Premiers soins en santé mentale
Lundi et mardi j’ai suivi une formation aux premiers soins en santé mentale.
Dans l’école où j’enseigne, j’ai instauré un format qui s’appelle les Office Hour. J’ai repris un concept qui est très répandu dans le monde universitaire anglo-saxon pour le reprendre à ma sauce.
L’office hour c’est le moment où on parle avec l’élève de ce qui peut entraver sa scolarité.
Selon les élèves, on en vient donc à parler de sujet de santé mentale.
Une de mes collègues m’a dit mais tu n’as pas peur de t’improviser psy ?
Ce à quoi j’ai répondu :
Ah non non je m’improvise pas psy du tout. Au contraire, quand un·e élève me raconte des envies suicidaires ou des traumatismes je vais justement l’inciter à en parler à une personne dont c’est le métier. Mais je ne peux pas non plus rien faire quand je détecte quelque chose. Si demain tu voyais quelqu’un tomber dans la rue tu lui apporterais les premiers soins. Tu le mettrais en position latérale de sécurité en attendant les secours. Tu ne dirais pas “je ne veux pas m’improviser médecin” en passant ton chemin.
Et bah là c’est pareil : je prodigue des premiers soins en santé mentale.
En disant cette phrase j’ai eu une révélation : ça devrait tellement exister ! Comme à chaque fois que j’ai ce genre d’élan j’ai été regarder si ça existait ou pas…
Et… bingo… je suis tombé ici :
J’ai donc décidé de m’inscrire à la formation.
Je vais probablement y dédier un contenu plus long (et accessibles aux membres gratuits) mais je voulais déjà te partager ma première synthèse.
Les troubles psychiques sont plus courants qu’on ne le pense
Premièrement, on a commencé par nous montrer les statistiques. Avant le covid, environ une personne sur quatre avait expérimenté un trouble psychique, chaque année.
J’aime bien le lexique de trouble psychique plutôt que maladie mentale. Parce que je trouve que ça dit mieux l’idée du spectre. On peut avoir un trouble léger.
Voici les chiffres (avant covid) :
Troubles anxieux : 14% (8% hommes 18% femmes)
Dépression/Bipolarité : 8%
Troubles liés à une substance : 4,5% (l’immense majorité à cause de l’alcool)
Troubles psychotiques : 1,2%
J’ai été surpris par ces chiffres car je pensais que la dépression était, de loin, le trouble le plus répandu. Car c’est celui que je repère le plus autour de moi.
Mais surtout, ça donne 27% de la population adulte qui vit un trouble chaque année. En d’autres termes, cela signifie que les troubles psychiques concernent 100% de la population : soit parce qu’on le vit directement soit parce qu’un de nos proches en vit un directement.
La liste des troubles psychiques
On en a vu 4 grandes familles
1) Les troubles anxieux
Dedans, on va retrouver : le stress post traumatique (PTSD), la phobie sociale, le trouble anxieux généralisé, l’agoraphobie, les TOC…
Tout le monde ressent de l’anxiété. C’est même une bonne chose pour signaler qu’une situation est dangereuse. On parle de troubles anxieux car les effets sont “plus graves, plus durables et perturbent le travail d’une personne, ses activités et ses relations sociales”.
2) Le trouble dépressif caractérisé
Là encore, tout le monde ressent de la tristesse voire des états dépressifs temporaires. On parle de trouble dépressif caractérisé quand on a au moins 1 symptôme A et 4 symptômes B, pendant au moins deux semaines :
Symptômes A :
une humeur dépressive
perte de plaisir pour les activités appréciées habituellement
Symptômes B :
perte de l’estime de soi ou culpabilité injustifiée
idées suicidaires ou nombreuses pensées morbides
difficulté à se concentrer ou à prendre des décisions
ralentissement des mouvements ou, à l’inverse, agitation et incapacité à se poser
trouble du sommeil (diminution ou augmentation)
trouble de l’appétit (perte ou excès)
Bien entendu, cette liste est un guide sur une notion qui est un continuum. Ce n’est pas parce qu’une personne n’a que 3 symptômes B au lieu de 4 qu’on va dire “elle n’est pas dans un état dépressif”.
3) Les troubles liés à une substance
Là encore, tout le monde peut consommer de l’alcool, du tabac, des médicaments, du cannabis, etc.
Mais on parle de trouble quand ça a des conséquences négatives précises sur la vie de la personne. En l’occurrence il suffit de cocher (sur une année glissante) seulement deux des critères de cette liste :
La substance est souvent prise en plus grande quantité que prévue ou plus longtemps que prévu
La personne passe beaucoup de temps à se procurer la substance, la consommer ou récupérer de ses effets
Elle n’arrive pas à réduire sa consommation
Elle éprouve un désir compulsif de consommer
Sa consommation affecte son travail, ses devoirs, ses responsabilités
Elle consomme en dépit des disputes/bagarres que cela génère avec d’autres personnes
D’autres activités sont négligées à cause de la consommation
Consommation répétée dans des endroits dangereux (la voiture par exemple)
La consommation se poursuit alors que la personne connaît les conséquences néfastes
Tolérance de la substance : elle a besoin d’augmenter les doses pour obtenir le même effet
Si elle ne consomme pas la substance elle a des effets de sevrage
Là encore, ce n’est pas des mathématiques. Cette liste est une base pour s’éclairer. Point important : la substance cache souvent un autre trouble. En effet, 30 à 50% des personnes ayant un trouble lié à une substance ont également de l’anxiété ou de la dépression.
“De nombreuses personnes consomment de l’alcool ou des drogues pour soulager leurs émotions négatives”
4) Les troubles psychotiques
Probablement la catégorie la plus méconnue, celle qui génère le plus de clichés. Il s’agit d’un terme générique dans lequel on classe tous les troubles psychiques qui occasionnent une perte du contact avec la réalité. Schyzophrénie, trouble bipolaire, trouble psychotique induit par une drogue, trouble schizo-affectif, dépression psychotique…
Dans le langage courant quand on parle de folie (mot à bannir), on se réfère en réalité à un trouble psychotique.
La schizophrénie n’est PAS un dédoublement de personnalité. Il s’agit d’un trouble dont les symptômes sont :
Les idées délirantes (paranoïa, persécution, croyance qu’on est un personnage important, mission à accomplir…)
Les hallucinations (souvent auditives)
Les salades de mots (paroles totalement incohérentes)
Difficultés à réfléchir
Perte d’entrain
Apathie
Retrait social
Le trouble bipolaire n’est PAS non plus un dédoublement de la personnalité. Il s’agit d’un trouble psychotique où la personne alterne entre deux phases (les pôles) : les idées délirantes et les hallucinations d’un côté, la dépression de l’autre.
On parlait avant de trouble maniaco-dépressif, pour illustrer les deux phases. Les deux phases peuvent avoir des durées très différentes. La phase maniaque étant celle qui ressemble à la schizophrénie :
Elle se caractérise par des convictions extravagantes sur les capacités ou l’invulnérabilité de la personne : la personne a des pouvoirs spéciaux ou est une figure importante d’une religion. Ce trouble peut aussi se caractériser par la méfiance ou la paranoïa, par exemple par rapport aux personnes qui doutent de leurs pouvoirs. La personne manque également de clairvoyance et peut ainsi être convaincue que ses délires sont réels à tel point qu’elle ne se rend pas compte qu’elle est en fait malade.
Et en ce qui concerne la phase dépressive… cf point précédent.
5 et 6) Addiction au jeu et troubles de l’alimentation
Pendant les deux jours de formation on a fait l’impasse sur les deux dernières grandes catégories : l’addiction au jeu et les troubles de l’alimentation. Parce qu’on aurait pas eu le temps de les aborder proprement. Mais on nous a distribué un manuel de 150 pages (c’est lui que je recopie à chaque fois que je fais une citation) et je peux donc
Les crises associées
Au cours des deux journées on a vu chaque trouble avec la crise la plus fréquente associée. C’est-à-dire :
Trouble de l’anxiété <> Attaque de panique
Trouble dépressif <> Intentions et comportement suicidaire ou automutilations non suicidaires
Trouble psychotique <> Etat psychotique sévère
Trouble lié à une substance <> Effets graves de la consommation
Ces “duos” sont des moyens mnémotechniques pour les apprendre. Mais en réalité, une personne souffrant d’un trouble anxieux généralisé pourra très bien avoir des crises suicidaires. De même, énormément de personnes vivant des troubles psychotiques vont aussi avoir des troubles liés à une substance.
Là encore, ce ne sont pas des mathématiques.
Et, à chaque crise on a une réponse adaptée. Ce serait trop long de le décrire ici.
Comment aider une personne atteinte d’un trouble psychique
Là encore, ça commence à faire long mais en résumé on a vu une procédure qui s’appelle : AERER (CARES en anglais)
Approcher calmement et évaluer la situation (si on observe une crise, ne pas passer à la suite)
Écouter activement et sans jugement
Réconforter et informer
Encourager à aller vers des professionnels
Renseigner sur les autres ressources disponibles
Ou… en anglais (je trouve que ça marche mieux car on ne répète jamais la même lettre) :
Check to ensure there is no immediate crisis. Calmy approach.
Actively listen without judgement
Recommande sources of immediate help
Encourage to seek professional help
Suggest possible self-help and other options
Ce protocole n’est valable qu’en dehors d’une crise. Si une personne est dans une crise, il faut se référer aux protocoles spécifiques que je n’ai pas détaillé. Là, il s’agit d’un guide pour approcher quelqu’un qui est à froid. Par exemple, tu observes un collègue qui selon toi fait une dépression et tu l’approches pour l’aider.
L’idée phare étant d’écouter sans juger, de ne surtout pas forcer le diagnostic (par exemple on demande explicitement à la personne si elle est d’accord avec nous que ça ressemble à une dépression) puis de l’aider à trouver de l’aide autre qu’elle-même.
La manière la plus simple d’entamer la discussion est de vocaliser qu’on s’inquiète pour la personne.
Voilà des exemples joués par des acteurs. Bien entendu c’est super condensé, dans la vraie vie ça se passe sur un temps plus long (une dizaine de minutes plutôt que 30 secondes) mais c’est pour donner l’idée :