ça a créé un traumatisme. À la création de la police on a donc posé les bases d’une doctrine qui s’appelle La police par consentement.
Voici comment la résume GPT :
Le concept de la "police par consentement" est fondamental dans la philosophie du maintien de l'ordre au Royaume-Uni, et il est souvent attribué aux principes établis par Sir Robert Peel, le fondateur de la Metropolitan Police de Londres en 1829.
Ce concept repose sur l'idée que la légitimité de la police découle de l'approbation et du consentement du public, plutôt que du pouvoir de l'État ou de l'autorité imposée. Voici quelques-uns des principes clés qui sous-tendent la police par consentement :
La police est le public et le public est la police : Ce principe souligne que la police n'est pas une force séparée du public mais en fait partie. Les officiers de police sont des citoyens en uniforme, chargés de maintenir l'ordre au nom de leurs concitoyens.
La prévention du crime plutôt que la répression par la force : La police par consentement met l'accent sur la prévention du crime comme son objectif principal, cherchant à réduire la nécessité d'utiliser la force pour maintenir l'ordre public.
L'importance de la coopération du public : Le maintien de l'ordre dépend de la confiance et de la coopération entre la police et le public. La police doit donc travailler pour gagner le respect et l'approbation du public, garantissant ainsi leur soutien volontaire.
L'usage de la force en dernier recours : Bien que la police soit équipée et autorisée à utiliser la force si nécessaire, ce principe stipule que la force doit toujours être proportionnée, minimale et utilisée uniquement comme dernier recours.
La responsabilité envers la loi : La police doit exercer ses fonctions avec intégrité et respect de la loi, garantissant que leur pouvoir est exercé de manière juste et non arbitraire.
Le concept de police par consentement reflète une approche communautaire de la sécurité publique, où le maintien de l'ordre est accompli avec le soutien et sous le contrôle de la communauté, plutôt que par la peur ou la contrainte. Cette approche cherche à établir une relation de confiance mutuelle entre la police et le public, ce qui est essentiel pour une société démocratique.
Est-ce que ça a été un long fleuve tranquille ? Non. Y’a eu des meurtres de policiers qui ont ému le grand public et qui ont fait monter le taux d’armement de la police britannique. On est monté jusqu’à 17% (ce qui est dérisoire comparé à la France où nous on parle plutôt d’armer les policiers même hors de leur service).
Mais après plusieurs affaires inverses où ce sont des policiers qui ont injustement tué des civils… on est revenu au taux de 5-7% :
La question de l'armement au quotidien en Grande-Bretagne fut soulevée après l'affaire Derek Bentley en 1952, dans laquelle un agent de police fut tué et un sergent gravement blessé, et de nouveau en 1966 après le massacre de Braybrook Street, dans laquelle trois policiers de Londres furent tués. En conséquence, environ 17 % des agents à Londres furent autorisés à porter des armes. Après la mort d'un certain nombre de civils, dans les années 1980, tués sur la police, le contrôle des armes fut considérablement renforcé, de nombreux agents eurent leur autorisation de port d'arme révoqué, et la formation pour les autres fut grandement améliorée. En 2005, environ sept pour cent des agents de police à Londres était formés à l'utilisation des armes à feu. Les armes à feu n'étant délivrées à un agent qu’avec des directives strictes 4
Et quand il y a une situation qui nécessite une arme à feu et bien les policiers non armés, appellent les policiers armés qui viennent à bord d’Armed Response Vehicles, pensés pour être sur place rapidement 24h/24, 7 jours sur 7.
C’est fou parce que je suis sûr que si demain on proposait de désarmer les policiers français il y aurait une bronca générale. En mode proposition de dangereux utopistes.
La suite au prochain épisode
Et… RDV demain pour les réponses aux questions 5, 6 et 7 !
https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2008-3-page-38.htm
https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/094000554.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Règle_d%27utilisation_des_armes_à_feu_par_la_police_au_Royaume-Uni
Ibidem