Oui. Je donne dans le grandiose ce matin. Mais, ce n’est pas une figure de style. Ce n’est pas grandiloquent. Je vais te parler de personnes qui ont effectivement changé le monde.
Mais surtout, je vais te parler de personnes qui ont raconté avec précision leur méthode.
Il s’agit de Saul Alinski et Srdja Popovic.
Ils ont tous les deux écrits des manuels à destination des révolutionnaires. Ces deux manuels font partie des meilleurs livres que j’ai lus dans ma vie.
Livre #1 : Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, petit et sans armes ?
J’ai croisé plusieurs fois ce livre à la fnac. À chaque fois, j’ai rigolé en voyant le titre. Je pensais que c’était une blague.
Un jour, je me suis dit qu’il m’avait fait tellement rire qu’il méritait que je lise la quatrième de couverture. Et là… mon sourire s’est effacé. Ce n’est pas du second degré. Ça a été écrit par le leader de la révolution qui a fait tomber le dictateur serbe Milosevic.
Le livre est passionnant et se découpe en dix principes, à chaque fois illustré par une anecdote.
Une révolution commence par un symbole
La première page du livre nous montre une photo du logo du mouvement de l’auteur.
Puis, dès la sixième page, il nous raconte une réunion de travail avec ceux qui deviendront les organisateurs de la révolution égyptienne de 2012 :
Toutes ces histoires de logos peuvent vous paraître accessoires, dis-je aux Égyptiens, mais l’image de marque comptait beaucoup pour nous. De même qu’en voyant un design rouge et blanc, les gens, partout dans le monde, identifient aussitôt la marque Coca-Cola, nous voulions donner aux Serbes une image visuelle qu’ils puissent associer à notre mouvement.
Je crois que tout est dit ?
La première chose qu’enseigne un combattant révolutionnaire dans son manuel c’est “ayez un logo reconnaissable”. Parce que ça permet de rallier un mouvement, mais aussi parce qu’on peut le dupliquer plus rapidement que les militants.
En outre, à ce moment, nous comprenions fort bien que même si nous avions supplié à genoux nos amis et notre famille de nous soutenir dans cette entreprise, nous n’aurions guère réussi à convaincre qu’une petite trentaine de personnes de venir manifester à nos côtés. En revanche, nous pouvions réaliser trois cents pochoirs de ce poing fermé en une seule soirée. Un matin de novembre, donc, les habitants de Belgrade découvrirent à leur réveil la place de la République couverte d’impressions de notre poing.
Puis surtout parce que ça permet de créer un cercle vertueux. En voyant ça, les gens se disent qu’il y a un mouvement crédible et finissent par le créer en le rejoignant.
À l’époque, alors que tout le monde était terrorisé par Milosevic, cela donna aux gens le sentiment que quelque chose de grand et de bien organisé s’agitait sous la surface. Et peu de temps après, c’était devenu une réalité. En voyant le poing et le mot «résistance» placardé un peu partout, les jeunes voulurent naturellement en savoir plus sur ce truc nouveau et tellement hype. Ils voulurent en faire partie.
Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? Quelqu’un qui lutte contre une dictature avec une police secrète, une propagande d’État et la possibilité de se faire exécuter à tout moment, choisit comme première étape de créer un logo.
Ou, en d’autres termes : même pour convaincre les gens de faire tomber le mal absolu, il leur faut un logo bien fait.
Ce que je viens de dire semble ridicule, superficiel. Mais c’est uniquement parce que la télévision nous a donné une image faussée du marketing. La plupart des publicités à la télévision sont du très mauvais marketing. Sans ça, je suis convaincu qu’on comprendrait toute la noblesse du marketing.
Qu’on l’appelle réthorique, marketing, stratégie de communication ou … évangile.
Voir grand mais commencer petit
Le deuxième principe du livre nous enseigne l’équilibre permanent entre un objectif ambitieux et des journées réalistes.
Choisissez des batailles assez importantes pour compter, mais assez petites pour les gagner
Si tu ne comprends pas ça, tu te condamnes à l’immobilité ou la défaite. Je dirais même plus : 95% des batailles que tu mènes doivent être des victoires assurées.
À cause des médias, on a une vision faussée de la lutte. On ne pense qu’aux batailles spectaculaires. Les médias ne montrent pas les victoires triviales. Normal.
Alors les débutants, qui ont construit leur image avec ça, essaient de livrer des batailles spectaculaires.
Quand j’étais petit, mes parents m’ont inscrit à l’escrime. C’était génial. La première séance, j’ai gagné tous mes combats en deux secondes. Pourquoi ? Parce que la plupart des enfants essayaient de frapper la lame. Comme dans les films avec les mousquetaires.
Du coup…moi…je tendais juste mon bras en ligne droite pour toucher leur torse. Et ils perdaient un point. Puis un autre… puis un autre…
Le prof arrêtait pas de crier “le but c’est pas de frapper la lame, c’est de toucher l’adversaire”.
Pourquoi les autres enfants faisaient ça ? Parce qu’ils voient les duels spectaculaires à l’épée. Mais, premièrement, les mousquetaires font pas exprès de toucher la lame : ils se font contrer. Puis, deuxièmement, un vrai combat à l’épée dure beaucoup moins longtemps qu’à la télévision.
Dans la vraie vie, sur un champ de bataille, si tu croises un adversaire de dos, tu ne lui dis pas “en garde”, tu lui plantes ton épée dans le dos.
Une grande part de la réussite d’un mouvement va dépendre des batailles qu’il choisit de mener, et ce choix dépend lui-même de son degré de compréhension de son ennemi. Voici plusieurs siècles, Sun Tzu réfléchissait à cette idée quand il recommandait aux lecteurs de L’Art de la guerre de toujours opposer leurs points forts aux points faibles de l’ennemi.
Si tu te retrouves dans un combat équitable c’est que tu as raté quelque chose quelque part.
Conséquence : 95% batailles que tu choisis doivent être ultra-faciles à gagner. De temps en temps tu devras livrer une bataille épique avec 50% de chances de gagner. Mais ça c’est vraiment le dernier recours.
Livrer des batailles faciles est ce qui te permettra d’avancer, de prendre de l’élan.
La vérité nue ne suffit pas
J’avais oublié en commençant ce texte. Je viens de retomber sur la page à l’instant. On dirait qu’elle a été écrite pour notre sujet de la semaine.
L’auteur nous raconte les débuts du militant Harvey Milk qui échoue aux élections municipales.
Harvey Milk avait commencé par faire ce que font tous ceux d’entre nous qui sont assez passionnés pour s’impliquer dans une cause ou une autre : dire la vérité toute nue et s’attendre à ce que les autres nous écoutent.
On commence tous comme ça. On se dit qu’il suffit de dire la vérité pour être entendu. Mais c’est une vision naïve de la communication. Tous les cerveaux humains sont équipés d’un filtre de crédulité. C’est ce qui nous empêche de changer d’avis toutes les deux secondes et de croire tout ce qu’on nous dit. C’est plutôt pratique pour survivre. Mais ça rend tout changement difficile.
Si vous lisez ce livre, je suppose que vous vous souciez au moins un peu de changer quelque chose dans ce monde. À un moment quelconque de votre vie, vous avez sans doute essayé de faire des pétitions, de lancer des organisations, de manifester, bref, d’agir pour élever la conscience des gens sur tel ou tel sujet de première importance.
Je suis prêt à vous parier une bouchée de cottage que je sais déjà ce qui s’est passé : vous avez parlé avec passion de sauver le saumon en danger de l’Atlantique Nord, ou d’acheter des iPhones à des orphelins bulgares chroniquement déprimés, et les gens se sont bornés à hocher poliment la tête.
Bien sûr que tu l’as fait. Bien sûr que je l’ai fait. Ne serait-ce que dans un débat politique où je m’attendais à convaincre la personne avec une statistique imparable. Comme tout le monde (à gauche), j’ai le premier instinct de croire que les gens sont de droite parce qu’ils ont pas bien compris.
Si tu es de droite, intervertis les mots gauche et droite et c’est pareil.
Mais en fait, les gens de droite sont pas ignorants… ils sont juste “pas d’accord”.
Pire encore, sur la plupart des sujets, les gens sont simplement apathiques. Ils s’en foutent.
Je suis cynique, bien sûr, mais uniquement pour vous faire bien comprendre ce très important principe de l’activisme non violent : à savoir que tout le monde, sans exception, s’en fiche complètement.
Et pas parce que les gens sont méchants. La plupart sont gentils, modestes et plutôt aimables. Ils sont persuadés, selon la formule immortelle de Liz Lemon dans la série télé 30 Rock, que ce que tout le monde veut vraiment dans la vie, c’est s’asseoir en paix et manger un sandwich. Mais ils ont aussi beaucoup de choses en tête, comme le boulot, les enfants, de grands rêves et de petites doléances, des séries télé préférées dont ils ne veulent pas manquer un épisode et des cartons remplis de trucs qu’ils doivent renvoyer à Amazon.
En fait, c’est là encore un mécanisme de défense du cerveau. Nous avons un filtre qui nous protège de la surcharge cognitive. Le cerveau est un organe qui dépense énormément d’énergie. Il doit donc l’économiser en permanence. Ça passe par le fait de filtrer énormément l’information entrante.
C’est normal. Tu ne peux pas leur en vouloir. Tu es toi-même comme ça, sur tout le reste. D’ailleurs je viens d’écrire “Amazon”. Ça me fait penser qu’en ce moment j’ai des emails de gens qui me disent “pourquoi tu mets des liens vers Amazon alors que y’a plein de librairies indépendantes ?”
Au début ce genre d’email m’enrageait. Je me disais :
Attends… je leur parle de racisme, de sexisme, de végétarisme et eux leur combat c’est m’empêcher de mettre des liens de livres sur Amazon ?
Puis, je me suis rappelé que chacun avait ses combats. Chacun fait comme il peut avec ses filtres.
Vous pouvez juger toutes ces choses dérisoires. Vous pouvez accuser les gens qui se bornent à prendre la vie comme elle vient et à s’occuper de leurs petits jardins d’être égoïstes, aveugles, voire immoraux.
C’est précisément ce que faisaient les plus mauvais activistes que j’aie eu l’occasion de rencontrer. Et ils n’arrivaient à rien, parce qu’il est irréaliste d’attendre des autres qu’ils se soucient plus des choses qu’ils n’en ont réellement envie. Dans ce cas, toute tentative pour les faire bouger est vouée à l’échec.
Voilà. Je crois que je ne pourrais pas mieux dire que ça. Pense à ton manager… applique cette phrase.
Livre #2 : Rules for radicals
Cette fois ci on est dans les années 60 avec un militant qui a aidé les Noirs à lutter contre la ségrégation.
Je t’emmène directement au chapitre 8 : la communication. Il commence ainsi (toutes les traductions sont de moi, donc il peut y avoir quelques imprécisions) :
Quelqu’un peut être dépourvu des qualités d’un révolutionnaire et être quand même efficace et victorieux. À l’exception d’une seule. Cette exception est l’art de la communication. Ce que tu sais sur quoi que ce soit est inutile si tu ne sais pas comment le communiquer à ta communauté. Si c’est le cas tu ne vas même pas échouer, tu vas être inexistant.
Voilà ce qu’on oublie : ce qui est invisible ne peut pas être jugé. Ce qui est invisible ne compte pas. N’en déplaise à Antoine de Saint-Exupéry.
Je rigole, hein ? J’adore le Petit Prince.
De plus, si on ne te comprend pas, tu n’es pas en train de communiquer. Parfois, des gens me disent “non mais là j’ai communiqué sur mon travail, ils ont juste pas compris”. Cette phrase est absurde. La communication a lieu quand deux parties (un émetteur et un récepteur) échangent un signal. Si le signal n’est pas échangé avec succès, il n’y a pas eu communication.
Par conséquent, quand on te conseille de communiquer sur ce que tu fais, ça implique d’être compris ou comprise. Si on ne t’a pas compris, alors tu n’as pas communiqué. Tu as essayé de communiquer.
L’auteur développe ensuite un concept qui m’a marqué à vie. Car je ne l’ai jamais vu aussi bien expliqué :
Les gens ne comprennent les choses que dans le langage de leur propre expérience, ce qui signifie que tu dois rentrer dans leur zone d’expérience. De plus, la communication est un processus bilatéral. Si tu essaies de véhiculer tes idées aux autres sans prêter attention à ce qu’ils ont à te dire, tu peux oublier toute idée de réussite.
Si tu veux convaincre ton manager, tu dois lui parler de quelque chose qu’il peut raccrocher à quelque chose qu’il connaît déjà.
Là encore, c’est le cerveau qui fonctionne ainsi. C’est pour ça qu’on enseigne les additions avec des vaches aux enfants. Un enfant comprendra mieux “une vache et une vache, ça fait combien de vaches” plutôt que “1+1 = x, donne moi la valeur de x”.
Voilà pourquoi, quand j’essaie d’enseigner l’art d’écrire des messages d’approche à des recruteurs, je leur parle de drague. Ce n’est pas pour faire le malin et faire croire que j’ai un succès incroyable sur Tinder. C’est pour les renvoyer à leur expérience.
J’ai été accusé d’être cru et vulgaire parce que j’utilise des analogies de sexe et de toilettes. Je ne fais pas ça dans le but de choquer mais parce qu’il y a des expériences qui sont communes à tous. Le sexe et les toilettes en font partie.
Un recruteur débutant ne comprend pas pourquoi on ne peut pas écrire en premier message d’approche “tu veux rejoindre mon entreprise ?”. Alors je vais lui dire c’est comme si tu avais écrit “tu veux coucher avec moi ?”, même sur Tinder tu ne ferais pas ça. Alors que pourtant on est là pour ça. On a besoin de beaucoup plus d’informations avant d’arriver à cette proposition.
Pourquoi je choisis la drague et non pas le foot ? Parce que je sais que tout le monde a une expérience de la drague. Alors que tout le monde n’a pas joué au foot.
Mais… que faire si on ne trouve pas de lien entre ce qu’on veut communiquer et l’expérience de la personne en face ?
Quand tu essaies de communiquer et que tu ne peux pas trouver la zone d’expérience de l’autre partie à exploiter pour qu’elle reçoive et comprenne ton propos, tu dois alors créer l’expérience pour la personne.
Par exemple, si ton manager ne comprend pas pourquoi tu fais telle chose, tu peux lui demander de faire à ta place pendant un petit moment. Ça lui permettra de comprendre par sa propre expérience.
C’est précisément le genre de stratégies que je vais t’enseigner
Tu le sais, j’ai lancé une nouvelle formation : Comment mettre son travail en valeur auprès de son manager... sans TROP en faire ?
Dedans, je te montre comment mettre la puissance de la communication à ton profit.
S’il faut faire des efforts de communication pour convaincre qu’il faut faire tomber un dictateur alors il faut faire des efforts de communication pour tout.
D’ailleurs, dans Rules for Radicals, il y a un moment où il raconte qu’il va dans la rue pour donner des billets de 10 dollars à des passants en disant juste “tenez, prenez ça”. Quasiment tout le monde refuse.
Morale ? Même pour donner de l’argent à des gens, il faut leur marketer.
N’oublie jamais ça.
Même pour offrir dix euros à quelqu’un il faut lui expliquer pourquoi.
Par conséquent, tu ne peux pas y couper : tu dois apprendre à communiquer sur ce que tu fais.
Tu peux le faire en lisant les deux livres que je viens de te partager. Ça te prendra du temps. Car, non seulement il faudra les lire mais il faudra faire la transposition.
Je te propose de profiter de mon expérience : j’ai lu les livres, je les ai appliqués dans ma vie professionnelle. J’ai aidé d’autres personnes à les appliquer dans leur vie.
J’ai même donné ce cours en anglais devant un public de recruteurs du monde entier :
Voilà donc ma proposition : te transmettre un concentré de mon expérience en moins d’une heure et demie.
Le tout à un tarif divisé par trois. Enfin… si tu clique sur ce bouton avant vendredi soir.
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Preuve et application du caractère bilatéral de la com' : parler de marketer son travail pour changer le monde me parle beaucoup plus que de le faire pour changer ses rapports au travail :p