À chaque élection ressurgissent les mêmes questions. Une d’entre elles est mais pourquoi la gauche ne s’unit pas ? Vous avez trop d’égo.
Cette question relève d’une profonde incompréhension de la science politique. Notamment le fait de penser que la gauche et la droite sont symétriques.
Définissons la gauche
On l’a déjà vu ensemble, il y a plein de manières de définir la gauche et la droite mais voici celle que je préfère :
La gauche est constituée des personnes qui veulent changer le monde vers un état qu’elles estiment meilleurs. Les progressistes.
La droite est constituée des personnes qui veulent conserver le monde. Les conservateurs.
L’extrême-droite est constituée des personnes qui veulent revenir à un monde lointain. Les réactionnaires.
Gauche et droite ne sont pas donc pas des idéologies mais des manières de se placer face au monde.
Du coup, un mouvement de gauche qui applique ses idées devient un mouvement de droite.
C’est ce qui est en train d’arriver au Parti Socialiste. Depuis la scission de 2017, il ne reste plus que la branche qui accepte le monde actuel. Il ne reste plus que la dimension écologique qui est de gauche en eux.
Voilà pourquoi il a du mal à s’allier avec les autres forces de gauche. C’est devenu un parti de centre-droit.
Il y a une infinité de gauches et une seule droite
Puisqu’il n’y a qu’un seul monde actuel mais une infinité de possibilités de le changer, ça implique qu’il y a grosso modo une infinité de gauches mais une seule droite.
Je vais vite. En vrai, même la droite a des nuances.
Voilà pourquoi on parlait de gauche plurielle quand Jospin avait un gouvernement alors qu’on a jamais parlé de droite plurielle.
On devrait donc toujours dire leS gaucheS.
Aujourd’hui, les gens ne proposent pas une candidature d’union de LA gauche mais bien une candidature d’union DES gaucheS.
Le souci c’est que certaines gauches sont plus proches de la droite que des autres gauches
Prenons quelqu’un comme Yannick Jadot. Il est bien plus proche de Macron que de Mélenchon. Parce que la seule chose qu’il veut changer dans le monde c’est une considération écologique mais sans combattre le capitalisme.
C’est d’ailleurs le point commun entre tous les partis de gauche actuels : la préoccupation écologique.
Le problème c’est que ça ne suffit pas.
Le point de discorde
Comme aux USA, les gauches françaises sont traversées par un énorme clivage : le rapport à l’antiracisme, au féminisme et aux autres luttes de personnes minorées.
Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, s’oppose régulièrement et frontalement au mouvement antiraciste :
La gauche, plutôt que de s’égarer sur les chemins du woke ou de l’indigénisme, doit tenir fièrement le drapeau républicain, c’est ainsi qu’elle restera éveillée
“Woke” et “indigénisme” sont des termes repris par l’extrême-droite pour désigner les gens comme moi. Les militants antiracistes.
Donc, quand on entend ça… comment faire une quelconque union ?
Sur l’écologie ?
Mais ça veut dire quoi, qu’on sauve la planète à condition que le racisme perdure ?
Non merci. Très peu pour moi. Que la planète brûle. Si la condition pour sauver la planète c’est encore que les Noirs soient au bas de l’échelle, tant pis.
Tactiquement on a un problème
Bien entendu, j’exagère (ou plutôt c’est l’émotion qui parle) : je vois bien les implications tactiques. J’avais lu une étude qui montrait, qu’aux USA, la seule manière pour la gauche de gagner était de mettre sous le tapis les questions d’antiracisme et féminisme.
Face à une extrême-droite aux portes du pouvoir, la question se posera.
Mais, une chose est sûre : ça n’est pas une question d’ego. C’est une question d’idées.
C’est quelque chose que la droite comprend mal car, effectivement, la plupart des querelles à droite sont des guerres des chefs avant d’être des guerres des idées. Ce qui est logique puisqu’il n’y a pas 36 façons d’être de droite.
Plus quelqu’un est à droite, plus il appelle facilement à l’union
Ce n’est pas un hasard si Jadot a été un des premiers à faire cet appel à mettre les égos de côté. C’est parce que lui-même est proche de la droite, donc c’est facile pour lui. En effet, il dit “on se concentre sur l’écologie” et tant pis pour l’anticapitalisme, tant pis pour l’antiracisme.
Idem avec Montebourg qui dit “mon programme est rassembleur, contrairement à celui de Mélenchon qui est sectaire”. Ah bah oui… forcément… puisque le même Montebourg a déclaré que la théorie du grand remplacement (qui est un concept fasciste) partait d’un bon constat. Forcément puisque Marine Le Pen dit qu’elle est prête à s’unir de Zemmour à Montebourg.
Mais du coup, c’est beaucoup plus dur pour les candidats plus à gauche. Pas à cause de l’égo mais à cause des sacrifices idéologiques qu’on leur demande.
Tenir tête à l’extrême-droite n’est pas une question d’ego
Si on trouve un point d’accord sur la question sociale mais que certains veulent continuer à faire la chasse aux musulmans, vous voyez bien que ça peut pas tenir ?
Il y a aujourd’hui une fracture sur cette question. Une partie des gauches accepte de courir derrière les thèmes de l’extrême-droite. Une partie accepte de dire que le grand remplacement est un bon constat.
Ce sont des gauches pour qui l’antiracisme est un détail qu’on peut mettre entre parenthèses parce que quand même ça va bien deux minutes.
Une partie des gauches, ne l’accepte pas.
Dès lors… l’union est une mission complexe.
Le PS semble toujours convaincu qu’on gagne et qu’on gouverne au centre. Si le centre est devenu turboraciste alors il suivra le mouvement car (…) l’objectif c’est de gouverner (…) quitte à épouser les obsessions racistes.
Dans un pays qui, d’année en année, a lentement sombré vers l’extrême-droite, y’a une gauche qui suit un peu le sens du vent et y’en a une autre qui essaie de résister. Donc on vous l’annonce ici : si ça c’est pas résolu y’aura pas d’union de la gauche. Et vu la gueule de l’autre gauche c’est pas plus mal.
Pour aller plus loin
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