Que faire quand une personne veut se suicider
Il y a quelques années j’ai suivi une formation aux premiers secours en santé mentale. Au moment d’aborder la dépression et la crise suicidaire j’avais été énormément surpris. La formatrice demandait comment on pouvait savoir qu’une personne était sur le point de se suicider.
Et là des gens qui pourtant étaient pour la plupart des professionnel·les de la santé disaient : c’est terrible, on ne peut pas, c’est invisible, etc.
J’ai eu l’impression de venir d’une autre planète.
J’ai été témoin de beaucoup de crises suicidaires dans ma vie. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait cette formation. Parce que je me suis dit qu’un jour si ça tournait mal je m’en voudrais de ne pas avoir eu toutes les armes.
Or, la plupart du temps : les gens en parlaient avant. Alors oui, peut-être sur le ton de la blague… mais quand même. C’est juste que :
Les gens n’écoutent pas
Je ne sais pas pourquoi. Enfin… maintenant que je sais que je suis autiste je comprends que c’est aussi parce que les allistes sont obsédé·es par le non-verbal. Or, une personne qui ose dire qu’elle envisage la mort va souvent rajouter du non-verbal inverse pour atténuer : un ton de blague par exemple.
Mais c’est pas que ça. J’ai l’impression que y’a aussi un phénomène de gêne qui fait qu’on détourne le regard.
Et puis il y a aussi une réécriture de l’histoire qui soulage les consciences : dire que c’est imprévisible permet de décharger sa responsabilité.
Toujours est-il que je bouillonnais sur ma chaise et j’ai fini par prendre la parole pour dire :
Excusez-moi mais c’est peut-être moi qui ait eu une expérience biaisé mais pour moi la réponse est super simple : LES GENS LE DISENT.
J’ai ensuite regardé la formatrice pour voir si elle s’exclamait que j’étais fou. Mais non, elle a hoché de la tête en confirmant qu’en effet les gens le disent souvent mais personne n’écoute.
Pire encore, y’a même des gens qui pensent qu’une personne qui parle de suicide ne passera pas à l’acte et que c’est les gens qui parlent pas qui passent à l’acte.
C’est faux.
La meilleure personne pour aider est une personne sans jugement
Si tu as une opinion négative des personnes qui tentent de se suicider (à cause d’une religion par exemple) tu n’es probablement pas la meilleure personne pour intervenir. Si c’est possible, fais-toi aider par quelqu’un d’autre qui pourra le faire.
Dans le guide qu’on nous a donné lors de la formation voici les 3 conditions mentionnées pour approcher une personne qui a des idées suicidaires :
Tu te sens capable de le faire
Tu es dans les bonnes conditions de disponibilité et d’écoute (tu ne fais pas ça entre deux RDV)
Tu sais quoi faire si la personne te confirme qu’elle a des idées suicidaires.
L’approche est simple : DEMANDER
Contrairement à d’autres crises et d’autres troubles on a la chance d’avoir une action simple : la demande.
Ce n’est pas le cas si tu approches une personnes ayant un trouble d’addiction (avec l’alcool par exemple) : elle niera sa condition.
Fais simple : as-tu des idées suicidaires ?
Ne fais pas de pléonasme ou de minimisations qui laisseraient le doute. Si tu demandes as-tu des idées noires et que la personne te répond que oui… ça reste flou.
Tu n’as rien à perdre à demander. Même si la personne dit non.
Il faut aussi se débarrasser d’une idée reçue qui est que ça pourrait lui donner des idées. C’est totalement faux. Au contraire, quand une personne parle de ses idées suicidaires et qu’elle reçoit de l’écoute ça diminue ses chances de passager à l’acte.
Ton rôle est de soutenir la personne…
…pas de la faire culpabiliser
… pas de penser à toi et à ce que tu deviendras
… pas de débattre
… pas de minimiser son ressenti
Tu dois rester calme
Vous pouvez pas être deux à tanguer. Il est primordial de garder (le plus possible) ton calme et ton ouverture.
Quelques conseils d’écoute
Je paraphrase le guide :
Reste ouvert·e et calme
Ne juge pas
Pose des questions ouvertes sur les questions de la personnes
Pose des questions précises et/ou fermées sur les intentions immédiates
Utilise les techniques classique d’écoute active (reformulation, clarification)
Fais preuve d’empathie
Et je rajoute un conseil de mon expérience : mets toi à sa hauteur. Tu ne deviens pas une personne supérieure parce que tu n’as pas d’idées suicidaires. Il faut jauger mais tu verras que y’a même des personnes qui vont apprécier que tu leur parles d’un problème à toi et où elles t’aident…ça leur permet de se sentir utile et de retrouver une position d’adulte qu’on écoute et non pas d’enfant qu’on guide.
Évaluer le danger imminent
Il y a évidemment des degrés dans le risque suicidaire.
Tu trouveras diverses échelles comme celle-ci :
Mais le plus important c’est de différencier calmement entre : des idées, un plan et une action en cours.
Là encore le plus simple est une demande directe si tu sens que c’est grave :
Demandez lui si :
Elle a prévu un scénario
Comment elle compte le faire (manière, lieu)
Si y’a une date
Si elle a déjà pris des mesures pour se fournir les moyens de le faire
Si elle est actuellement sous l’emprise d’une substance
Si elle a déjà fait des tentatives de suicide par le passé
Pourquoi ? Parce que les personnes avec le risque le plus élevés sont les personnes qui ont défini un scénario. L’absence de scénario ne veut pas dire que le risque est nul mais c’est moins probable.
J’ai dit “moins probable” j’ai pas dit “improbable” et encore moins “impossible”.
Le cas échéant : appelle les secours
Le 15 et le 112 pour les secours, le 3114 pour une ligne de prévention.
En attendant, veille à sa sécurité
Je ne te fais pas un dessin : tu dois rester avec la personne. Si elle a une arme tu peux lui proposer de te la donner mais tu n’es pas dans un film, tu ne va pas te mettre en danger.
Et… malheureusement, prépare toi à ce que la personne soit furieuse contre toi de t’opposer à son passage à l’acte.
Après la crise : recherche de l’aide
Si tu n’es pas suffisamment proche de la personne tu dois en référer à un·e proche et/ou une aide professionnelle.
Tu ne dois jamais promettre la confidentialité.
Voici la phrase proposée dans le guide :
Si la personne ne veut pas que vous parliez à quiconque de ses idées suicidaires, opposez-vous à sa demande en expliquant pourquoi, par exemple :
“Je tiens trop à toi pour garder un tel secret. Tu as besoin d’aide et je suis là pour t’aider à en trouver.”
Traitez la personne avec respect et impliquez-la dans les décisions concernant les autres personnes à informer de sa crise suicidaire.
Si tu n’es pas assez proche de la personne tu peux changer je tiens trop à toi par c’est trop important.
Avertissement : l’automutilation n’est pas une tentative de suicide
Il est ok et parfois nécessaire d’entraver physiquement une personne qui essaie activement de se suicider. En revanche, s’il s’agit d’automutilation il faut proportionner la réaction. La personne n’est pas en danger de mort et donc ça demande une intervention plus douce (je ne te dis pas de regarder sans rien faire).
Prends soin de toi
La partie qu’on néglige trop souvent : toi aussi tu dois prendre soin de toi après un tel événement. Peu importe comment tu le fais, mais il faut le faire.
La source
J’ai paraphrasé le manuel des premiers secours en santé mentale qu’on m’a remis lors de cette formation :