7 réponses sur la santé mentale
J’ai eu l’idée d’écrire cette semaine d’emails parce que j’ai eu cette discussion dans le groupe WhatsApp premium. Je me suis rendu compte que peu de gens ont une idée de l’ampleur des troubles psychiques en population générale.
On commence donc par cette statistique :
27% des personnes vivent un trouble psychique lors d’une année
Les chiffres varient selon les études et on oscille entre 18 et 35%. Du coup, oui, vraisemblablement la bonne réponse était au-dessus de 20%.
C’est énorme. Ça veut dire que chaque année tu as autour de toi une personne sur quatre qui vit un trouble psychique.
Les troubles psychiques ne sont pas rares.
C’est même extrêmement courant.
Ça ne touche pas des personnes “fragiles mentalement”, de la même manière qu’une maladie physique ne touche pas les personnes “fragiles physiquement” : ça n’est généralement pas la question.
Et, le trouble psychique le plus répandu c’est le trouble anxieux. Ça concerne 15% des gens et surtout 20% des femmes.
Là encore ce n’est pas rare.
Ce qui est choquant c’est plutôt à quel point c’est rare dans nos représentations. Ce n’est que très récemment que j’ai vu des séries qui représentent assez fidèlement les crises d’angoisse.
Ensuite on le trouble dépressif dont on a déjà beaucoup parlé et qui représente environ 8% des gens.
Puis, 3,4% qui ont un trouble lié à l’alcool
1% qui ont un trouble lié à une autre drogue
Et 1% qui ont des troubles psychotiques (majoritairement la schyzophrénie).
La schizophrénie ne rend PAS violent·e
La schizophrénie fait partie des troubles psychotiques. Voici quelques symptômes :
Des idées “délirantes” : paranoïa, mission spéciale à accomplir, culpabilité… sans lien avec les évidences qui contredisent ces idées
Des hallucinations auditives ou olfactive.
Faire des salades de mots
Perte d’entrain : manque de motivation, difficulté à prendre soin de soi
Il y a d’autres symptômes mais il y a très rarement celui de conduite agressive.
Pourtant… au cinéma c’est ça qu’on nous a montré. Des personnes imprévisibles, violentes et dangereuses. Pas que d’ailleurs : le diagnostic de schizophrénie a beaucoup été utilisé contre les Noir·es aux USA pour justifier de les emprisonner ou les abattre.
Il y a une histoire spécifique du lien entre la qualification de schizophrénie et le racisme… mais on en parlera peut-être un autre jour.
C’est un peu vrai : ça ne vient pas de nulle part. Les idées paranoïaques par exemple peuvent pousser une personne à se conduire violemment si on l’effraie. Mais déjà tu notes qu’il faut l’effrayer et donc que tu as une part de responsabilité et ensuite ça reste rare.
C’est donc plutôt faux : la schizophrénie ne rend pas plus violent.
Ceci étant dit… il est tout à fait vrai, qu’en moyenne, les personnes schizophrène sont sur-représentées dans les affaires de violences criminelles. Mais… pourquoi ?
C’est comme si je te disais que les personnes noires et arabes sont sur-représentée dans les prisons… ce n’est pas être noir ou arabe qui crée la délinquance. Il y a des variables cachées : la pauvreté, le fait d’être entassés dans des endroits où règnent la délinquance, etc.
Pour les personnes schizophrènes la variable cachée est tout simplement l’alcool.
L’alcool rend violent. Or, les personnes schizophrènes consomment plus d’alcool et drogues que la moyenne.
Alors oui, cette consommation est due au besoin de s’échapper des symptômes… mais ça n’est pas la schizophrénie en soi qui génère la violence. On en revient au vers d’Orelsan :
L'alcool est toujours à la racine du mal
Rien remplit plus l'hôpital et l'tribunal
Les voix qu’entend une personne psychotiques sont RÉELLES
On peut les observer à l’IRM. Elles ont exactement les mêmes caractéristiques que la voix de quelqu’un d’autre.
Oui, c’est dans la tête de la personne. Mais elles ne se manifestent pas comme une voix classique dans la tête. Quand j’écris ces lignes j’ai une voix dans ma tête qui lit ce que j’écris. Mais je ne peux pas confondre cette voix avec une voix externe.
Alors que, pourtant, je sais que je fais partie des gens qui ont une voix interne très forte (alors que j’ai une vision mentale très faible). Je peux donc presque la confondre. Mais tout est dans le presque.
Une personne psychotique c’est l’inverse : elle ne pourra pas distinguer ces voix d’une voix externe. Pour son cerveau ce sont des voix externes.
C’est d’ailleurs ce qui rend les troubles psychotiques si compliqués à gérer : la personne elle-même n’est souvent pas consciente qu’elle a un trouble psychotique si personne ne lui dit.
Elle n’a pas l’impression d’entendre des voix. Elle entend réellement des voix et c’est absolument terrifiant.
C’est en partie pour ça que 67% des personnes psychotiques ont pensé au suicide et que 50% vont passer à l’acte (dont 5% qui en meurent).
Le trouble dissociatif de l’identité n’est ni la bipolarité, ni la schizophrénie
On confond souvent bipolarité, schizophrénie et trouble dissociatif de l’identité.
Ce qu’on a en tête c’est le Trouble dissociatif de l’identité :
Dans le trouble dissociatif de l’identité, autrefois appelé trouble de personnalité multiple, deux ou plusieurs identités prennent tour à tour le contrôle d’une même personne. Ces identités peuvent avoir des schémas de langage, de tempérament et de comportement différents de ceux normalement associés à la personne.
Par ailleurs, la personne ne se souvient pas d’informations qui sont normalement faciles à retenir, comme des événements de tous les jours, des informations personnelles importantes et/ou des événements traumatiques ou stressants.1
Alors que la Schizophrénie, on vient de le voir, se caractérise plutôt par les hallucinations, les idées délirantes, etc.
Et… la bipolarité n’a rien à voir. Il s’agit d’un trouble où la personne alterne entre deux “pôles” de l’humeur : la dépression et la manie. La dépression… tu sais ce que c’est. La manie c’est “l’inverse”, mais pas vraiment. C’est pas une phase où la personne ressent un grand bonheur. Enfin… ça peut…
Mais en très gros c’est plutôt une intensification des émotions et des pensées. Ça peut mener à des épisodes de mégalomanie, de sensation d’invulnérabilité, mais aussi une disparition totale de la pudeur, un besoin irrépressible de parler, une disparition de la sensation de sommeil, etc.
Les personnes annoncent souvent qu’elles vont essayer de se suicider
J’ai suivi une formation qui s’appelle Premiers secours en santé mentale. Et j’ai été choqué par une scène. À un moment la formatrice demande comment on repère qu’une personne a des pensées suicidaires. Et là les gens enchaînent les prises de parole pour dire :
- C’est ça qui est terrible, on peut pas savoir, c’est à l’intérieur de la personne
- Oui, c’est un mal invisible, c’est pas comme une maladie
- Ça fait peur blablablabla
Et là je coupe soudainement la parole en disant :
Attendez mais j’ai l’impression qu’on ne vit pas sur la même planète. Malheureusement, j’ai été témoin de près ou de loin de pas mal de tentatives de suicide dans ma vie et, à chaque fois, la personne l’avait dit. Alors oui… souvent on ne la croit pas, on ne l’entend pas, on ne l’écoute pas. Mais justement… et si on écoutait ?
Je peux en témoigner moi-même puisqu’il m’est déjà arrivé au début d’une crise suicidaire d’annoncer frontalement je pense à me suicider et que personne ne réagisse.
Je l’ai vu aussi chez des personnes qui font passer leurs envies suicidaires pour de l’humour noir, de l’auto-dérision. Et puis quand elles passent à l’acte tout le monde est surpris. Et à chaque fois je me dis : mais comment ça peut vous surprendre ? Cette personne passe ses journées à blaguer qu’elle pense au suicide !
Y’a encore énormément ce mythe qui fait croire que les vraies personnes suicidaires ce seraient celles qui ne disent rien. C’est complètement faux.
Il est vrai que toutes les personnes ne parlent pas et que quand une personne passe à l’acte sans parler c’est encore plus choquant à cause de la surprise, donc on le retient davantage mais l’inverse n’est pas vrai.
C’est pas parce qu’une personne annonce ses intentions qu’elle va y renoncer.
Parler de suicide n’augmente pas les chances de le faire
Alors là vraiment je trouve qu’on marche sur la tête en termes de croyances. Comment c’est possible que la plupart des gens croient ces deux choses à la fois :
A - Les personnes qui disent qu’elles vont se suicider, le font moins souvent
B - Il ne faut surtout pas demander à une personne si elle pense au suicide, pour ne pas l’inciter indirectement.
Y’a que moi qui trouve ça frontalement contradictoire ?
Pour le coup, les deux phrases sont fausses.
La première étape pour aider une personne qui pense au suicide est de lui demander si elle pense au suicide.
Il n’y a pas d’inconvénient (autre que l’embarras généré). Au contraire, trouver une oreille va aider la personne.
Intervenir tôt augmente les chances de guérison
Vous avez été 88% à trouver la bonne réponse. Et là, pour le coup c’est moi qui étais à la ramasse avant de faire la formation. J’ai été surpris de voir que le moment d’intervention avait une importance pour autant de troubles psys (pas tous). Mais, dans la plupart des cas, une intervention précoce augmente les chances de guérison. D’où l’intérêt d’apprendre à porter les premiers secours !