Un mythe tenace sur la pédagogie
Manifestement, les sondages servent à quelque chose ! J’ai lancé celui d’hier en me demandant si c’était vraiment pertinent puisque j’étais absolument persuadé que vous alliez voter pour ChatGPT.
Mon dilemme : je me disais que ChatGPT intéresserait plus de gens mais que j’avais davantage envie de parler de pédagogie.
Donc que faire ?
Suivre la voie la plus rentable ou la plus enthousiasmante ? (sachant que j’aime les deux sujets, évidemment)
Dilemme tranché puisque :
Reste plus qu’à atteindre 500 personnes suffisamment intéressées par l’idée de s’abonner à une newsletter hebdomadaire sur la pédagogie pour valider ce concept.
Pour l’instant vous êtes 159.
Si on atteint 500 avant demain soir, j’offre ma première formation sur la pédagogie à ces 500 personnes et je lance le concept.
Sinon… je réfléchirais à autre chose.
Pour t’inscrire c’est par ici :
En attendant, un aperçu du genre d’email que je pourrais y envoyer :
Une des phrases que j’entends le plus
Je ne me sens pas légitime pour enseigner, je n’en sais pas assez sur mon sujet.
C’est une croyance tellement ancrée qu’elle sert aussi d’attaque contre d’autres personnes. On va dire : untel n’est pas un expert du sujet et pourtant il enseigne.
Ou, alors, plus vicieux : Nicolas enseigne le recrutement alors qu’il n’est plus recruteur depuis 9 ans.
Bah… Oui ? Parce que mon métier c’est d’être formateur ? On dirait que dans la tête des gens le verbe enseigner est un mot transparent. Que dans leur tête ils disent : Nicolas recrute alors qu’il n’est plus recruteur.
La pédagogie EST une discipline
Prenons Élodie. Elle adore la littérature. Mais quand je dis elle adore c’est genre elle est passionnée au poindre d’apprendre le russe pour pénétrer les secrets de la littérature russe.
Une “geek” de littérature, quoi.
Elle fait cinq années d’études sur le sujet. Puis, Élodie décide de devenir prof. Elle passe le concours qui s’appelle le Capes de lettres modernes.
Comme beaucoup de concours il y a des écrits et des oraux. Ne vont aux oraux que les gens qui ont réussi les écrits (et dans un concours réussir ça veut dire faire mieux que les autres).
Les écrits sont des épreuves de lettres.
Les oraux sont des épreuves “métier”. Mais ils durent beaucoup moins longtemps. On a 40 minute d’exposé d’une séance, 15 minutes d’entretien de motivation, 10 minutes de mise en situation d’enseignement et 10 minutes pour évaluer l’envie de transmettre les valeurs de la République (dont la laïcité).
Élodie, réussit les épreuves et la voilà devant une classe.
C’est la désillusion.
De tout son parcours elle n’avait jamais été confrontée à… DES ÉLÈVES. Surtout que comme beaucoup de débutantes elle est envoyée dans un établissement difficile. Elle se rend compte dès le premier jour qu’elle déteste ce métier.
Parce qu’elle doit enseigner sa matière à un niveau beaucoup plus bas que ce qui la passionne, parce qu’elle n’a jamais appris à gérer une classe, parce qu’en réalité la matière qu’elle aime c’est la littérature ! Pas la pédagogie.
La pédagogie est la discipline la plus importante du pédagogue
Ça devrait être une évidence. Mais ça ne l’est pas du tout.
La plupart des gens raisonnent comme le Capes : on cherche d’abord quelqu’un qui maîtrise les lettres à un niveau expert et ensuite on voit si la personne a quelques bases de pédagogies.
Alors qu’on devrait faire l’inverse : chercher d’abord quelqu’un qui maîtrise la pédagogie à un niveau expert et ensuite on voit si la personne a les bases en lettres.
Ce qu’il faut aimer pour aimer cette discipline
Comme toutes les disciplines, elle va repousser des gens et en attirer d’autres. Y’a des personnes qui vont s’y sentir comme des poissons dans l’eau, d’autres pour qui ça va être un combat.
De manière générale il faut aimer des choses qu’Élodie n’a jamais vues :
Certes, le sujet qu'on enseigne
Être le centre de l’attention d’une salle pendant plusieurs heures
Maintenir cette attention
Avoir de l’autorité quand c’est nécessaire
Projeter sa voix
Faire une forme de show
Faire rire
Travailler infiniment ses cours.
On ne prépare pas un cours qu’on garde pendant des années. Le cours doit être amélioré à chaque fois qu’il est dispensé. Pour te donner un exemple, hier j’ai donné une formation à l’entretien de recrutement. Cette formation je l’ai donnée je-ne-sais-même-pas-combien-de-fois dans mes 9 ans de carrière.
Je pense, une centaine de fois. J’en suis au point où je peux réfléchir dans ma tête à d’autres trucs pendant que j’interprète mon texte. Parfois je pense à ce que je vais faire à manger le soir chez moi (pas très utile), mais le plus souvent j’observe les apprenant·es, je regarde si quelqu’un fronce les sourcils ou pas, je me demande si je suis au bon endroit de la salle au bon moment, etc.
Et pourtant, j’ai passé plus de 6 heures à travailler mon support de formation, lundi. J’ai été frustré de ne pas pouvoir faire plus (car sinon je n’aurais pas assez dormi). Heureusement, ChatGPT m’a fait économiser facilement 4 heures en me produisant les nouveaux exercices que je voulais.
Ça te donne une idée d’à quel point le travail d’amélioration d’un cours est infini. C’est d’ailleurs probablement ce que j’aime le plus dans ce métier : il n’y a jamais de fin.
LA grande compétence
Mais surtout… pour enseigner (au sens large) il faut mobiliser son muscle d’empathie. Sans ça, c’est très compliqué. Il faut être capable de pouvoir comprendre l’état d’esprit d’une personne débutante dans la matière.
C’est d’ailleurs pour ça que je conseille toujours d’enseigner le plus vite possible. Et d’en garder les traces. Afin de pouvoir te rappeler, des années plus tard, à quoi tu ressemblais quand toi-même tu débutais.
Toute personne qui enseigne pour la première fois va partir d’un niveau trop haut pour la salle. Je n’ai pas fait exception à la règle : ma première formation en recrutement j’avais préparé un contenu…
J’avais super peur je me disais que y’en aurait pas assez pour une journée, que c’était trop bateau.
Au final… je n’ai pas pu finir au-delà des deux tiers… et j’ai été surpris de voir à quel point certaines choses qui étaient pour moi basiques étaient en réalité super compliquées.
Parce que, même si je me rappelais de mon niveau de débutant (j’avais la chance d’avoir créé un blog sur le recrutement après 3 mois de pratique), j’avais oublié un point essentiel…
En effet… souvent on enseigne une matière qu’on aime. Qu’on a toujours aimée. Par conséquent, ça a toujours été plus facile pour nous, même quand on débutait. Nous ne sommes pas passés par les mêmes galères.
En d’autres termes, ce sont les bon·nes élèves qui veulent devenir profs. Alors que la meilleure personne pour expliquer comment développer le sens de l’orientation ce n’est pas quelqu’un pour qui ça a toujours été facile, c’est quelqu’un qui se perdait toujours avant.
Du coup, on se retrouve avec cet énorme défi qui est qu’il faut réussir à rentrer en empathie avec les élèves qui galèrent. Je me suis vite rendu compte que les gens avaient des difficultés dans l’apprentissage du recrutement (le sourcing pour être précis) que je n’ai jamais eues. Parfois des choses qui me semblaient être des pré-requis comme : savoir copier-coller un texte sans utiliser sa souris (ctrl+C/ctrl+V).
Il vaut mieux développer son empathie que développer sa maîtrise de la discipline à enseigner
Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas étudier sa discipline. Je passe mon temps à étudier le recrutement. Mais je passe 4 à 5 fois plus de temps à étudier la pédagogie.
C’est d’ailleurs pour ça qu’enseigner est un métier à plein de temps. Parce qu’il faut pouvoir avoir le temps à la fois d’étudier la matière et à la fois d’étudier la pédagogie, le tout en continuant à enseigner.
Mais… mon temps, justement, est écoulé.
Oui car, pour la toute première fois depuis que j’ai lancé l’Atelier Galita, j’ai écrit un email en direct. J’étais tellement épuisé de ma formation d’hier que j’ai été me coucher à 23h en mettant un réveil à 7h40.
Tu reçois donc cet email en temps réel. Alors que d’habitude j’écris la veille au soir (voire des semaines avant si c’est un email de secours) et je programme l’envoi pour 09 heures.
On développera demain. En attendant, si ce que tu viens de lire t’a plu, il ne te reste plus qu’à venir t’abonner ici. Pour contribuer à atteindre les 500 abonné·es qui valideraient l’existence de cette newsletter sur la pédagogie :