Cette sensation de revenir t’écrire est incroyable. J’oublie à chaque fois comment j’aime ça. Même si c’était aussi pas mal de passer deux mois sans cette obligation quotidienne de performance.
Mais y’a un truc encore plus incroyable : je n’ai pas fait de dépression cet été.
Ça fait des années que je suis systématiquement en dépression (ou en très mauvais état) tous les 6 mois : en juillet et en décembre.
Alors quand le premier août est arrivé et que je n’étais pas en dépression j’ai ressenti une sensation impossible à décrire. J’étais sur les quais de Seine, les mêmes qui ont été le décor de ma dépression de l’an dernier et j’ai eu envie d’aller allumer un cierge.
Ce n’est ni une blague, ni une exagération, j’ai vraiment cherché les horaires d’ouverture de Notre Dame de Paris qui était pas loin. Elle avait fermé à 22 heures donc c’était trop tard.
C’est un peu bizarre comme impulsion parce que je ne suis pas croyant. Mais la gratitude que je ressentais avait besoin de s’exprimer auprès de quelque “chose”. Alors à la place j’ai tweeté dans le vide, juste après minuit. Pour marquer le coup et m’en rappeler..
Y’a eu des jours de mou
Je ne te dis pas que j’ai été en bon état mental tout l’été. Cet été j’ai passé des heures par terre, des heures enfermés dans moi-même… j’ai été à genoux sur le sol brûlant de Marseille en pleine canicule en me demandant si j’allais me relever un jour.
La réponse est oui, on a beau dire que la douleur mentale déclenche les mêmes zones que la douleur physique…même mal je vais fuir la brûlure donc j’ai fini par me relever parce que juste ça brûle.
Mais… tout ça c’est à des années-lumières de la dépression. C’est dur d’expliquer à quelqu’un qui ne l’a jamais vécu ce qu’est l’horreur de la dépression.
Vraiment ce que je viens de lister c’est dérisoire comparé à une dépression. Même si c’est lié : la raison pour laquelle je ressens de la douleur psychique au mois de juillet est la même que celle qui me plonge en dépression. Mais on y reviendra.
C’est long, un été sans dépression !
Paradoxalement, quand je suis dans la dépression c’est très long, le temps passe plus lentement que jamais. Mais comme je perds également la mémoire de quasiment tout… ça passe en un éclair.
Les vacances commencent, je suis grave enthousiaste, presque naïf. Je fais plein de plans. Puis souvent juste avant ou juste après mon anniversaire mon état mental se dégrade brutalement, je plonge dans l’obscurité… et… BIM ON EST FIN AOUT ET FAUT SE REVEILLER POUR LA RENTREE.
À ce moment un truc en moi me sort de cet état pour pouvoir être fonctionnel pour mon job.
Du coup… oui long pendant mais je m’en rappelle comme d’un truc très court.
Là c’est l’inverse, les vacances sont passées vite, y’a tellement de choses que je voulais faire et que j’ai pas eu le temps de caser. Mais quand je m’en rappelle, je m’en rappelle comme d’un truc très long.
C’est aussi la première fois que j’ai dormi à des heures “normales” en été
Habituellement, vu que je n’ai plus d’incitation à me lever le matin, je me couche vers 4h et je me réveille après midi.
Ça pourrait être totalement ok si j’étais une personne du soir. Mais ce n’est pas le cas. J’ai toujours dit que j’étais une personne du matin qui détestait se lever le matin.
Si je suis libre, je me couche à 4 heures du matin mais les journées où je ressens le plus de bonheur et d’énergie c’est quand je me lève avant 09 heures. Et, plus je me lève tard, moins je me sens bien.
Alors cette année j’ai décidé de me faire violence. Résultat : j’ai dû me coucher 3 ou 4 fois après 2 heures du matin cette année dont 1 fois après 3 heures.
Pour y arriver je me suis aidé de mélatonine que je prenais quand le sommeil ne venait pas. Mais surtout c’est grâce à un travail en psychothérapie où j’ai conscientisé à quel point me coucher tard dégradait la qualité de ma vie que j’ai obtenu la motivation de me faire violence.
La règle de marcher tous les jours
Toujours pendant cette psychothérapie, j’ai compris à quel point je détestais transitionner (donc passer de chez moi à dehors) mais à quel point je me sentais mieux quand je marchais au moins une heure par jour.
Un peu le même mécanisme que le sommeil : je suis un marcheur qui n’aime pas le premier pas mais qui adore tous les autres.
C’est savoir que je suis autiste qui m’a permis ça
Dans mon tweet du premier août t’as dû remarquer que je finis en disant "la solution était évidente”.
Et bien la voici :
À force d’essayer de vivre comme une personne alliste (non-autiste) je me suis abîmé. Mais le truc c’est que…
…je savais pas ce que c’était être autiste.
Y’a un passage du livre Unmasked qui m’avait mis un coup de poing à l’estomac :
Des recherches récentes ont montré que le camouflage (le fait de masquer son autisme, on dit aussi masking) constitue un facteur prédictif majeur des comportements suicidaires chez les autistes. Lorsque l’on se sent suffisamment en sécurité et en confiance pour le faire, ôter le masque peut considérablement réduire les risques de difficultés psychiques et, espérons-le, ouvrir la voie à un mieux-être durable.
J’ai récemment lu un passage de la Dr Hannah Louise Belcher, dans son livre Taking Off the Mask, qui illustre cette réalité avec une justesse bouleversante. Je l’avoue sans gêne : ses mots m’ont fait pleurer de joie, car ils m’ont redonné l’espoir que les choses ne pourraient que continuer à s’améliorer.
Elle raconte qu’au fil du temps, grâce à la thérapie et à la reconnexion avec son identité autistique, les crises de santé mentales qui avaient rythmé sa vie se sont espacées et sont devenues de moins en moins fréquentes. Comme moi, elle traversait auparavant une phase d’épuisement et de mauvaise santé mentale tous les six mois, comme réglée par une horloge. Désormais, cela ne lui arrive tout au plus qu’une fois tous les deux ans.
Elle décrit le masquage comme une vie vécue dans un seau rempli à ras bord de stress. En apprenant à s’autoriser à dé-masquer, elle a réussi à libérer de l’espace dans ce seau, à respirer à nouveau.
En la lisant, j’ai compris que je faisais exactement la même chose — et j’attends avec impatience de pouvoir, moi aussi, vider un peu plus mon seau au fil du temps.
Relire ces lignes me fait un frisson. Moi aussi j’avais ressenti énormément d’espoir. Déjà parce que, pour le coup, moi ça fait deux personnes qui vivent pareil ce truc de la dépression tous les six mois (puisque l’autrice se reconnaît elle aussi dans le récit d’Hannah Louise Belcher).
C’était la première fois que je voyais quelqu’un qui n’était pas bipolaire dire je fais des dépressions tous les six mois, comme si c’était réglé sur une horloge.
Et encore… même les personnes bipolaires racontent rarement un phénomène à ce point réglé comme une horloge.
Il est encore un peu tôt pour le dire mais c’est exactement en suivant cette technique d’unmasking que j’ai enfin conjuré le cycle de la dépression. Je dis que c’est encore tôt car j’ai sauté que deux dépressions (décembre 2024 et juillet 2025), on verra ce que donnent ce mois de décembre et le prochain mois de juillet. Mais déjà si j’arrive à passer à une dépression tous les ans et demi au lieu de tous les six mois c’est une amélioration incroyable de ma vie.