[Police] Les cris d'alarmes de la Banlieue
Pendant la crise des gilets jaunes nous avons été beaucoup à nous offusquer. Idem lors des violences policières contre Michel Zecler pendant un confinement.
Pourtant… ça fait des années que les personnes qui habitent en Banlieue nous préviennent, dans l’indifférence générale. Ça fait des années que le rap nous prévient :
Voici un extrait d’interview éloquent à ce sujet, juste après la révélation des images où Michel Zecler se fait tabasser par la police :
Journaliste : Et ce sont des images d'intérêt général. On insiste, ce n'est pas juste un petit plaisir de filmer la police et de la balancer sur les réseaux ou dans des sujets. Madame Fatouniang, on en est là en France. S'il n'y a pas la preuve par l'image des violences policières, on ne croit pas les victimes, car dans le parole contre parole, c'est forcément la police qui gagne.
Intervenante : Moi, je trouve ça extrêmement intéressant parce que j'ai été assez étonnée des réactions : "on ne peut pas voir ça en France en 2020", "je ne reconnais pas ma France", mais il faut traverser le périphérique et demander à certaines personnes d'une certaine carnation.
C'est leur quotidien depuis 30 ans, depuis 40 ans, depuis plus longtemps. Je trouve que ça pose vraiment la question de la preuve, de l'image, de la parole, parce que moi, j'ai grandi dans un cadre où la parole de tout un quartier qui aurait assisté à cette scène n'aurait rien pesé par rapport à celle de ces trois policiers là.
Donc, l'image est extrêmement importante, même si, comme je le dis, c'est une image qui peut nous rapporter beaucoup de traumatismes, qui peut être extrêmement dure à voir, mais on a besoin de ces choses- là pour que la mosaïque de cette histoire soit un peu plus complète et que surtout, une partie de la population puisse enfin découvrir, parce qu'on en est là, à défaut de pouvoir croire l'expérience de personnes qui jusque- là n'étaient pas crues.
Puis elle enchaîne en parlant des insultes qu’il a reçues :
Absolument pas surprise. Les insultes raciales, les insultes homophobes, le tutoiement, les agressions que l'on pourrait caractériser d'agressions presque sexuelles. C'est le quotidien de beaucoup d'adolescents, d'hommes, de femmes dans des zones reléguées, ce qu'on appelle les territoires perdus de la République ou les banlieues.
Moi, je veux vraiment insister sur cet aspect d'une nouveauté que la France a pu découvrir à l'occasion, par exemple, de la crise des gilets jaunes, de cette violence- là qui devient visible parce qu'elle va s'abattre sur des corps normaux, sur des corps blancs, alors que c'est une violence- Au cœur de Paris, pareil.
Au cœur de Paris, justement, alors que c'est une violence qui, lorsqu'elle s'abattait sur des corps dits « racisés », noirs, arabes ou dans des endroits qui étaient considérés comme étant hors de l'état de droit qu'il fallait, pour utiliser les mots de Mathieu Rigoustre, qui abritait tous ses ennemis de l'intérieur, des endroits qu'on devait contrôler.
Donc, ces actions étaient absolument absoutes et comprises. Donc là, cette violence, parce qu'elle se généralise et parce qu'elle s'abat sur des corps différents, elle est comprise par une population... Je ne sais pas si « comprise » est le mot, mais les gens sont horrifiés alors que moi, je ne suis pas blasée, mais je suis absolument... toutes ces séquences me sont malheureusement très familières.
Dans la même idée, voici le témoignage d’un rappeur qui s’appelle Fik’s Niavo et qui a écrit un morceau sur les violences policières.
Quand je dis « maintenant tu cries au drame car tu connais le goût des flashballs », c’est une invitation à la réflexion : demandez-vous pourquoi quand il se passait des choses dans nos quartiers il y a vingt, trente ans, quand on n’en pouvait plus parce qu’on se sentait asphyxiés, par la justice, la police, la répression, on nous a souvent fait porter le bonnet du délinquant. Avec l’enchaînement de Nuit Debout aux gilets jaunes, on entendait « la police nous matraque, nous vise… » Mais des tirs au flashball, on en avait en 1996 aux Ulis ! J’ai vu des brigades en 1998 dans le 91 que je ne voyais à Paris que lorsqu’il y avait des gros matchs genre PSG-Liverpool, pour les hooligans.
On a encore cette dénonciation de l’indifférence quand ça concerne la banlieue. Mais surtout, il met en lumière la différence fondamentale :
Mais ce que je veux surtout dire, c’est que les gilets jaunes ou les gens qui se font taper dans les manifs, c’est des gens qui se font taper pour ce qu’ils font. Les gens dans les quartiers populaires se font taper pour ce qu’ils sont.
On a vu ça pendant le confinement, aux Ulis, à Argenteuil, des jeunes qui se sont fait tabasser en bas de leurs immeubles, certains avaient leurs attestations, certains faisaient juste des courses…
Ces choses-là convoquent des choses qui ont trait à l’humain, on me frappe pour mon humanité, dans ma peau, on se donne le droit de dire que mon corps dans l’espace public représente un danger, un fantasme de sauvagerie.
Et de fait, l’État envoie des gens pour maîtriser mon corps à n’importe quel moment, pour n’importe quel motif. Ce n’est pas la même chose qu’aller en manif, remplir son sac, faire ses banderoles, savoir que tu vas affronter la police.
Même à gauche, je trouve qu’on oublie de dire ça : non pas que les manifestants méritent de se faire frapper par la police. Mais quand on compare aux violences en banlieue, on oublie qu’en banlieue les gens se font taper jute par délit d’exister. Pas de volonté de faire.
Où ai-je trouvé ça ?
La première interview :
L’interview du rappeur (et de beaucoup d’autres) :
https://www.abcdrduson.com/articles/violences-policieres-rap-francais/