Vivre avec le TDAH
Tu te rappelles quand on parlait d’autisme je t’expliquais qu’un handicap comporte toujours une partie imputable à la société ? Que, oui, il y a des composantes “absolues” mais qu’il y a aussi des composantes relatives ? C’est-à-dire que cette composante n’est un handicap que parce que le reste des gens refusent de s’y adapter.
Et bien c’est encore plus frappant avec le TDAH.
Le paradoxe : “tout le monde est un peu TDAH”
Les personnes autistes vont avoir l’impression qu’elles sont de mauvaises personnes ou des personnes “bizarres”. Mais… on a quand même la caricature de la personne autiste qui en échange est un génie de son domaine.
C’est une caricature, je n’adhère pas à cette description, je décris le stéréotype.
On a donc un stigmate qui a tendance à mettre la personne autiste à la marge. Car, même si les gens disent parfois tout le monde est un peu autiste… en réalité les traits sont quand même assez éloignés de l’expérience neurotypique.
Mais, ce n’est pas le cas du TDAH. En effet, n’importe quelle personne va se reconnaître modérément dans des traits TDAH. Bien sûr qu’on a tous et toutes le flow quand on se concentre (mais ce n’est pas l’hyperfocus), bien sûr que notre passion est rarement de rester assis·es sur des chaises à écouter des trucs chiants (mais c’est beaucoup moins douloureux pour nous), etc.
C’est aussi ce qui peut rendre l’autodiagnostic plus compliqué car on a du mal à savoir à quel point on a l’ampleur des traits.
On pourrait croire que le fait que tous les non-TDAH ont une idée relative de ce que vit une personne TDAH est une bonne nouvelle. Après tout, ça permet l’empathie, non ?
Malheureusement : non.
Au contraire. Comme les traits TDAH ont l’air normaux et moins “chelous” que les traits de l’autisme alors on ne va pas attribuer les traits à une neurodivergence. On va juste se dire cette personne est fainéante.
D’ailleurs, plus je lis sur le sujet, plus je me demande si les personnes fainéantes ont un jour existé ? Je me demande si ce n’est pas un concept qu’on a inventé uniquement parce qu’on arrivait pas à comprendre que certaines personnes étaient TDAH. C’est une théorie personnelle et non-scientifique mais ce qui est avéré c’est qu’on étiquette les TDAH avec cette étiquette de fainéantise.
L’autre souci c’est que les traits TDAH sont souvent en pleine contradiction avec les exigences d’une société capitaliste.
Les TDAH se prennent donc dans la tronche toutes les injonctions à la productivité. Et d’ailleurs pas que la productivité, mais la productivité cadrée dans des horaires précis, à un endroit précis, etc.
Au final ça crée un énorme stigmate social.
Les combinaisons morbides
Pour ne rien arranger, le TDAH va souvent déboucher sur des conséquences négatives pour le bien-être.
Les adultes TDAH sont plus susceptibles de se retrouver en prison, comme nous l'avons vu à la page 117.
Les personnes TDAH non traitées sont deux fois plus susceptibles d'avoir été licenciées que les personnes sans TDAH.
Environ 25 % des adultes traités pour abus d'alcool et de substances seraient atteints de TDAH.
Les adultes atteints de TDAH sont beaucoup plus susceptibles d'avoir des problèmes financiers, comme indiqué à la page 117.
Les personnes atteintes de TDAH sont plus susceptibles de divorcer que les autres. Une étude a montré que 32,2 % des élèves souffrant d'un TDAH de type combiné abandonnent l'école secondaire , contre 15 % de ceux qui ne souffrent d'aucun trouble.
Ce qui m’a le plus frappé c’est le lien entre TDAH et addiction. Mais, en même temps, si tu t’y connais un peu sur l’addiction tu sais que y’a un lien avec la dopamine. Or, on l’a vu : le TDAH altère la gestion de la dopamine.
Ça nous emmène à ce chiffre dingue : 25% des personnes ayant un troublé lié à l’alcool ou une autre substance sont TDAH.
Note : c’est fou qu’on différencie encore alcool et autres substances. Mais j’utilise la nomenclature “officielle”. On séparer encore “alcoolisme” et addictions aux autres drogues car on fait de l’alcool une drogue à part, ce qu’elle n’est absolument pas.
C’est d’autant plus fou quand on se rappelle que les TDAH sont 5% de la population générale.
Les stratégies de compensation
Ça pourrait faire l’objet d’un livre entier donc je ne pourrais jamais développer ça dans une sous-partie comme ça. Mais, bonne nouvelle… il existe plein de livres sur le sujet. Notamment l’excellent Le Petit Guide illustré du TDAH:
Tu peux commencer avec son compte Instagram où elle partage vraiment plein de pépites : https://www.instagram.com/la_mini_coach_tdah/
Les médicaments
On l’a déjà vu : la probabilité de trouver un traitement efficace sans effets négatifs est de 70%.
Pourtant, les médicaments font peur. Alors que les TDAH qui ont trouvé leur médicament sont souvent extrêmement élogieuses sur comment ça a changé leur vie.
Bien entendu, ça reste un médicament avec tout ce que ça implique, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse où on fait n’importe quoi. Mais voilà, il faut le prendre comme un autre médicament.
Le médicament le plus connu est la Ritaline, mais il y en a plein d’autres.
“Un des nombreux mythes autour des médicament stimulants sont leur potentiel addictif. La recherche nous montre que les médicaments stimulants, en réalité, diminuent les comportements addictifs. En prenant les bons médicaments vous devenez bien moins tenté·e d’utiliser la mauvaise drogue.
La raison pour laquelle beaucoup de TDAH tombent dans l’addiction c’est parce que précisément elle s’auto-soignent le TDAH avec des substances ou des comportements non adaptés. En prenant des médicaments adaptés elles ont une chance raisonnable de mettre fin aux addictions dangereuses”
Malheureusement, drogues et TDAH ne font pas bon ménage.
“Selon moi, les drogues récréatives et l’alcool sont la menace la plus dangereuse dans la vie des TDAH. Le trouble de l’addiction liée à une substance est 5 à 10 fois pus répandu chez les TDAH que dans la population générale. Or, 80% des gens commencent à consommer des drogues et de l’alcool entre 13 et 23 ans, ce qui font de ces 10 ans la fenêtre de danger la plus grande”.
Il ne s’agit pas ici de culpabiliser l’addiction, bien au contraire. Mais de comprendre le lien avec le TDAH non traité.
Mais alors, on veut “guérir” le TDAH ?
Une des inquiétudes soulevées par les personnes TDAH à qui on parle de médicaments c’est l’idée selon laquelle le médicament changerait la personnalité.
Or, on l’a déjà dit : une partie du handicap n’est un handicap qu’à cause du refus d’aménagement des autres. Par conséquent, beaucoup de TDAH ne renonceraient pour rien au monde à leur personnalité générale.
Mais, heureusement, ça n’est pas l’effet du traitement médicamenteux. D’ailleurs on dit médicament mais on devrait plutôt dire dopage. On ne veut pas guérir. Tout comme ça me paraîtrait violent qu’on parle de guérir l’autisme.
La Ritaline (ou autre) va permettre d’accomplir des choses plus facilement, avec moins de difficultés. Et non pas changer la personnalité. En d’autres termes, elle va renforcer les fameuses fonction exécutives dont on a parlé.
Malheureusement il faut un diagnostic clinique
Tu le sais, je suis un défenseur absolu de l’auto-diagnostic en santé mentale. Mais, malheureusement, en ce qui concerne le TDAH, le diagnostic clinique a un avantage imbattable : il est indispensable pour obtenir les médicaments.
Et c’est un parcours du combattant. L’amie dont je te parle depuis le début a été chez une psy qui lui a dit, littéralement mais vous n’êtes pas une enfant, vous ne pouvez pas être TDAH.
Heureusement, il y avait le cas illustré dans Le petit guide du TDAH donc ça a diminué la surprise :
Globalement, le niveau des psys sur le sujet est catastrophique. Tu peux être TDAH de manière flagrante et quand même t’entendre dire que tu n’es pas TDAH. Ou pire encore, te faire diagnostiquer à tort un trouble psy.
Ne parlons même pas des dégâts de la psychanalyse. La psy de mon amie lui a dit que si elle voulait à tout prix se faire diagnostiquer TDAH c’est parce qu’elle avait un besoin insatiable de reconnaissance.
Sauf que, c’est l’inverse : elle a une Dysphorie du Rejet qui a été causée par toutes les micro-agressions de la société envers les TDAH.
Ce n’est donc pas parce qu’elle a un besoin de reconnaissance qu’elle veut le diagnostic TDAH. C’est parce qu’elle est TDAH qu’elle a cette souffrance de reconnaissance.
Comme toujours, si tu n’as pas déjà un·e psy de confiance je te déconseille de te tourner vers un·e psychanalyste ou n’importe quelle méthode conversationnelle.
Car oui, beaucoup de psys en France, quand ils ou elles ne sont pas psychanalystes ne sont pas pour autant des psys scientifiques. Quand on garde le concept psychanalytique d’une thérapie par la conversation intuitive, on a gardé une grande partie du poison de la psychanalyse.
Tu as des neuropsys qui sont spécialisé·es dans le TDAH. Ou sinon, cherche un·e psy TCC. Ce sont les psys qui suivent les protocoles scientifiques (Thérapie Cognitivo-Comportementales). Par exemple, la seule psy qui m’a dit immédiatement à la fin d’une séance :
Je suis désolée pour la scène qui a eu lieu au milieu de la séance où j’ai essayé de vous expliquer le racisme, je me rends compte à quel point c’était déplacé de ma part et à quel point vous vous y connaissez mieux que moi sur le sujet.
… et bien c’était une psy TCC. Parce que la démarche scientifique implique de reconnaître ses erreurs. Là où la psy conversationnelle aura tendance à toujours vouloir retomber sur ses pattes.
Mais bref, je m’égare, on fera une semaine sur le sujet un de ces quatre.
Les côtés cool du TDAH
C’est déjà long donc je ne vais pas développer mais je voulais quand même faire un petit point sur le fait qu’on parle beaucoup de comment le TDAH affecte la vie. Mais, comme pour l’autisme, ça n’est pas qu’un “défaut”. On le voit du point de vue des personnes non TDAH donc on se concentre dessus.
Un exemple type c’est la concentration : on ne peut pas nier que l’hyperfocalisation peut être utile. Mais on ne parle que de l’inverse : la difficulté à se concentrer parfois.
Et je trouve que c’est encore plus violent sur le TDAH.
Mais parce que… comme on le disait plus haut… le TDAH semble incompatible avec le capitalisme. En tout cas ses valeurs de productivité sur commande, dans des heures cadrées. C’est pour ça que les TDAH reçoivent autant de critiques, etc.
Mais il y a énormément de côtés positifs. Certain·es TDAH appellent ça leurs super pouvoirs.
Bien sûr il y a la capacité d’hyperfocalisation, mais aussi le fait d’avoir souvent des facilités pour apprendre (sur les sujets qui déclenchent l’hyperfocalisation). Ne parlons même pas de la créativité qui est généralement plus développée. Mais également la capacité à prendre des risques qui parfois est très utile.
Demain, on en parle encore
Normalement, l’email du weekend est un email premium, donc uniquement pour les gens qui paient. Ce sera le cas encore samedi MAIS je vais laisser une grande partie (je pense la moitié du début) ouverte à tout le monde car j’ai encore découvert des trucs à te partager dans des livres et que je pense que vraiment ça bénéficierait au plus grande monde.
Donc… à demain.