Qu’avaient en commun les marchés de la livraison, du taxi et de la location de DVD ?
Un mépris pour le client.
L’exemple emblématique des taxis
En 2012 je n’avais jamais réussi à monter dans un taxi parisien. On me disait que l’expérience était horrible car on ne savait jamais ce qu’on allait payer et que les chauffeurs exigeaient souvent qu’on les paie en liquide.
Mais moi je n’avais même pas le droit à cette mauvaise expérience.
On me disait juste c’est trop loin (j’habitais à Evry) ou alors on ne s’arrêtait pas.
Je savais bien que c’était parce que j’étais Noir. D’autant plus que je n’étais pas le seul à m’en rendre compte :
Mais avec l’arrivée d’Uber, les choses semblent changer. En 2012, Latoya Peterson, qui gère le site Racialicious, expliquait que «ce service de voiture premium enlève le facteur du racisme quand vous avez besoin d’une voiture. […] C’est incroyable que j’ai besoin de payer un service premium pour avoir cette expérience mais ça en vaut la peine». Même constat pour Jenna Wortham: «La qualité de nos vie s’est considérablement améliorée le jour où nous avons trouvé une alternative aux conducteurs de taxi racistes.»
Un service client incroyable
Ce qui différencie Uber des taxis ce n’est pas l’application. D’ailleurs Taxi G7 aussi a une application.
Ce qui différencie Uber des taxis c’est le service client.
Je n’ai pas besoin de deviner le prix de ma course, il est fixé à l’avance
Je sais exactement combien de temps je dois attendre car je vois le chauffeur sur une carte
Il me prend même si je ne suis pas blanc
Le chauffeur est un minimum aimable
Mais comment Uber est arrivé à créer cette expérience client ? En recrutant des personnes intrinsèquement meilleures? Peu probable.
Non… c’est le système de note qui permet ça.
En effet, un chauffeur qui a de trop mauvaises notes se fait tout simplement virer de la plateforme.
Amazon c’est pareil
Parfois je reçois des emails pour me dire d’arrêter d’utiliser Amazon. Mais on se rappelle de l’alternative ?
Récemment je me suis fait livrer en passant en direct par la marque. J’ai mis plus d’un mois avant de recevoir mon produit. Avec entre temps une dizaine d’emails, du stress, ne pas savoir si j’avais tout simplement perdu mon argent…
On oublie que le succès d’Amazon vient du fait qu’ils ont introduit un service client normal dans un marché qui maltraitait ses clients.
À quel prix ?
Bien sûr… si Amazon subit autant de critiques c’est parce qu’ils maltraitent une partie des gens travaillant pour eux. Idem pour un Deliveroo et, dans une moindre mesure, un Uber.
Rappelle-toi : on a dit qu’une startup cherchait à produire une croissance exponentielle.
Or… le droit du travail est généralement un obstacle à cet objectif.
Car, si je dois employer mes livreurs en CDI, je ne peux pas avoir une infrastructure flexible qui me coûte 0 quand elle rapporte 0.
Avec un CDI je dois payer les gens en permanence.
Alors que si mes livreurs sont des free-lances, d’un coup je n’ai plus le problème.
Ça pose évidemment un menace sur le reste du modèle social.
Surtout en France où le statut de CDI vient avec le concept de cotisation pour la sécurité sociale : le chômage, la maladie, la retraite.
Pourtant… ce n’est qu’une partie de l’équation.
Les startups ont tendance à moins bien traiter les travailleurs et travailleuses qui font des tâches manuelles. Justement par manque de culture de ce qu’est le travail manuel. En revanche c’est plutôt l’inverse avec les salariés faisant des tâches intellectuelles.
Un bien être supérieur ?
En 2017, le baromètre Paris Workplace publié par la SFL et l'IFOP qui évaluent les conditions de travail des employés de cent entreprises de la French Tech, dont font partie de très nombreuses start-up, montre que ces derniers sont globalement plus satisfaits de leurs conditions de travail que le reste de la population. Ils évaluent leur bien-être à 7,97/10 contre 6,50/10 pour la population générale
Je n’ai pas trouvé de chiffre plus récent et c’est à prendre avec des pincettes. Pour autant ça ne m’étonne pas. Car, en ce qui concerne les personnes avec des métiers intellectuels, les startups ont intégré l’idée que ça marche mieux en les “bichonnant”.
D’où l’image du bureau cool, avec un baby-foot.
De ce fait, les start-up sont connues pour leurs espaces de travail organisés pour être récréatifs afin d'améliorer le bien-être de leurs employés. Des tables de ping-pong, baby-foots ou des coins repos sont aménagés afin de faciliter la communication et la formation d'un esprit d'équipe entre les employés de manière informelle. Linkbynet, une start-up française, avait même installé un toboggan dans ses locaux. L'idée est qu'en favorisant le bien-être, les employés seront plus heureux et donc plus productifs.
Quitte à être dans le capitalisme autant en faire une version cool.
Pas besoin d’une hiérarchie rigide
On y trouve également l’idée selon laquelle tous les rituels de hiérarchie : s’habiller en costard, vouvoyer le boss… sont en réalité inutiles à la productivité.
Là encore, une idée à laquelle je souscris. Quitte à être employé pour le capital autant m’habiller comme je veux.
Attention, ça ne veut pas dire que les startups sont des démocraties : elles s’organisent généralement autour de leaders charismatiques qui vont fédérer l’équipe.
Partager l’actionnariat
Enfin… l’autre côté positif des startups envers leurs employés est le fait de leur donner des parts de la boîte.
Si bien que les 1000 premiers employés de Facebook sont probablement millionnaires :
Divers rapports estimaient que 1 000 à 3 000 employés pourraient devenir millionnaires sur le papier
Là encore… c’est quelque chose qu’on ne voit pas dans les grandes entreprises et qui est rendu possible par la croissance énorme des startups au début.
Nicolas client versus Nicolas citoyen
Ceci étant dit, il reste quand même ce dilemme qui n’est pas résolu. Quand je consomme Amazon je fais le choix de Nicolas client au-dessus de Nicolas citoyen.
Je dois reconnaître que, là-dessus, je n’arrive pas à renoncer à être traité correctement en tant que client.
Mais, heureusement, le dilemme n’est pas toujours là. Il y a des startups qui produisent un bon service client, en favorisant leurs employés cadres sans exploiter une main d’oeuvre manuelle. Netflix par exemple (à ma connaissance en tout cas).
Il y a quelque chose dont on peut s’inspirer : notamment le fait qu’améliorer l’espace de travail et assouplir les horaires augmente la productivité. Donc, même d’un point de vue capitaliste c’est dans l’intérêt de tout le monde.
Alors entièrement d'accord sur les différences de traitement client;
Et merci de m'avoir encore une fois montré un angle mort de ma perception du racisme.
Aussi sur les différences emplois "au siège" / emplois "manuels";
la bonne réputation de Netflix tient probablement à ça (puisqu'ils n'ont rien de "physique") non ?
Mais il me manque quelque chose sur l'aspect infrastructure flexible / payer les CDI en permanence : c'est pour moi l'essence même du risque entrepreneurial.
Ce que Uber et consorts, depuis longtemps avec le plein soutien de Macron ,
transfèrent allègrement sur (les moins bien payés et moins bien traités de) leurs employés, en en faisant des faux indépendants ou autres pseudo auto-entrepreneurs.
Merci !! et pour reconcilier citoyen et moi, je n utilise pas UBER (ne paye pas ses impots en France) mais FREE now, (européen) et plutôt fnac.com que Amazon