Peut-être que tu ressens de l’impuissance face aux événements du moment (réforme des retraites.
Tu ne peux pas faire grève, ni manifester
Tu aimerais soutenir le mouvement, mais tu ne sais pas comment. Des choses t’empêchent de le faire. Par exemple tu as des soucis de santé qui font que manifester n’est pas une bonne idée. Ou alors tu as tout simplement peur.
C’est mon cas. Je me reconnais dans cet échange :
Peut-être que tu n’as pas assez d’argent pour donner aux caisses de grève…
Peut-être que tu as un métier qui ne peut pas vraiment se mettre en grève. Parce que personne ne s’en rendrait compte.
Peut-être même que tu n’as tout simplement pas de CDI ou CDD (tu es en freelance, autoentreprise, etc)… le concept de grève n’a donc aucun sens, tu te punirais toi-même.
Ou alors tu ne peux plus
Nuance : tu as pu. Mais tu ne peux plus. Tu es prof et tu as déjà fait plusieurs jours de grève, ça commence à être compliqué niveau salaire. Idem pour d’autres métiers où la grève est très suivie.
Ou tu as déjà donné aux caisses de grève et tu ne peux pas donner davantage.
Il reste un dernier levier
Je sais que Macron a l’air tout-puissant : il ne l’est pas. Si jamais sa base électorale se retourne, il se retournera avec. Là pour le moment son coeur de cible, les retraités, est en faveur de la réforme.
Même un dictateur se repose sur une opinion publique.
Attention, je ne dis pas que Macron est un dictateur.
Je dis que même un dictateur doit se reposer sur l’opinion publique.
Il peut aller contre mais il faut un minimum d’assentiment. Ou plutôt un minimum d’apathie et de non opposition. Alors, évidemment, un dictateur ne laisse pas le hasard forger l’assentiment. Il existe des méthodes vieilles comme le monde pour le forcer.
Comment ?
En contrôlant la parole
On sous-estime à quel point notre parole est forte, à quel point nous avons une influence.
Un dictateur en a parfaitement conscience. Son but ça va être de faire en sorte que les opinions en sa défaveur ne s’exprime pas.
Comment ?
En tabassant quelques personnes qui expriment ce genre d’opinion, en les mettant en prison, en les menaçant, etc.
Pour le comprendre voici une fable extrait d’un livre que je ne cite pas car je ne le recommande vraiment pas :
Au début de son règne, le roi Moustache fut frustré de voir que les foules ne l'acclamaient pas aussi fort que lorsque son père s'adressait à elles. Il entendit des bruissements selon lesquels les gens regrettaient l'époque où son père était roi, et il entendit même une rumeur selon laquelle certaines personnes se moquaient de sa moustache. Chaque semaine, il se sentait de plus en plus mal à l'aise.
Finalement, le roi Moustache décida de prendre les choses en main en adoptant une nouvelle politique. Il l'annonça sur les marches du palais devant une foule nombreuse : "Quiconque est entendu critiquer le roi Moustache ou se moquer de sa moustache sera mis à mort."
La foule réagit avec gêne et quelques personnes crièrent : "Ce n'est pas notre façon de faire les choses : "Ce n'est pas comme ça qu'on fait à Hypothética !"
Le roi Moustache devint tout rouge et cria : "Gardes, mettez à mort tous ceux qui viennent de protester !"
Les gardes du roi sont déconcertés par cet ordre.
Ils savaient tous qu'aucun d'entre eux ne voulait exécuter l'ordre, et ils savaient tous que s'ils refusaient ensemble, le roi n'aurait pas d'autre choix que d'annuler l'ordre. Mais aucun garde ne voulait être le premier à s'exprimer et à refuser l'ordre, car ils savaient que si personne ne les rejoignait, ils seraient exécutés avec les dissidents.
Après quelques secondes de silence tendu, quelqu'un prit enfin la parole. "Pendez les traîtres", cria un jeune membre de la garde du roi. Terrifiés à l'idée d'être perçus comme ne soutenant pas le roi, d'autres se joignent rapidement à lui et crient "Pendez les traîtres !".
Une heure plus tard, les cinq manifestants les plus virulents étaient pendus sur la place publique. Depuis, plus personne ne critique le roi Moustache. Quelques mois plus tard, le roi décide d'envoyer son armée en croisade pour conquérir le royaume voisin, Neverlandia. Il pensait que cela permettrait à tout le monde de se rendre compte de la grandeur et de la puissance du roi qu'il était. Il annonça son plan sur les marches du palais.
"Mais nous sommes un royaume pacifique ! Nous n'attaquons pas nos voisins !" cria un commerçant dans la foule. Le roi Moustache devint tout rouge. "Pendez cet homme !" ordonne-t-il. Après une ou deux secondes de silence, les gardes du roi s'emparent de l'homme et le pendent sur la place. C'était la dernière fois que quelqu'un osait défier le roi Moustache.
Bientôt, toutes les discussions dans l'amphithéâtre portaient sur la grandeur du roi Moustache. Les pièces de théâtre et les concerts ne parlaient que de la gloire des guerres qu'il menait.
Voilà. C’est comme ça qu’on instaure une dictature avec succès.
Souvent on retient uniquement la violence physique. Mais, techniquement, une foule pourra toujours renverser les gardes du roi. En tout cas au moment où j’écris on a pas inventé de technologie assez forte pour l’empêcher.
Tout repose donc sur un gigantesque dilemme du prisonnier : on s’en prend à quelques personnes et on espère que ça suffit à dissuader les autres.
Et c’est bien la parole qu’on contrôle. En effet, il est impossible de contrôler les esprits. Le dictateur a donc besoin de contrôler la parole, de telle sorte que tout le monde dise des trucs positifs sur lui.
Il devient alors impossible pour les dissidents de se reconnaître entre eux en public. Ils peuvent le faire en privé mais du coup ça limite énormément leur faculté à devenir un mouvement national.
C’est ça l’astuce de la dictature.
Et bien c’est pareil dans tous les régimes, sauf que dans nos régimes la parole est libre.
C’est donc grâce à la parole qu’on fait pression sur le dirigeant.
Ça a l’air abstrait mais ça a vraiment une influence
Je ne suis pas en train de dire que la violence est inutile. On a vu comment un plus petit nombre de gilets jaunes a obtenu plus rapidement des concessions, par la violence.
Ce que je dis c’est que ce phénomène de mouvement de l’opinion centrale est dirigé majoritairement par la parole.
On appelle ça la fenêtre d’Overton.
Et pour que tout ça bouge, tu es un rouage.
Parle autour de toi. Et surtout aux retraité·es si tu le peux. Parle à ta mamie, parle à ton papy.
Ce mouvement aujourd’hui n’existerait pas dans la rue s’il y avait pas eu des gens pour exprimer la colère dans les médias, dans les familles, dans les entreprises.
Tu n’es peut-être pas à l’avant-garde du mouvement en train de faire grève. Mais tu peux très bien soutenir à l’arrière-garde : chaque fonction compte.
Il faut voir ça comme des gouttes qui s’agrègent.
Keny Arkana : une goutte de plus
Voici un extrait d’une chanson que j’aime beaucoup et qui est dans le thème :
Je ne suis qu'une goutte dans l'océan, une goutte de plus parmi vous Une goutte de pluie ou une larme de plus sur les joues De notre planète Terre, Mère pardonne nous L'homme a créé ce tourbillon, qui nous a tous rendus fous Folie générale, même les climats ne tiennent plus le coup Nos vies ternissent par notre faute, on en a même perdu le goût J'ai peur du coup, pourtant j'ai bien vu la Lueur du gouffre Du moins je l'ai aperçue, en éclairant un peu mon coeur du fouillis Que le Soleil, la Lune, les Arbres, les Mers nous pardonnent Toutes les espèces vivantes que la mienne a exterminées J'demande pardon, parce que tout le mal qu'on a créé Faudra de la force pour le réparer et j'ai du mal à voir que ce monde est prêt L'immonde est près de nous mais j'ai la foi que ça change Ça parait fou une goutte de plus peut-être une goutte qui dérange Une goutte noyée, dans un océan qui se déchaîne Et tente de nous broyer, voyez, on a pourtant pas de haine dans les gènes Tant pis, on part de là, mais on peut aller loin L'enfant en chacun le sait même si on fait comme si tout allait bien Que la rage demeure, fait naître tant de violence dans nos coeurs Trop de conflits en pagaille, aux ondes qui s'installent dans nos peurs Venez pas, faire un tour dans nos esprits en bordel Mélancolie, une goutte de plus et le poison devient mortel Simple reflet d'un monde particulièrement en bordel Juste une goutte de plus pour que déborde le vase ou l'cocktail Parce qu'il suffit d'une goutte de plus parfois pour que tout change Que la Vie nous donne le courage De ne plus se voiler la face, une goutte de cran, de compassion Juste une goutte qui soulage Je ne suis qu'une goutte de plus noyée dans l'océan qui sait Qu'à nous tous, on pourrait faire plein de vagues et tout éclabousser Poussée par un Vent de Sagesse, émanant du Ciel Que chaque maillon se ressoude et reconstitue la chaîne Et si ce monde veut notre peau, gardons l'Esprit et la Chair On y arrivera, même si ici le Mal est bien portant Parce qu'on est tous une goutte de plus Et que chaque goutte est importante Chaque pensée, chaque mot Juste une goutte de plus Chaque geste, chaque action Juste une goutte de plus Chaque personne Juste une goutte de plus Juste une goutte de plus Juste une goutte de plus Car tout n'est que le maillon d'une longue chaîne Et qu'on peut tous changer le monde à son échelle Car tout n'est que le maillon d'une longue chaîne Et qu'on peut tous changer le monde à son échelle