Qu'est-ce que l'autisme ? La réponse en deux facettes
J’ai mis 10 livres avant de commencer à comprendre ce qu’est l’autisme. Alors, forcément, c’est dur à résumer. Aujourd’hui on va essayer de faire ce résumé. Pour se faire on va se baser sur le DSM. Le DSM c’est le manuel de référence de la psychiatrie. Il est bourré de problèmes. Par exemple, contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est avant tout une méthode d’observation. Des psys observent des trucs, on fait un inventaire et on dit ce truc que beaucoup de psys semblent observer on va l’appeler dépression.
Mais du coup on fait quoi si y’a des biais d’observation ?
C’est précisément le souci avec l’autisme. Il a été décrit par observation de ce qui choque les psys allistes (non-autistes) en loupant la réalité de l’intérieur. Voilà comment il a fallu attendre la quatrième version du DSM (2013) pour qu’on intègre la notion d’hypersensorialité et d’hyposensorialité dans la description de l’autisme alors que n’importe quel·le autiste aurait pu le dire si on l’avait écouté·e.
Donc le DSM est perpétuellement en retard sur les découvertes scientifique et a une vision condescendante de l’autisme. Cependant, on va quand même prendre cette base car elle a un énorme avantage : elle est relativement courte.
L’autisme dans le DSM est divisé en deux grandes catégories. On appelle ça dyade autistique (alors qu’avant c’était la triade, ça montre encore à quel point ça fluctue).
À partir de maintenant je vais te réécrire les catégories et les traits dans un langage positif. Pour y arriver je me suis basé sur les travaux des diagnosticiennes du livre Is this Autism, ceux de la créatrice du MIDGAS-2 (un protocole diagnostic moins condescendant et qui commence à se répandre) et ceux de la diagnosticienne de Neuropebble.
Voilà ce que ça donne.
Les traits internes : hyper et hypo-intensité.
Le vrai nom c’est les RRBI pour Restrictive, Repetitive Behaviors and Interests
Ça regroupe les traits les plus internes de l’autisme (par opposition au groupe des traits qui impactent le relationnel). Ils sont au nombre de 4.
1 - Comportements vocaux-corporels répétitifs ou spécifiques
Certain·es autistes évacuent le stress via des comportements répétitifs. Voici des exemples (non-exhaustifs) :
Se balancer d’avant en arrière ou sur le côté
Se pincer la peau
Frotter ses pieds ou ses mains régulièrement
Avoir des gestes des mains particuliers (selon les autres)
Jouer avec ses cheveux
Sautiller quand on marche
Mais ça ne se limite pas au corps, y’a aussi une dimension vocale. Et donc là c’est des trucs du genre :
Faire régulièrement des petits bruits avec sa bouche
Répéter des mots (écholalie)
Chanter la même chanson pendant des années
Répéter des dialogues de films en boucle
Citer de manière verbatim des passages de livre pour répondre à une question
Ensuite… ça consiste également à chercher de la répétition dans son rapport aux choses :
Avoir un vêtement fétiche
Faire des feuilles Excel super détaillées sur des sujets spécifiques
Faire plein de listes des choses qu’on aime
Trouver du plaisir à aligner les objets
Lire le même livre en boucle
Écouter des musiques en repeat de manière disproportionnée
Enfin… tout ce que je viens de lister peut aussi prendre la forme d’idiosyncrasie (c’est-à-dire un truc vraiment étonnant et spécifique à la personne) au lieu d’une forme de répétition. Par exemple ça peut-être le flapping : une personne autiste qui se met à faire des gestes frénétiques d’applaudissement quand elle est contente. C’est pas répétitif mais c’est idiosyncrasique (spécifique à cette personne).
2 - Des îlots de psychorigidités / inflexibilité
Les autistes sont rarement psychorigides sur tout. Mais on va avoir des personnalités classiques avec subitement des îlots de psychorigidité. Les autistes ont souvent un manuel de règles internes très fortes et très spécifiques. Ce critère est souvent très mal nommé : routine. Mais c’est bien plus large que ça. Il s’agit vraiment d’avoir des choses où on va être subitement inflexibles. Par exemple (liste clairement pas du tout exhaustive, attention) :
Forte réaction à des petits changements
Avoir du mal à gérer les transitions (inertie autistique)
Sens de la justice inhabituellement fort
Interprétations littérales (inflexibilité au contexte)
Refus de jeter certains objets
Le besoin envahissant d’autonomie (qui donne l’impression que la personne est bornée, têtue).
Besoin impérieux de correction des erreurs factuelles
3 - Des intérêts très intenses
Les autistes sont souvent plus intenses dans leur engagement avec les sujets. Cet engagement peut durer toute une vie mais aussi quelques heures. Ce qui compte c’est l’intensité. Les autistes ont également une tendance à être monotropiques c’est-à-dire à avoir du mal à s’engager dans deux choses en même temps.
De manière générale c’est un peu comme si les autistes avaient des “crushs” sur des sujets comme on a des crushs sur des personnes. Souvent c’est caricaturé en il aime les trains depuis qu’il a 5 ans et ne parle que de ça. Mais non… on peut avoir un crush qui dure toute la vie, oui, mais il peut aussi durer un jour. Ce qui compte c’est l’intensité. ce n’est ni la durée, ni la normalité du sujet.
Ça étonne les allistes quand ça dure longtemps et que ça se porte sur des sujets étonnants, mais ça c’est un détail.
4 - Hyper Ou Hypo Sensorialité Avec Ou Sans Recherche Sensorielle
Les autistes vont souvent avoir des anomalies sensorielles. Soit des curseurs poussés à fond (hypersensorialité) soit au contraire des curseurs au minimum (hyposensorialité). Parfois un mélange des deux.
Par exemple, je suis hypersensible à la vue, l’ouïe et au toucher MAIS j’ai très peu d’odorat, d’interoception, de proprioception et de sensibilité vestibulaire.
L’interception c’est le sens qui permet de savoir ce qui se passe à l’intérieur de son corps (faim, soif, certaines émotions, etc). La proprioception c’est le sens qui permet de savoir où sont les parties de son corps même quand on les voit pas : ça permet par exemple d’être bien coordonné. Le système vestibulaire c’est le sens de l’équilibre.
Les cocktails à ce niveau sont infinis. Je connais des autistes qui ont un cocktail très opposé au mien :
Hypersensible à la vue, l’ouïe, l’odorat, l’interception (elles ont toujours faim et soif) MAIS hyposensible au toucher.
Enfin… il peut y avoir ou non une recherche de la sensorialité. Soit parce que l’hypersensibilité fait que quand on aime une sensation on la cherche (dans mon cas mon hypersensibilité tactile me fait chercher les douches chaudes beaucoup trop longues) ou parce que l’hyposensibilité fait qu’on a besoin d’une plus grosse exposition (c’est pas mon cas mais d’autres autistes avec la même hyposensibilité à l’odorat vont se mettre à manger super épicé pour rehausser le goût de tout).
Le nom est imparfait
Maintenant que tu as vu les 4 trait, tu comprends pourquoi j’ai appelé la catégorie hyper et hypo intensité interne ? Parce que je trouve que c’est le point commun à chaque fois. Au lieu d’avoir des personnes dans la moyenne, on a des curseurs à fond dans les extrêmes.
Intérêts : soit ça m’intéresse à fond, soit pas du tout.
Sensorialité : soit je suis hypersensible, soit hyposensibe
Psychorigidité : soit j’ai pas de règle sur un truc, soit j’ai une règle incontournable
Les comportements répétitifs : bon… ça marche moins bien ici je suis d’accord.
Les traits externes : socialisation et relationnel
Ce sont les traits les plus connus.
1 - Une communication verbale atypique
Une communication autistique authentique est souvent dirigée par les intérêts et peut inclure (sans se limiter à) partager des expériences personnelles (empathie autobiographique) discuter de sujets profonds, se couper souvent la parole et utiliser beaucoup de citations dans les discussions (scripter).
Y’a tellement d’incarnations que là je te mets en garde c’est vraiment pas exhaustif comme liste. Voici une petite partie :
Ne pas être né·e avec le manuel des interactions sociales pré-installé
Avoir du mal à saluer les gens
Difficulté à gérer le ping-pong des conversations
Les allistes trouvent que notre communication n’est pas réciproque
Une franchise inhabituelle
Donner trop et/ou pas assez de contexte quand on parle
Avoir du mal à interagir en groupe (versus en tête à tête)
Et plein d’autres trucs
2 - Une communication non-verbale atypique
Les autistes ont tendance à simultanément : avoir du mal à lire le non-verbal des autres ET avoir une expression non-verbale dure à décrypter pour les autres.
Voilà une toute petite liste de possibilités :
Posture corporelle ou démarche atypique
Eye contact vu comme inutile, inconfortable, conscientisé ou intime
Des expressions faciales mal comprises (les autres te croient en colère alors que non, pensent que tu te moques alors que non, etc)
Un affect perçu comme plat
Une voix inhabituellement monotone
Une voix très grave ou au contraire très aigüe
Un débit de parole très lent ou au contraire très rapide
3 - Une construction atypique des relations
Les autistes nouent des liens avec autrui, mais d’une façon qui ne correspond pas aux standards neuronormatifs. La joie du lien autistique découle le plus souvent d’intérêts communs et de la proximité, tandis que le lien alliste repose généralement avant tout sur la dynamique d’interaction. Il leur sera généralement « plus facile » de tisser des liens avec d’autres personnes autistes – leurs “neurosemblables”. Ce critère reconnaît également le besoin, pour nombre de personnes autistes, de « recharger leurs batteries » après des expériences sociales soutenues, et admet que le temps passé seul·e peut être un aspect précieux et agréable de l’expérience autistique.
Là encore y’a tellement d’incarnations que la liste suivante et très incomplète :
Avoir du mal à faire de nouveaux amis et/ou à les garder
Difficulté à comprendre et identifier la nature d’une relation
Une motivation sociale diminuée à cause des blessures répétées (on est pas asociable, on a juste perdu la motivation à essayer à cause du rejet)
Une petite énergie sociale (le besoin énorme de se recharger après des expériences de groupe)
Inflexibilité sociale (on fait pareil avec tout le monde, par exemple on tutoie tout le monde. C’est généralement visible chez les enfants autistes qui parlent aux adultes d’égal à égal).
Plus de chances d’avoir des proches autistes
Une tendance à parler de sujets plutôt que de relations
Réticence à faire du small talk
Etc
L’autisme c’est quand on a des traits des deux pôles
Pour être autiste selon le DSM il te faut 2 des 4 traits internes et l’intégralité des 3 traits externes
Mais en vrai ce que je viens de dire est totalement faux.
Ça c’est la manifestation de l’autisme. Mais vu que l’autisme est une condition neurologique tu peux être autiste et tout intérioriser sans jamais rien exprimer.
En réalité l’autisme c’est un type de cerveau. Et ce qu’on vient de décrire ce sont les conséquences visibles possibles d’avoir ce cerveau.
Comment savoir si on est autiste ?
Tu dois déjà savoir que je déteste le concept du diagnostic. Mais tout diagnostic utilisera le DSM pour le faire. Les traits externes s’appellent les critères A, les traits externes s’appellent les critères B. Et tu as les critères C, D et E que je t’épargne ici qui sont des conditions de diagnostics et non la description de l’autisme.
Si tu t’es reconnu·e dans plusieurs traits, je peux t’aider à creuser cette auto-identification.
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