La dernière fois on a vu pourquoi une République n’était pas forcément une démocratie :
On en avait déduit que la France n’était PAS une démocratie. Loin de là. Je t’avais promis à la fin de t’esquisser à quoi ressemblerait une démocratie. Le moment est venu.
Mais avant ça il faut reposer les principes fondateurs.
Principe #1 : tout le monde peut délibérer, élaborer et voter les lois
La démocratie c’est quand tout le monde participe à l’élaboration des lois. Bien entendu, cet idéal de démocratie totale est impossible à atteindre pour le moment. Je dis pour le moment car on ne sait pas ce que nous permettrait de faire le progrès technologique.
En revanche, les sociétés ont vite compris comment s’approcher de ce résultat : grâce à une assemblée législative. C’est-à-dire un groupe de personnes qui créent les lois.
Ça permet d’éviter d’avoir une seule personne qui dirige.
Aujourd’hui, malheureusement, dans les faits c’est le président de la République qui dirige tout dans la 5ème République. L’assemblée lui est tributaire (il peut la dissoudre mais elle ne peut pas le destituer). Le président peut même se dire que ça ne va pas assez vite et demander à son Premier Ministre (qui lui est aussi tributaire) de passer en force grâce à l’article 49-3.
Nous n’avons donc pas de réelle séparation entre pouvoir de faire les lois (pouvoir législatif) et pouvoir de les faire appliquer (pouvoir exécutif).
Là encore, la séparation est normalement là pour éviter les tentations autoritaires.
Mais le fait est que le pouvoir réel est avant tout entre les mains du corps qui crée les lois. Voilà pourquoi ce corps doit être composé de plusieurs personnes.
Principe #2 : le tirage au sort est le mode de désignation naturel d’une démocratie
Ce n’est que depuis notre révolution qu’on confond élections et démocratie. Avant, c’était clair pour tout le monde que l’élection était un concept aristocratique par définition. En effet : on choisit les meilleures personnes pour faire la loi à notre place. Ce n’est pas un hasard si autant de rois ont été élus dans l’histoire.
C’était limpide pour les pères fondateurs de notre République :
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »
Tu remarques qu’à l’époque on ne faisait pas encore la confusion entre république et démocratie : on assumait de créer un régime à mi-chemin entre la monarchie et la démocratie.
Ce qui caractérise une démocratie ce n’est non pas les élections mais bien le fait de participer au vote. Mais attention, quand on dit vote c’est bien vote de lois. Voter pour une personne qui ensuite vote les lois ce n’est plus le principe démocratique.
D’ailleurs, tu remarqueras que beaucoup de dictateurs conservent des élections. Ça ne leur pose aucun souci. En revanche, aucun dictateur ne propose aux citoyens de faire les lois pour lui.
Mais, on l’a dit, il n’est pas possible que tout le monde participe à l’élaboration des lois. Il faut donc bien à un certain moment des personnes représentantes. Oui mais c’est là qu’intervient le tirage au sort.
Le tirage au sort permet de garantir que les représentant•es soient bien représentatifs et représentatives de la population. Ça permet également d’éviter de donner le pouvoir uniquement à des gens qui ont l’ambition de l’avoir.
Aujourd’hui on a déjà un système qui fonctionne ainsi : les jurés populaires. Ce système a montré qu’il fonctionnait alors qu’il s’agit de sujets de vie ou de mort. Contrairement à une idée reçue, le “juge” (qui s’appelle en réalité président de la cour) ne propose pas de durée de peine.
Il s’agit d’un groupe de 9 personnes : 3 juges professionnels et 6 citoyen·es. Chaque personne a une voix qui compte autant que les autres dans le vote qui décide de la sentence (ou d’innocenter).
Si on fait confiance au tirage au sort pour juger sur des sujets si cruciaux, on peut le faire sur tout.
Principe #3 : un régime parlementaire
La France est une exception en Europe. Sur la cinquantaine de pays, il n’y en a que 6 qui n’ont pas un régime parlementaire : le Portugal, la Roumanie, l’Ukraine, la Lituanie, la Russie et la France.
Aucun de ces pays n’est classé démocratie pleine par l’indice de démocratie. Alors que, parmi les 22 pays classés démocratie pleine, on retrouve pourtant 11 pays européens.
C’est normal : dès qu’on utilise un régime présidentiel avec les pouvoirs concentrés dans les mains d’une seule personne on s’éloigne très fortement de l’idéal démocratique.
Principe #4 : on répond de son mandat
On ne peut pas laisser les personnes qui nous représentent avoir une impunité vis-à-vis du pouvoir qui leur est confié. Il faut donc un système où elles puissent s’expliquer sur les abus qu’elles auraient commis.
Principe #5 : on garde un exécutif en équipe réduite
À condition d’avoir correctement séparé les pouvoirs, on peut avoir une équipe exécutive. C’est par exemple elle qui va coordonner les efforts en cas de guerre ou même faire acte de représentation dans les événements internationaux.
On peut même imaginer une figure stable dans le temps tant que ses pouvoirs sont limités. Par exemple, le Royaume-Uni est un pays bien plus démocratique que la France et pourtant il y a un roi ou une reine qui assure ces fonctions.
Principe #6 : les médias sont autonomes
Les médias jouent un rôle si important dans la fabrique de l’opinion, qu’on ne peut pas accepter qu’ils dépendent d’enjeux autres que leur propre continuation. Que ce soit la dépendance à l’état ou à des intérêts économiques.
En d’autres termes : les médias doivent se financer grâce à leur audience ou une subvention qui n’est pas soumise à négociation. Afin d’éviter la situation de TF1 qui est possédée par le groupe industriel Bouygues.
Ou pire encore, la situation de Cnews.
Du coup, une démocratie ressemblerait à quoi ?
Ceci étant dit, passons à une rapide esquisse de ce qu’on peut imaginer comme démocratie.
Je me suis très fortement inspiré du système athénien en essayant de l’adapter à ce qu’on a découvert, depuis.
L’assemblée populaire
Petit détail : on l’appelle assemblée populaire plutôt que nationale pour retrouver le sens originel du mot. En effet, de la même manière que nous n’utilisons plus le mot démocratie comme avant, il en va de même pour la Nation. Quand on a appelé ça l’assemblée nationale on ne voulait pas dire l’assemblée française comme le suggère notre utilisation moderne du mot. Non, à l’époque, la Nation c’était le concept qui s’opposait aux castes. La Nation c’était le peuple souverain.
On a donc une assemblée de 1 000 personnes tirées au sort avec la même méthode que celle des sondages (méthodes des quotas). Pourquoi 1 000 ? Parce que ça rend plus facile de compter les pourcentages et que ça permet d’utiliser un échantillon de la taille de ceux qu’on utilise pour les sondages. En dessous, c’est plus dur de s’assurer de la bonne représentativité.
Toute personne de plus de 15 ans peut être tirée au sort.
Pourquoi 15 ans ? On peut en débattre mais je me dis que si on considère qu’une personne est assez grande pour décider si elle va s’engager dans un rapport sexuel, elle est assez grande pour délibérer. Or, la majorité sexuelle est de 15 ans au moment où j’écris.
Le mandat est de deux ans, indemnisés à hauteur du salaire qu’on gagnait, voire un peu plus pour que ça soit incitatif.
Comme pour le juré d’assise, on peut refuser le mandat. On tire alors une autre personne au sort.
L’assemblée populaire a pour tâche de proposer, délibérer et voter les lois.
Le forum populaire
On reprend le concept du Sénat et on en fait une chambre qui permet aux personnes non tirées au sort de venir quand même participer.
On aura donc ce forum populaire qui sera accessible soit physiquement là où il y a actuellement les conseils municipaux, soit en ligne. Soit les deux à la fois.
L’idée c’est que cette chambre vient donner son avis sur les propositions de loi de l’assemblée populaire. Elle peut retoquer, une fois, la proposition. Mais ensuite, c’est l’assemblée qui a le dernier mot. Exactement comme le Sénat d’aujourd’hui.
Elle peut également imposer qu’on examine une idée de loi si un nombre suffisant (à déterminer) de personnes le souhaitent. Afin que la société civile puisse peser.
Enfin, elle peut dissoudre l’assemblée populaire au milieu du mandat (donc une fois tous les deux ans).
Le conseil exécutif
On a un Premier Ministre qui est élu parmi les membres de l’assemblée populaire. Il a pour tâche de nommer des ministres sur chaque sujet, qui veilleront à l’application des lois.
Ils sont évidemment épaulés, comme aujourd’hui, par une administration qui est stable et qui a l’expérience nécessaire pour les former.
Une figure symbolique ?
J’hésite à introduire, comme au Royaume-uni une personne beaucoup plus stable que les autres qui aurait au moins 7 ans de mandat. Avec le même rôle que la reine d’Angleterre actuelle : se porter garante des institutions et représenter la France.
Les médias
On l’a dit, tous les médias sont désormais autonomes.
Les tribunaux populaire
Il s’agit des structures qui vont vérifier que les députés populaires n’ont pas fraudé pendant leur mandat. Par exemple en faisant passer des lois qui favorisent une entreprise qu’ils possèdent.
À la fin du mandat de deux ans, toutes les personnes députées passent donc devant un tribunal. C’est normalement une formalité, l’idée n’est pas de sanctionner quelqu’un qui ce serait trompé.
La police populaire
On rétablit le concept de la Garde Nationale : une force armée composée de citoyen·ne·s.
Pareil : on les tire au sort. On les forme.
Sachant qu’il existe toujours une police nationale professionnelle.
Le système est perfectible
Bien entendu, ce régime est perfectible. J’ai essayé de faire quelque chose qui me semblait réaliste et qui s’inspirait de choses qu’on connaissait déjà.
L’idée ce n’est pas que tu y adhères complètement mais plutôt que tu proposes ton propre système, que tu fasses l’exercice de te demander ce que tu aimerais comme régime.
On prend trop souvent le régime actuel comme une donnée inamovible qu’on ne remet pas en question.
J'adhère sur l'essentiel mais on peut prévoir que les lobbies vont s'en donner à coeur joie pour pousser tous ces députés sans expérience dans le sens qui les arrangent. Des novices face aux pros. Dans les juris populaires le procès suit une chorégraphie extrêmement encadrés+ éthique professionnelle pour éviter ça.
(Et pas de démocratie sans lobby, la CGT et Greenpeace c'est aussi des lobbies)
C'est pas spécifique à ta proposition. On vient de sortir de 5 ans de députés novice de LREM qui dominent l'assemblée et les lobbies s'en sont donné à coeur joie.
Pour la figure symphonique, c'est à la fois nécessaire (qui va signer les traités internationaux s'il n'y y a pas de chef d'État ?) et pas du tout problématique : pas besoin d'une reine, on élit au suffrage indirect une personnalité respectable comme président (!= chancelier) comme en Allemagne