Ne pas vexer les blancs
On finit cette semaine thématique sur la charge raciale avec un épisode du podcast kiffe ta race.
Ça me permet à la fois d’introduire un nouveau concept mais également de te faire découvrir ce podcast. Tu peux d’ailleurs d’ores et déjà aller écouter l’épisode.
La peur de vexer les blancs
Dans cet épisode elles abordent cet angle de la charge raciale : le fait que c’est aux personnes non-blanches de ménager les susceptibilités des personnes blanches.
Le nombre de fois où j’ai subi une micro-agression du type mais tu viens d’où ? Non mais tes parents ? Non mais alors tes grands-parents ? et où j’ai tout fait pour éviter à la personne d’avoir honte.
Maintenant je fais l’inverse : je m’assure que la personne ait bien honte.
Mais ça a un prix.
Expliquer à une personne blanche qu’elle a dit un truc qui s’inscrit dans le racisme ordinaire est très coûteux. D’ailleurs, même dire devant une personne blanche qu’une autre personne blanche a participé au racisme peut être très coûteux.
Tu te rappelles de l’email du lundi ? Où je disais à quel point le racisme pesait sur moi ? Au point que je me sens libéré d’un poids quand je vais en Guadeloupe ?
Et bien voici un florilège de réactions :
Voilà ce que ça coûte régulièrement de vexer sur ce sujet.
Alors beaucoup d’entre nous font profil bas.
Quand nous parlons de racisme c’est que nous sommes à bout. Nous ne nous “victimisons” pas
On en a tellement l’habitude que, sur LinkedIn, j’ai fait un post pour me positionner contre la discrimination dans le recrutement. J’ai partagé une anecdote personnelle de discrimination au logement.
Une directrice du recrutement Noire (grosse pensée et merci pour toi si tu lis ces lignes) a alors réagi :
Je constate avec une certaine satisfaction que jusqu’a présent ton article a échappé à la brigade des non concernés par le sujet de la discrimination, mais qui vont pourtant t' encourager à "arrêter de te victimiser"... comment as tu fait pour les chasser de tes posts ?? C est un quasi- exploit !
Je l’ai alors renvoyée sur mon Twitter où les gens ont moins de filtre.
Y’en a même un qui m’a envoyé une étude sociologique qui montrait que si quelqu’un croit qu’il a un truc sur le visage alors il a l’impression que tout le monde le regarde. Conclusion : c’est parce que je crois que y’a du racisme que je crois que y’a du racisme.
Il oublie un petit détail : nous ne naissons pas en sachant que nous sommes Noirs. Puisque ça ne veut absolument rien dire.
Qu’est-ce qu’un Noir ?
Une personne avec une certaine couleur ?
Alors pourquoi Obama est Noir puisqu’il est pile entre les deux, qu’il a une maman blanche et un papa Noir ?
La réponse c’est que Noir est défini dans un livre esclavagiste qui s’appelle le code Noir et qui postule que le mélange d’un blanc et d’un noir est toujours un noir. On appelle ça the one drop rule. Une seule goutte de sang noir, rend noir.
Si c’est la couleur pourquoi cette enfant sera vue comme indienne et non Noire ?
La réponse c’est que Noir c’est l’ensemble des personnes que les Blancs ont défini comme Noir. Y’a pas d’autre réponse.
Si c’est la couleur, alors pourquoi les Noirs dont la couleur de peau est blanche sont vus comme des Noirs ?
Si c’est pas la couleur, c’est quoi ? Il n’y a pas de langue noire, il n’y a originellement pas de culture noire (il y a une culture guadeloupéenne en revanche par exemple).
Les personnes Noires sont Noires car elles partagent une réalité : celle de vivre la négrophobie. C’est tout. Rien de plus.
Tout ça est dans nos têtes.
Et donc un enfant Noir ne sait pas qu’il est Noir. Moi je l’ai su à environ 8 ans quand un autre enfant m’a traité de bamboula et que j’ai répondu bamboula toi-même, puisque le soir mes parents m’ont expliqué.
Je me rappelle encore de ma plus jeune soeur qui revient en pleurs en demandant si c’est vrai que sa peau était noire parce que ses parents la détestait tellement qui l’ont plongée dans de la peinture noire à la naissance…
Non. Quand un enfant Noir vient au monde, il est un blanc universel comme les autres. C’est le regard des autres, le poids de l’histoire, les représentations médiatiques qui vont le construire Noir.
Pour paraphraser De Beauvoir : on ne naît pas Noir, on le devient.
Essaie de retenir ta vexation
Il y a quelques années j’ai écrit un guide pour écouter la parole des personnes racisées quand on est blanc. Il est toujours d’actualité : https://medium.com/dépenser-repenser/je-suis-blanc-je-peux-parler-de-racisme-4e1060adc247
Le maître mot est empathie. Et pour la développer il faut s’éduquer.
Et si tu veux aller encore plus dans le détail tu as le livre Fragilité blanche qui traite uniquement de ce sujet ou alors : Moi et la suprématie blanche