J’étais au théâtre en train d’assister à un spectacle que j’ai adoré. Ça s’appelle Pop Fiction et c’est un film improvisé à partir des suggestions de la salle. Si tu habites à Paris je t’encourage vivement à essayer.
Entre chaque grande scène, la régie faisait le noir dans la salle. Mon voisin de droite s’agitait.
“Mais pourquoi personne n’applaudit ?”
Il arrêtait pas de demander à son amie pourquoi personne n’applaudissait pendant les noirs.
La salle était toute petite, à peine 30 personnes.
Et moi je me disais mais si tu veux des applaudissements, tu n’as qu’à les lancer ?
Au bout de la cinquième fois à se plaindre, il a lancé des applaudissements. La salle l’a suivie.
Aaaaah t’as vu ? Faut que je le fasse à chaque fois.
J’ai hurlé dans ma tête BAH OUI.
Mais…la fois d’après il ne l’a pas fait. Personne n’a applaudi. Il s’est plaint à nouveau.
Alors, pour le prochain noir, j’ai décidé de lancer moi-même les applaudissements.
Alors que j’aime pas les applaudissements. Mais ça me faisait tellement bouillonner de l’entendre se plaindre. Bien sûr, la salle a suivi.
Mais, après ça, il n’a plus jamais lancé d’applaudissements et il a continué à se plaindre.
Et je me suis dit que c’était une bonne parabole de notre rapport au politique.
Il voulait les applaudissements sans les lancer
J’ai trouvé ça fou. Le fait de vouloir à la fois que la salle applaudisse, tout en étant conscient qu’il faut forcément une personne qui lance les applaudissements, tout en refusant d’être cette personne qui les lance.
Ou alors il ne comprenait pas qu’il faut forcément quelqu’un qui les lance ?
Dans les deux cas ça dit beaucoup de notre rapport au changement.
Ce fantasme d’avoir un changement sans l’incarner soi-même.
La phrase est cliché mais est vraie : il faut être le changement que tu veux voir.
Ça m’a fait penser à cette chanson :
Coup d'éclat, venu clamer à vous autres
Croyez qu'on a plein de belles choses à construire
Et que personne ne viendra nous sauver
Tous sonnés, dehors seule la foi reste l'or
Êtes-vous d'accord que ce monde ne reflète pas le rêve de l'Homme?
Révolution intérieure, dès lors qu'on comprend
Qu'il faut porter le changement dedans pour qu'il puisse éclore
N’attends pas qu’on vienne te sauver
Surtout que de toujours se reposer sur une autre personne pour être leader est dangereux à plusieurs égards.
Premièrement ça veut dire que tu laisses un peu le hasard décider dans quel sens ça va aller. Il peut très bien émerger un leader qui va contre ce que tu voulais.
Deuxièmement ça veut dire que tu ne comprendras jamais la difficulté que c’est d’organiser un mouvement. Parfois je reçois des commentaires sur ce que je fais et je me dis mais c’est vraiment des commentaires de personnes qui n’a JAMAIS essayé de le faire. Tu sais… les fameux tu dessers ta cause.
Troisièmement, ça nous emmène dans des situations où les leaders sont toujours les mêmes. Sur tout. Parce que peu de personnes veulent embrasser cette position.
Alors qu’on aurait tout à gagner à ce que ça tourne en permanence.
Personne ne viendra te sauver
Pars de ce principe. Ça ne veut pas dire que tu ne peux pas faire communauté, au contraire. Ça veut dire commencer à penser quelle goutte tu peux emmener dans cet océan.
Chaque pas contribue à l’avancée
Parfois on se dit ouais mais moi j’ai pas d’audience. Mais ce n’est pas une raison. Chaque petit pas permet d’avancer.
L’autre bonne nouvelle c’est que prendre cette habitude va diminuer l’habitude de l’impuissance.
En entendant mon voisin se plaindre de l’absence d’applaudissements j’avais vraiment cette photo en tête :
Qu’on se comprenne bien : je suis pas en train de te dire que tout est possible blablabla. Je dis que parfois une chose est possible et que si tu prends l’habitude de ne pas essayer, tu pourras pas différencier les situations.
Tu prendras l’habitude de voir immédiatement : non mais là, si je veux des applaudissements bah je les prends en main.