Puis-je te manipuler ?
Quand j’ai appris qu’il existait un livre scientifique sur la manipulation, j’étais tout excité. J’ai couru l’acheter. Ça s’appelait Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Et, en effet, ça m’a fasciné. Même si je n’y ai pas du tout trouvé ce que je pensais.
Un prof a affirmé qu’on obtenait plus d’argent en demandant l’heure
Un jour, dans un amphithéâtre à Evry, mon prof de vente a dit, l’air de rien :
“il a été démontré qu’en demandant l’heure à quelqu’un avant de lui demander de l’argent, vous avez plus de chance qu’il accepte, et il vous donnera une plus grosse somme”.
Ça m’a percuté. Comment était-ce possible ? Et surtout comment ça se fait que je n’en avais jamais entendu parler. En plus il avait dit démontré.
On est en 2008, je n’ai pas de smartphone. Je ne peux donc pas vérifier ce qu’il dit.
Je dois attendre de rentrer dans ma chambre d’internat…
Et je tombe sur un article qui décrit l’expérience extraite du livre Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.
Résultats de l’expérience
Quand on demande de l’argent sans requête préalable, on obtient en moyenne 28 centimes, et 28% des gens ont accepté. Quand on demande d’abord l’heure on a désormais plus de 40% des gens qui ont accepté, pour un don moyen de 37 centimes.
Plus étonnant encore, on fait une expérience similaire sauf qu’à la place de demander l’heure, on touche légèrement la personne sur le bras ou l’avant-bras, pendant une à deux secondes. Et… là encore… on a une augmentation des résultats.
D’ailleurs, tu connais probablement des gens qui utilisent cette technique inconsciemment : dès qu’ils veulent te réclamer quelque chose, ils te touchent l’avant-bras.
Mais quel rapport avec moi ?
Au début j’allais te dire “maintenant que tu sais ça, tu peux regarder quelle heure il est, là maintenant ? Ok…maintenant tu veux bien me donner de l’argent en devenant premium ?”
Mais je me suis dit que j’abusais un peu… que je pouvais faire l’effort de trouver une expérience qui a un rapport.
Le pied dans la porte
Revenons donc à mon histoire. Je me suis procuré le livre. Dedans, il y avait une autre expérience. J’ai découvert que cette technique s’appelle le pied dans la porte. Elle consiste à créer des chaînes de oui, d’abord un petit, puis un gros. Ou d’abord un petit, puis un moyen, puis un gros.
Dans l’expérience où on demande l’heure, la première acceptation (donner l’heure) n’est pas liée à la seconde (donner de l’argent). Mais ça marche car elles sont rapprochées dans le temps.
Maintenant, ce qui fonctionne vraiment c’est quand les requêtes sont éloignées dans le temps mais ont un lien direct. En gros, quand la seconde est une version plus coûteuse que la première.
Les chercheurs (Freedman et Fraser) ont proposé à un groupe contrôle d'installer un panneau publicitaire de prévention sécurité routière de 16m2 dans leur jardin. Comme on peut s'y attendre, moins de 20% des gens acceptent.
Puis, ils ont refait l'expérience avec un autre groupe. Mais cette fois on leur propose d'abord de coller un autocollant sur leur voiture. Un autocollant sur la sécurité routière. C’est la petite requête. Tout le monde l’accepte. Parce que justement elle est petite.
Ensuite on les rappelle et on leur propose le panneau de 16m2. Cette fois... plus de 75% acceptent !
En commençant par un petit oui on a donc réussi à multiplier le résultat par quasiment 4...
Le libre arbitre est donc relatif
On parle de plus en plus de consentement et c’est une bonne chose. Mais on oublie de dire que consentir n’est pas forcément pleinement vouloir. L’auteur du livre appelle ça la soumission librement consentie. On retrouve ce verbe de consentir.
Peut-on dire que les personnes qui subissent un pied dans la porte sont libres ? Que c’était leur volonté d’installer ce panneau ? Pour les 55% supplémentaires ? Dur à dire.
En tout cas c’est important d’avoir conscience de ces mécanismes.
C’est maintenant que je le fais à mon tour…
Alors… voici la petite manipulation que je te propose. La semaine dernière vous avez été une vingtaine à rejoindre l’Atelier Premium. Or, je sais que parmi vous il reste des personnes qui hésitent.
Voilà donc une offre pied dans la porte.
Je te propose un tarif réduit mais moins réduit que la semaine dernière sinon c’est injuste pour les gens qui ont sauté le pas.
Jusque là… pas très intéressant. Pourquoi accepterais-tu une moins bonne offre ?
Parce que, cette fois, je propose un essai de 30 jours.
Concrètement, si tu souscris avant demain soir, tu bénéficies d’un tarif de 6,99€/mois ou 79,99€/an. Mais tu ne seras débité que dans 30 jours si tu n’as pas résilié.
Et bien sûr…je suis pas un opérateur téléphonique, si tu loupes la date d’un ou deux jours, tu m’envoies un email et on annule.
Comme ça tu as le temps de tester gratuitement le Premium pendant un mois (petite requête) avant de prendre ta décision (grosse requête).