Pendant longtemps on a différencié les autistes en deux. Ceux qui étaient “Asperger” et les autres.
Hans Asperger a été une des premières personnes à étudier l’autisme. On va commencer par la version de l’histoire que lui et sa fille nous ont vendu.
En gros, Asperger était un psychiatre qui a été forcé par les nazis d’envoyer des autistes dans les camps de la mort. Et, pour en sauver, il a différencié les Asperger des autres. Car il savait que les nazis étaient eugénistes. Certes, son étiquette a envoyé des Autistes se faire exterminer mais au moins il en a sauvé une partie.
Si ça te rappelle la thèse de Zemmour selon laquelle Pétain a sauvé des Juifs car certes il a envoyé les Juifs étrangers à la mort, mais il a protégé autant qu’il pouvait les Juifs de France, bah tu vas voir que c’est exactement la même arnaque.
Malheureusement pour sa postérité, en 2005, Michael Hubenstorf lors d’une étude des archives de la clinique de l’université de Vienne, va retrouver les archives de l’époque.
Les archives ne laissent aucun doute : non seulement Asperger adhérait aux idées eugénistes mais il a mené son travail sous la direction de Franz Hamburger, un idéologue et membre du parti Nazi.
Voilà pourquoi en 2013, le diagnostic “Asperger” a été retiré du DSM (le manuel psychiatrique de référence).
Les Asperger n’existent pas. C’était une brique du programme eugéniste des nazis.
Cependant… certain·es autistes ont été diagnostiqués Asperger et sont attachés au terme. Il existe même un diminutif : Aspie. Il n’appartient donc pas à une personne non-autiste de dire à une personne autiste : tu utilise le diagnostic nazi.
En revanche, il est crucial que les personnes non-autistes arrêtent d’utiliser ce terme.
Note : cet email est prévu dans mon plan depuis que j'ai conçu cette semaine d'emails. Je le précise parce que certaines personnes m'ont écrit des emails en utilisant ce mot et je ne veux pas qu'elles croient que ce serait une forme de clash public. Je ne me suis évidemment pas formalisé car vos emails étaient plein de bienveillance.
Alors il faut dire autiste à haut niveau de fonctionnement ?
Comme l’explique Ellie Middleton dans Unmasked, cette notion est également problématique. Car, qu’est-ce qu’un·e autiste à haut niveau de fonctionnement ? C’est quelqu’un qui est en capacité de produire dans le système capitaliste. Ni plus, ni moins.
Les étiquettes de niveau de fonctionnement sont très réductrices et ne tiennent pas compte de ce qui se passe en coulisses.
Par exemple, quelqu'un peut penser qu'une personne a un « haut niveau de fonctionnement » grâce à sa capacité à travailler de 9 à 5, mais ce qu'il ne voit pas, c'est que cette personne rentre chez elle complètement vidée à la fin de la journée et qu'elle a du mal à se nourrir, à prendre son bain ou à s'occuper d'elle-même.
Ce n'est pas parce que les difficultés d'une personne sont cachées dans les coulisses qu'elles n'existent pas.1
À bien des égards, ce qu’on appelle un·e autiste à haut niveau de fonctionnement c’est une personne autiste qui arrive à camoufler ces traits.
Mais réfléchir comme ça c’est totalement oublier que le camouflage est autodestructeur : plus une personne autiste utilise cette stratégie d’adaptation et plus elle sera victime de troubles psychiques comme la dépression, le trouble anxieux, etc.
Pour soutenir notre façade de « haut niveau de fonctionnement », nous construisons un échafaudage désordonné et instable de mécanismes d'adaptation défectueux. Il n'est pas étonnant que nous signalions des taux élevés d'anxiété et de dépression. Si vous ne mangez que ce que vous pouvez voler, vous vous sentirez sous-alimenté et hypervigilant. Bien que le masquage soit incroyablement éprouvant et qu'il nous cause beaucoup de troubles existentiels, il est récompensé et facilité par les personnes neurotypiques.
Le masquage rend les autistes plus faciles à fréquenter. Il nous rend dociles et nous plonge dans le silence. Il nous piège également.
Une fois que vous avez prouvé que vous étiez capable de souffrir en silence, les personnes neurotypiques ont tendance à s'attendre à ce que vous puissiez le faire pour toujours, quel qu'en soit le prix. Le fait d'être une personne autiste qui se comporte bien nous place dans une véritable double contrainte et oblige beaucoup d'entre nous à continuer à se masquer bien plus longtemps (et de manière bien plus omniprésente) qu'ils ou elles ne le souhaitent.2
En effet : plus une personne autiste est douée à se masquer et plus elle risque d’essayer de se suicider un jour.
J’appelle pas ça un haut niveau de fonctionnement…
Le masquage a de graves conséquences émotionnelles, notamment l'épuisement. Des études ont montré que plus une personne autiste obtient un score élevé au CAT-Q (Camouflaging Autistic Traits Questionnaire), ce test créé en 2019 qui évalue le degré de masquage et plus son score est mauvais en ce qui concerne les traits d'anxiété et de dépression.
D'autres études ont également montré que le camouflage, ou le masquage, est un prédicteur significatif des comportements suicidaires chez les personnes autistes.
Lorsque vous vous sentez en sécurité et à l'aise pour le faire, enlever le masque peut réduire considérablement le risque de problèmes de santé mentale et, avec un peu de chance, vous aider à vous sentir beaucoup mieux.
J'ai récemment lu un passage, écrit par le Dr Hannah Louise Belcher dans son livre Taking Off the Mask, qui explique parfaitement cela ; je n'ai pas honte de dire qu'il m'a fait pleurer de joie, car il m'a donné l'espoir que les choses continueraient à s'améliorer.
Le Dr Belcher a expliqué qu'au fil du temps, après avoir suivi une thérapie et renoué avec son moi autistique, les crises de santé mentale qu'elle avait connues tout au long de sa vie étaient devenues de moins en moins fréquentes.
Comme moi, elle avait auparavant des phases de burn-out et de mauvaise santé mentale tous les six mois, comme une horloge, alors qu'aujourd'hui, elle n'atteint ce stade que tous les deux ans au maximum.
Elle a expliqué qu'en se masquant, elle avait vécu sa vie comme un seau rempli à ras bord de stress, mais qu'en se démasquant, elle avait réussi à vider un peu d'espace. En lisant ce livre, je me suis rendu compte que j'avais fait la même chose - et j'ai hâte de vider mon seau de plus en plus au fil du temps.
Bon bah alors, on classe comment ?
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