Pourquoi y-a-t-il du chômage en France ?
Le débat sur le chômage est faussé par notre manque de compréhension de la définition du concept.
Par exemple, si je te demande :
Depuis 1970, le nombre de personnes actives a-t-il proportionnellement augmenté ou diminué ?
Il y a de fortes chances que tu penses qu’il a diminué. C’est-à-dire qu’il y a de plus en plus de personnes inactives.
Pourtant c’est faux.
Le taux d’inactivité est en constante diminution. Alors que le taux de chômage est en constante augmentation.
Comment est-ce possible ?
Tant que tu ne comprends pas la différence entre ces deux notions (proches), tu ne peux pas comprendre les enjeux.
Le taux de chômage ne compte que les gens qui veulent travailler
Un taux de 1% de chômage ne veut pas dire que 99% des gens travaillent. Un taux de 1% de chômage ça veut juste dire que 99% des gens qui VEULENT travailler, travaillent. La nuance est énorme.
Concrètement, imaginons un village de 100 habitants. Sur ces 100 habitants, un seul veut travailler. Et il travaille. Les 99 autres ne travaillent pas. Le taux de chômage est alors de…0% ! Alors que le taux d’inactivité est de 99%.
Souvent quand on dit chômage, on pense à inactivité. On ne fait pas la différence.
Imaginons maintenant que cet habitant perde son emploi et n’en trouve pas. Il est alors au chômage et le taux de chômage est de 100%. Le taux d’inactivité aussi.
Parfois, en effet, chômage et inactivité sont équivalents. Mais pas tout le temps.
Autre situation. On a un village avec 50 femmes et 50 hommes en âge de travailler. 49 hommes travaillent et seul un homme échoue à trouver du travail. Les femmes, “décident” toutes de rester au foyer.
On a donc 51 personnes inactives (les 50 femmes et l’homme qui ne trouve pas de travail). Pourtant, le taux de chômage est de combien ? 51% ? Non, puisque les femmes ont décidé de rester au foyer. On ne compte dans le chômage que les gens qui veulent travailler.
Ici le taux de chômage est donc de 1/50 = 2%. Pour une économie qui propose 49 emplois.
Que se passe-t-il si les femmes veulent travailler ?
Imaginons maintenant que les femmes décident qu’elles veulent travailler. Mais il y a toujours 49 emplois disponibles.
Le taux de chômage est désormais de 51%.
Grâce à des innovations on finit par avoir besoin de 30 emplois de plus. Il y a désormais 79 emplois.
Imaginons qu’ils sont tous pourvus. On a donc désormais un taux de chômage de 21%.
La situation est-elle meilleure ou pire qu’au tout début ? Quand on avait 49 hommes qui travaillent et 50 femmes au foyer ?
Si on regarde uniquement le taux de chômage, il est passé de 2% à 21%. Catastrophe ?
Mais si on regarde le taux d’inactivité, il est passé de 51% à 21%. C’est quand même mieux !
Voilà pourquoi l’augmentation du taux de chômage ne dit pas forcément qu’il y a un problème de création d’emploi. En revanche ça donne une idée de l’insatisfaction de la population.
Si les 20 femmes (et l’homme) qui ne trouvent pas de travail décident que finalement ils veulent rester au foyer, le taux de chômage tombe immédiatement à 0%. Car tout le monde est satisfait.
Il faut donc bien se rappeler que le taux de chômage ne décrit pas la variation du nombre d’emplois mais bien le décalage entre le nombre d’emplois disponibles et le nombre de gens qui en veulent.
En résumé il s’est passé quoi en France ?
Le taux d'activité des personnes de 15 à 64 ans s’établit à 71,9 % en 2018 en France (hors Mayotte), en hausse de 0,4 point par rapport à 2017 ; il atteint son plus haut niveau depuis 1975.
Mais… le taux de chômage de 2018 est de 9%, contre 3% en 1975. Trois fois plus, donc !
Que s’est-il passé ?
Tu l’as probablement deviné avec mes exemples : les femmes se sont mises à vouloir travailler.
Au début des années 1970, la moitié des femmes âgées de 25 à 59 ans étaient actives. Aujourd’hui, les trois quarts le sont. Mais dans le même temps, leur lien à l’emploi s’est distendu : en trente-cinq ans, le taux de chômage de ces femmes est passé de 3 % à 12 %
Sauf, qu’il y a beaucoup plus de femmes qui veulent travailler que de nouveaux emplois créés.
On en a quand même créé énormément puisque le taux d’emploi des hommes est resté constant et celui des femmes a presque doublé (+82%) :
Il est frappant de constater que 93% de l’accroissement de l’emploi entre 1960 et 2007 correspond à la progression de l’emploi féminin.
Ce qu’on peut voir sur ce graphique :
Il y a bien de plus en plus de gens qui ont un emploi.
Voilà qui permet donc de relativiser quand on dit que le chômage ne fait qu’augmenter. Oui en effet. Mais c’est parce que l’augmentation du nombre d’emplois est moins forte que l’augmentation des gens qui en veulent (notamment parce que les femmes veulent de plus en plus travailler).
La mauvaise nouvelle c’est que y’a plus de personnes insatisfaites qu’avant.
La bonne nouvelle c’est qu’on a arrêté d’assigner la moitié de la population au foyer.
Nuance : j’ai simplifié la question
Il y a plein d’autres facteurs qui rentrent en jeu : notamment la natalité, la durée légale du temps de travail… mais j’ai décidé de faire un effet de loupe sur celui-ci car je trouve que c’est celui qui montre le mieux à quel point il faut faire très attention à ne pas confondre chômage et inactivité.