À quoi servent les cadeaux ? Au final, tu offres un cadeau d’anniversaire ou de Noël à quelqu’un, puis cette personne t’offre un de niveau équivalent.
Alors à quoi bon ?
Petit voyage dans la psychologie du cadeau.
Tu ne peux pas payer tes beaux-parents pour leur repas
Première histoire
Remplace beaux-parents par n’importe quelle personne t’invitant chez elle. Tu décides de ramener une bouteille de vin. Sauf que tu n’as pas le temps.
Alors tu fais un virement à tes beaux-parents en leur disant : je comptais ramener une bouteille de vin à 40€, est-ce que vous pouvez la prendre, je vous envoie l’argent.
À ton avis, quelle serait la réaction ?
Intuitivement tu comprends que quelque chose cloche.
Deuxième histoire
Toujours le même cas de figure. Sauf que tu décides que tu veux plutôt indemniser la personne. Alors tu estimes les coûts du repas. Puis tu ramènes directement de l’argent liquide. Par exemple, si tu estimes que le coût est de 150€, tu ramènes 75€.
Là encore… quelle serait les réactions ?
Troisième histoire
Tu tombes sur quelqu’un en panne sur la route. La personne a besoin d’aide pour utiliser le cric et changer sa roue. On dit que tu sais faire ça (personnellement quand ça m’est arrivé je n’ai servi à rien à part encourager mon amie).
Dans ce cas de figure, la personne en panne est une parfaite inconnue.
Tu acceptes de l’aider.
Et là, elle te propose de te payer 3€. Elle refuse que tu l’aides si tu ne prends pas l’argent.
Quelle serait-ta réaction ?
Quatrième histoire
Même situation sauf que cette fois tu as déjà rendu le service. Et là personne te propose 3€ car elle n’a que ça sur elle.
Quelle est ta réaction ?
Le cadeau n’est pas le gratuit
On pourrait se dire qu’un cadeau ou un service c’est comme un truc qu’on fait pour un prix de 0€.
Mais dans ce cas comment expliquer que la plupart des gens sont contents que tu leur ramènes une bouteille de vin, mais s’énerveraient si tu ramenais de l’argent ?
Après tout… c’est encore mieux, tu peux choisir le vin que tu aimes : l’argent c’est toujours plus pratique, c’est pour ça qu’une entreprise te paie en argent et non en nature.
De même, comment expliquer que la plupart des gens refusent catégoriquement d’être payé pour aider à changer un pneu ?
Après tout… dans un cas j’ai 0€ et dans l’autre j’ai 3€. C’est mieux à tout niveau.
Et si je te disais que non seulement des gens refusent, mais en plus s’énervent ?
Ma première fois dans un Gibert Jeune
Ça ne faisait pas si longtemps que j’habitais en Ile-de-France. Je tombe sur le concept de Gibert Jeune.
Et sur le coup je me demande où est passé le L, pourquoi c’est pas giLbert jeune ?
Je peux donc venir vendre des livres ? Génial !
Je reviens le lendemain avec plein de livres dont je ne veux plus (dont le fameux livre avec des photos de Paris après l’apocalypse qui m’avait été offert par la tante de ma copine, mais c’est une autre histoire).
Tout content, j’attends le prix qu’on me propose.
Et là… je ne me rappelle plus exactement mais elle a dû me proposer un truc genre 2€ pour 5 livres.
Je me dis c’est mort, je les jette à la poubelle.
À côté de moi, quelqu’un s’énerve. On vient de lui proposer 10 centimes pour un livre.
Il pète un câble. Menace d’aller les jeter à la poubelle.
Je prends alors du recul et je me dis mais pourquoi on réagit comme ça ? On pourrait juste dire non… ou alors dire oui et on a plus d’argent qu’avant même si c’est presque rien.
Le marché monétaire et le marché du service réciproque
L’explication de Dan Ariely c’est qu’il existe deux marchés distincts : un marché monétaire et un marché du “cadeau”.
Et dès que tu les mélanges ça finit mal.
Quand on les mélange on se dit que quelqu’un qui était prêt à faire quelque chose pour 0€ sera encore davantage prêt à le faire pour 3€. Mais ça ne marche pas comme ça.
Ça me rappelle une personne qui était venue pour que je lui donne un conseil sur une de mes expertises. Une sorte de mini-coaching. À un moment elle a voulu me payer. J’ai répondu :
Ahah non c’est un cadeau. Si jamais on parle d’argent on va se fâcher, car je sais que tu n’as pas le genre d’argent auquel je facture ma prestation normalement.
C’est important de reconnaître dans quel marché tu te situes, pour ne pas confondre.
Ça va dans les deux sens, quoi de pire que les gens qui te demandent du travail gratuit et essaient de te faire passer ça dans la norme du service réciproque. Tu sais comme quand on demande aux artistes de faire des productions gratuites en échange de visibilité.
Où ai-je trouvé ça ?
Les histoires que j’ai prises en exemple viennent de Dan Ariely. Mais, n’ayant pas le temps d’aller les retrouver, je les ai citées de mémoire. Il y a peut-être quelques inexactitudes. Pareil sur le nom des marchés. Mais c’était la grande idée.
Si tu veux voir plus en détails, il a raconté ses travaux dans ce livre :
C'est (vraiment?) moi qui décide : Les raisons cachées de nos choix