Survivre à l'arrêt brutal d'une thérapie
Je t’ai raconté ma mésaventure avec Line Foëzon, ma psy. En résumé : un jour elle a mis fin brutalement à la psychothérapie. Sans crier gare. Parce que j’avais dit quelque chose qui lui avait déplu. “Un passage à l’acte qui signifie inconsciemment que vous vouliez arrêter cette thérapie”.
C’était d’une violence sans nom.
Je crois d’ailleurs que c’est la seule et unique fois où j’ai pleuré dans un autre cadre qu’une rupture amoureuse.
Si tu veux plus de détails sur le moment de bascule, je l’ai raconté ici :
Aujourd’hui, je vais revenir sur l’après…
Parce que j’ai moi-même eu beaucoup de mal à trouver des récits similaires. Ça a rendu l’expérience d’autant plus compliquée.
Quasiment personne ne comprenait
Je ne trouvais pas de récits en ligne. Peu de témoignages. Mais pas seulement. Je n’avais personne dans mon entourage qui avait vécu la situation.
Entre les personnes qui ont vécu une psychothérapie mais pas une psychanalyse à qui il faut raconter les concepts les plus étranges comme le transfert, celles qui n’ont jamais été expulsé d’une psychothérapie et celles qui n’ont simplement jamais été en psychothérapie…
Je n’ai trouvé personne.
Ça ne veut pas dire que je ne suis pas immensément reconnaissant envers les personnes qui ont pris le temps de m’aider.
Simplement, avoir quelqu’un qui comprend simplement ce que l’on dit a souvent un effet de soulagement quand on vit une souffrance psychique. C’est d’ailleurs ce que dit une psy dans son livre :
Plusieurs études ont montré que le facteur le plus important dans le succès de la thérapie est la relation que vous entretenez avec le psychothérapeute ou, si vous voulez, le sentiment d’être compris. Ce facteur pèse plus lourd dans la balance que la formation du psychothérapeute, le type de thérapie qu’il vous propose...
(…)
Au cours des premières séances, les patients ont toujours davantage besoin de se sentir entendus et compris que de comprendre ou de changer des choses.
J’ai donc essayé de revoir une psy. Mais…
Comment porter plainte contre un policier ?
Ce que je veux dire avec cette analogie c’est que c’est compliqué de venir parler négativement d’une personne de la même corporation.
C’était moins le cas avec la psy TCC que j’ai vue. Mais j’ai vue une autre psychanalyste et j’avais vraiment cette impression de porter plainte contre sa collègue de commissariat.
Je ne dis pas qu’elle n’était pas pro et bienveillante : elle a vraiment été au top. MAIS moi j’avais toujours cette impression désagréable. Je lui explique les dangers des dérives de la psychanalyse et y’a un énorme livre de Lacan dans la bibliothèque (le Freud français… trois fois pire)…
Et, comme pour la police, j’ai eu le même problème : il est compliqué de faire intervenir une organisation arbitre. Dans le cas de la police ça s’appelle l’IGPN et ça a le mérite d’exister même si c’est une vaste blague. Pour les psys, il n’y a pas d’équivalent.
Ma seule solution serait d’aller porter plainte. J’y ai pensé. Mais sur quel motif ? Ici ce n’est pas un délit mais bien un problème de déontologie. Typiquement le genre de chose qui devrait être arbitré par une structure comme l’ordre des médecins pour la médecine.
D’ailleurs, en Belgique, cette structure existe.
Je suis tombé dessus en cherchant mes voies de recours :
Si vous doutez de la qualité des services rendus par un(e) psychologue, il est tout d’abord recommandé de discuter avec lui/elle de vos griefs. Un dialogue de qualité vous permettra peut-être de résoudre le problème.
Si le dialogue n’est plus possible ou s’il n’aboutit à rien, vous pouvez vous adresser à la Commission des Psychologues. Vous pouvez soit entamer un processus de médiation soit déposer une plainte (procédure disciplinaire).
La Commission des Psychologues est un organisme public fédéral indépendant compétent pour le titre et la déontologie de tous les psychologues de Belgique, indépendamment de leur nationalité, contexte professionnel ou statut
C’est quand même fou de ne pas avoir ça en France. En France c’est juste le far west.
En France le seul recours c’est Google Avis.
“Ce n’est pas normal”
J’ai eu besoin d’entendre des proches à moi s’insurger que ce n’était absolument pas normal. Mais en même temps… ce sont mes proches…
Une des choses qui a posé la première pierre de ma reconstruction c’est quand la psy de ma partenaire lui a dit qu’elle était choquée.
Apparemment, quelques temps avant, elle lui avait dit :
J’espère que sous aucun prétexte, la psy de Nicolas n’accepterait d’arrêter maintenant la thérapie, même s’il le demande.
Quand elle me l’a raconté, ça m’a vraiment soulagé : ce que je venais de vivre n’était pas normal. Ce n’est pas moi qui subitement ne savait plus me servir de Google. Si je ne le trouvais pas sur Internet c’est parce que c’est trop rare.
Le pire… c’est que comme toutes les stratégies de Ghost… on finit par douter de soi. On se dit qu’on a forcément fait un truc. Autre chose.
Tu sais, comme les gens qui vont te dire non mais je ne te répondais plus parce que tu m’as écrit un pavé.
N’importe quoi.
Mais au final une partie de nous finit par y croire. Parce que la personne n’a pas l’honnêteté de nous partager la vraie raison.
“Mais c’est normal”
C’est là tout le paradoxe : à la fois il me fallait entendre que c’est pas normal. A la fois j’avais du mal à entendre qu’on jette le bébé avec l’eau du bain. En mode non mais cette psy est nulle.
Et je ne savais pas quoi répondre avant de trouver la métaphore de l’avion.
Parce que quand on dit “cette psy est nulle”, au fond ça dit aussi attends mais t’as fait quasiment un an avec et t’as pas vu qu’elle était nulle ? Toi-même t’es nul.
Alors que si on dit non mais effectivement le vol était bien, y’avait des signes avant-coureurs mais en même temps ils sont plus faciles à voir une fois que y’a eu le crash… mais Nicolas on peut pas te dire autre chose que ce pilote est nul. Ça ne veut pas dire qu’il n’a pas réussi à voler pendant la plupart du temps. Mais un vol qui se finit par un crash on peut pas dire que c’était bien la plupart du temps et pas ouf à la fin. C’est une catastrophe.
L’équilibre est subtil.
Le vol de Line pour contrebalancer le crash de Line
Paradoxalement, j’ai pu aussi traverser la dépression avec quelques outils que j’ai trouvé dans cette psychothérapie. Notamment le fait d’avoir compris que ma dépression de 2020 venait du fait que je m’étais laisser écraser par une brute et que ça me décevait de moi-même. Car, quand j’étais au collège, je me faisais écraser par les brutes et que je m’étais promis adulte de ne plus laisser faire.
J’avais également compris (ou en tout cas interprété) que mes dépressions étaient également le seul moyen que j’avais d’appeler à l’aide. Car je suis toujours la personne qui soutient le groupe… mais quasiment jamais celle qui sait appeler à l’aide.
Alors j’ai essayé d’appeler à l’aide, cette fois. Ça a relativement bien marché. Toujours pas optimal mais bien mieux que toutes les fois d’avant.
C’est également comme ça que j’ai compris comment me remettre : il fallait que je fasse ce que je m’étais promis de faire. C’est-à-dire opposer les mots à la brutalité. Se servir du don qui m’a été donné pour l’écriture pour crier l’injustice.
Les stratégies d’autoaide
On n’a pas de bonne traduction pour cope.
C’est un verbe qui exprime le fait de mettre en place des choses pour traverser la difficulté psychique.
C’est donc ce que j’ai fait. En allant acheter de quoi décorer mon intérieur, en jouant à la console, en mangeant correctement…
Arrêter d’excuser
L’autre phase compliquée ça a été d’arrêter d’excuser. Une partie de moi ne pouvait pas s’arrêter de penser mais peut-être que j’ai fait un truc ?
Sauf qu’aucune des explications possibles ne pouvaient expliquer le ghost.
Parfois je m’imagine qu’en fait il y a une raison noble et cachée qui était en fait une manière de me protéger. D’ailleurs c’est ce qui était dit à haute voix :
Si on continue ce travail, la thérapie va devenir maltraitante pour vous.
Mais cette apathie était le moteur de la dépression.
C’est la combativité qui m’en a sorti.
L’avis Google
J’ai mis beaucoup de temps entre le moment où j’ai pris la décision de laisser l’avis et le moment où je l’ai fait.
Je me répétais souvent qu’il fallait que je le fasse. C’était dur. Parfois ça me décevait que ça soit dur.
Alors j’ai voulu demander à quelqu’un d’autre de le faire.
Mais je voulais quand même le faire.
Et, un jour où j’essayais de passer le pas, j’ai ouvert mon compte Google Avis et je suis retombé sur un très vieil avis de moi :
Charlatan moderne ^^.
"Dans Harmonie, y'a H.A.R.M.O.N.I.E, donnez moi un mot pour chaque lettre, sans réfléchir"
"Vous pensez être un cheval mais en fait vous êtes un panda"
"Sentez les ondes de ce bol d'eau que je secoue" (comme Pocahontas)
30 minutes, pas une seule question sur pourquoi on est venu mais prétend que tout est réglé. Parce que c'est bien connu, il existe sur Terre des méthodes permettant de tout régler en moins de 30 minutes.
Bref...vous voyez le tableau. Au début je me suis demandé si c'était légal mais après tout...les voyantes sont légales. Donc pourquoi pas ? C'est dommage de ne pas annoncer la couleur dès le début.
Disons que ça doit marcher sur certaines personnes et tant mieux. Bénis soit Placebo et ses disciples. Après...il suffit d'aller sur le site pour s'en rendre compte. Ici par exemple : [Lien du site que j’ai enlevé ici pour pas lui faire de promo]
Mais comme tout le monde n'a pas le temps d'aller fouiller le site, je laisse cette trace Google pour les futurs passants. Si vous cherchez quelque chose à mi-chemin entre la voyance, les chamanes et la pseudo-psychanalyse, pourquoi pas et grand bien vous en fasse. Les autres ? Fuyez. Vous économiserez 120€ (ou 300€ si elle vous fait 3 techniques dans la même séances).
Cet avis je l’ai déposé parce que mon ex avait été arnaquée par cette “psy”. Ici on est encore bien des niveaux au-dessus de ce que je viens de te raconter. Je ne dirais pas que Line est une charlatan. J’ai même du mal à dire que c’est dans l’absolu une mauvaise psy à tout jamais. Juste une débutante qui a fait une faute professionnelle. Qui peut-être aujourd’hui le regrette profondément et a fait serment que ça n’arrive plus.
Ici je te parle vraiment d’une personne qui ne peut se qualifier que par le terme de charlatan puisqu’elle prétend guérir l’infertilité et profite de la détresse des victimes.
Et pourtant… mon ex n’avait pas pu écrire cet avis…
Et pourtant… elle continue d’exercer (donc bon… je me suis fait une raison sur le fait que ce métier n’avait aucune régulation).
Mais surtout… j’avais écrit l’avis à sa place. Et ça avait eu un effet puisqu’elle avait rappelé pour lui rembourser 2/3 (donc plus “que” 120€) en disant manifestement je n’ai pas réglé votre problème à l’argent donc je vous rembourse deux techniques sur trois.
En me rappelant de ça j’ai senti une immense indulgence envers moi-même : je ne peux pas toujours être la personne forte. Je l’ai été. Pour quelqu’un d’autre. Et en même temps ça m’a donné la force nécessaire pour écrire l’avis…
Qui… n’a jamais été publié car la page Google Avis de Line a disparu avant.
Mais l’avoir écrit m’a fait passer un cap.
Tu n’es pas seul. Tu n’es pas seule.
Si tu lis ce texte parce que tu as vécu un arrêt brutal de psychothérapie, sache que ça arrive à d’autres personnes. Rarement heureusement. Normalement il y a une procédure d’arrêt en douceur.
Mais ça arrive.
C’est compliqué de se remettre parce que ça rend méfiant·e des psys et que c’est probablement la meilleure manière de s’en remettre…
Je n’ai pas la prétention d’avoir trouvé le manuel.
Mais voilà comment j’ai fait.
Tant mal que mal.