Photographier des Noirs antillais
Cette semaine dans le Syndrome de La Page Noire, j’accueille Anaïs Colors. C’était une excellente cliente, comme on dit dans les médias.
Je la lançais sur une question et elle faisait toute seule le reste. J’avais eu la même sensation avec Valentine Bureau aussi.
On a donc parlé de PLEIN de choses.
J’ai pensé à couper des passages mais j’aime tous les passages. J’espère que ça te plaira autant qu’à moi. J’aurais pu encore lui parler une heure de plus sans souci.
On a notamment parlé de la représentation des corps Noirs. Plus précisément des corps Noirs antillais.
Il n’y a pas d’essence Noire
Voilà pourquoi on a inventé le mot “racisé”. Pour dire qu’il n’y a rien d’intangible qui réunit les Noirs, si ce n’est le fait que d’autres personnes les voient comme des Noirs. Ça ne peut pas être une question de couleur, puisqu’un albinos est quand même vu comme un Noir.
Ce n’est pas non plus une question “ethnique” puisque les métis sont souvent vus comme Noirs. Rarement comme blancs. Peu importe qu’ils aient un parent blanc et un parent Noir.
D’ailleurs, moi-même, personne n’hésite à m’appeler Noir. Ici, en tout cas. En Guadeloupe c’est différent. On m’appelle parfois “chaben” dans la rue. C’est un terme qui se prononce “chabin” et qui regroupe les Noirs à peaux claires mais dont on sait qu’ils n’ont pas un parent Noir et un parent Blanc. On imagine qu’ils ont eu un ancêtre blanc à un moment.
Tout ça pour dire que ce qui réunit les Noir·e·s, c’est le racisme. Ce qui est fou, je l’ai découvert récemment, c’est que les Noirs ont été inventé par le racisme. Aujourd’hui ça nous paraît impossible, mais l’esclavage n’a pas été motivé par le racisme.
La traite négrière transatlantique n’a pas commencé par le racisme. C’est l’inverse. C’est pour justifier cet esclavage qu’on a eu besoin d’inventer le racisme pour se soulager la conscience.
Mais, du coup, ça nous laisse dans un flou d’identité…
Je me sens parfois plus proche d’un noir américain que d’un noir français dont les parents sont africains
Parce que, mine de rien, on partage le fait de descendre d’esclaves.
Mais…
Je sens parfois l’inverse
Parce que, mes compatriotes Noirs partagent avec moi les mêmes expériences du racisme. D’ailleurs, la plupart des non-Noirs que je connais sont incapable de faire la différence entre les Noirs.
Alors que, généralement, je suis capable de dire en un coup d’oeil si une personne est antillaise. Quand j’ai le doute, je le sais en un coup d’oreille.
Quand j’étais en master 2, un de mes camarades de classe m’a demandé avec curiosité si je comprenais la langue de deux mamans qui discutaient dans une langue africaine. Je lui ai répondu que je ne parlais pas le Noir.
Je me suis permis car c’était plutôt un camarade ouvert et bienveillant. Je le précise pour dire que cette confusion ne concerne pas uniquement les personnes qui s’en foutent.
Mais… nos modèles Noirs sont souvent américains
Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet. Peut-être qu’il faudrait que j’y dédie un email. Mais en tout cas on a évoqué ce sujet avec Anaïs. Elle m’a expliqué comment sa démarche photographique vise aussi à montrer des corps Noirs antillais. Car, à chaque fois qu’elle cherchait, elle tombait sur des corps Noirs américains.
Je ne t’en dis pas plus…
On en parle dans l’épisode :
Où trouver l’épisode ?
Comme d’habitude, tu peux le retrouver dans ton application de podcast ou sur YouTube :