J’ai suivi une formation incroyable qui s’appelle Premiers secours en santé mentale : https://pssmfrance.fr/etre-secouriste/
On a fait un panorama des troubles psychiques les plus communs ainsi que les crises associées.
On en est donc logiquement venus au sujet de la crise suicidaire. La formatrice a alors demandé :
Quels sont les signes avant-coureur d’une crise suicidaire ?
Et j’ai vu la salle patauger, à ma grande surprise. D’autant qu’une bonne partie travaillait dans des environnements de type hôpital, structure d’accompagnement, etc.
Y’a même quelqu’un qui a dit : non mais c’est ça qui fait le plus peur, comme c’est une “maladie” invisible ça nous rend un peu impuissants.
Quand j’ai entendu ça, je n’ai pas pu m’empêcher d’intervenir :
Pardon, mais je me sens vraiment en décalage avec tout ce qui vient d’être dit. Je sais pas si c’est parce que je fréquente des personnes particulières mais moi les personnes l’avaient dit avant À CHAQUE FOIS. Mais personne n’a écouté.
La formatrice a confirmé. En expliquant que c’était effectivement la norme : dans la plupart des cas la personne en parle. De mémoire c’était un chiffre du type : 75% des personnes qui passent à l’acte en avaient parlé avant.
Idée reçue : “les gens qui en parlent ne le font pas”
La vérité c’est donc bien que les parlent. Mais nous n’écoutons pas. Notamment à cause d’une légende urbaine qui veut que si une personne parle de ses idées suicidaires alors elle n’est pas sérieuse.
J’insiste : c’est une légende. C’est faux et dangereux de croire ça.
Oui, il y a davantage de personnes qui ont des idées suicidaires que des personnes qui passent à l’acte. HEUREUSEMENT. Moi-même j’ai eu ce qu’on appelle un flash suicidaire cette semaine. C’est-à-dire non pas une idée constituée mais vraiment un flash. À vélo je me suis dit un coup de guidon sur le camion et c’est la fin de mes galères.
C’était fugace.
Mais surtout, j’ai déjà eu des idées suicidaires constituées. Ou vraiment ça me tourne dans la tête. Je suis même déjà arrivé au stade où l’idée du suicide ne me fait même plus peur. Parce que la souffrance psychique est trop grande.
D’ailleurs c’est un point super important si tu veux aider une personne qui a des idées suicidaires : la plupart des personnes n’ont pas envie de mourir. Ce qu’elles veulent c’est arrêter de souffrir. La nuance est importante.
Revenons à notre propos : j’ai eu des idées suicidaires dans ma vie mais je n’ai jamais fait la moindre tentative. Et ça, c’est la majorité des cas. Une minorité d’idées suicidaires débouchent sur un passage à l’acte.
Par conséquent, si tu vois quelqu’un qui te parle de suicide et qui ne le fait pas ça ne veut pas dire que ce n’est pas réel.
La parole soulage
On en vient à une autre idée reçue : parler de suicide risque d’augmenter le risque. Là encore c’est faux. C’est l’inverse. C’est d’ailleurs probablement de là que vient la légende urbaine selon laquelle les gens qui font vraiment des tentatives de suicide n’en parlent pas.
Parce que ce qui est vrai c’est que plus on en parle plus ça nous soulage de la souffrance et plus ça nous aide à ne pas le faire.
Pourquoi ? Parce que les idées suicidaires sont incontrôlables, tournent en boucle et augmentent la souffrance psychique. En parler à quelqu’un d’autre permet de s’en décharger au moins temporairement.
Par conséquent, ce n’est pas parce qu’une personne en parle tout le temps que ça veut dire qu’elle n’est pas “crédible”. Au contraire, c’est peut-être parce qu’elle t’en parle tout le temps qu’elle arrive à s’empêcher de le faire.
Et si on écoutait ?
Je te l’ai raconté avant-hier : j’ai dit que je voulais me suicider lors d’une réunion et j’ai eu l’impression que ça a été ignoré.
Il se trouve que hier j’ai été dans une conférence où j’ai parlé avec Nina Ramen des 9 blocages qui nous empêchent d’écrire. Il se trouve également que j’avais fait ma première crise d’angoisse la veille.
J’ai dit sur scène que j’étais dans un moments les plus bas de ma vie. Et… les gens ont rigolé.
Ce n’était pas la réaction à laquelle je m’attendais. Mais ça m’était déjà arrivé. Je pense que c’est aussi parce que l’énergie que procure la scène fait que c’est dur de partager quelque chose de vraiment triste sans talent d’acteur.
Oui… il faut jouer sa propre tristesse.
Mélissa m’a raconté qu’elle était allé dans une conférence où le speaker se confiait. On l’écoutait. Jusqu’au moment où il a dit j’ai envie de me pendre. Et la salle a rigolé. Elle n’a pas compris pourquoi.
Je crois que c’est parce qu’on s’attend à ce qu’une personne dise ce genre de chose en pleurant. Quand je dis ça, je le dis en souriant. C’est un sourire de pudeur. Pas un sourire de joie.
On devrait apprendre à écouter les mots.
Je crois que c’est pour ça que moi j’ai toujours entendu les gens parler de leurs idées suicidaires avant le passage à l’acte. Parce que je me concentre sur les mots. En effet, j’ai la chance et la malchance dans la vie d’être une personne très littérale.
Parfois les gens le disent en rigolant, sous couvert d’humour noir, parfois ils le disent sans paniquer, etc. Ça ne sera pas forcément dit dans les larmes ou la détresse.
Notre malaise est normal mais…
Il faut le dépasser. J’imagine que c’est aussi ce qui nous empêche d’écouter : notre malaise face à la situation.
C’est normal mais il faut le dépasser. Quand on voit quelqu’un qui s’est blessé on dépasse notre dégoût du sang et on va l’aider, on ne reste pas dans le malaise.
Tu as peut être des idées suicidaires
Environ 5% de la population passe par des idées suicidaires au cours d’une année.
C’est donc forcément le cas certain·es parmi vous.
Si c’est ton cas essaie de parler. Pour te soulager.
Parle à tes proches si tu peux. Si tu n’y arrives pas ne te punis pas en te dénigrant.
Parle à ton médecin généraliste si tu peux. On le sait peu mais les médecins sont normalement totalement aptes à traiter le problème en première écoute avant de nous aiguiller vers un·e psy ou une autre aide professionnelle.
Si tu n’y arrives pas… ne te punis pas.
Parle à un numéro d’écoute si tu peux.
Le numéro national de prévention du suicide est le 3114 :
Tu peux appeler quand tu veux, c’est toujours ouvert.
Tu as aussi l’historique fédération d’associations SOS Amitié qui propose une ligne d’écoute spéciale mais également un chat :
https://www.sos-amitie.com/chat/
Et… en ce qui me concerne, ne t’inquiète pas : j’ai réussi à reprendre RDV chez une psy. Merci à toutes les personnes qui m’ont envoyé des ressources. Je ne peux pas répondre à tout le monde mais j’ai cliqué sur tous les liens que vous m’avez envoyé.
Partage cet email à quelqu’un qui en a besoin :
Si je peux rajouter un détail : la dépression entraîne aussi souvent une grande apathie, donc l'image de quelqu'un qui va être triste ou avoir l'air triste en parlant de suicide n'est qu'une partie. Y'a quand même pas mal de chances que la personne soit stoïque en le disant, voire en "plaisante" avec cynisme.
Dans tous les cas il y a toujours l'idée publique que parler de ça c'est "pour attirer l'attention", y'a rien de pire. Ca va venir renforcer l'idée que "tout le monde s'en fout" dont y'a clairement pas besoin à ce moment là
J ai gardé en mémoire que l'un de mes proches avait commenté sur don blog que la personne qui se suicide est un lâche, le juif que l on euthanasiait n avait pas le choix. Oui j ai souvent exprimé et fais des tentatives, c est juste que la douleur psychique est insoutenable. Aujourd'hui, avec le travail thérapeutique je n 'ai plus ces idées suicidaires J ai voulu briser tout liens transgenerationnels car dans ma famille les femmes se suicident et de manière violente. Ainsi même quand je souffre psychiquement cela ne m effleure même plus.Non je ne suis pas lâche, il faut être mentalement fort pour vivre . J ai appris à accueillir les moments, les émotions ....de façon sereine. Aujourd'hui j ai une reconnaissance TH du à la maladie mentale du coup ça m a aidé à accepter ma différence.