Mon logiciel anti-suicide
Quand je commence à atteindre le stade sévère de dépression, j’ai systématiquement des pensées suicidaires. C’est même comme ça que je sais avec certitude que je suis en dépression.
Mes premières remontent assez tôt dans l’enfance. Même si, à l’époque ce n’était pas lié à la dépression mais plutôt au fait de me faire frapper par mes parents. Cette sensation horrible d’être pris au piège dans un endroit dont on dépend pour sa survie alors qu’on donnerait tout pour le quitter.
Du coup, je ne me rappelle pas distinctement du jour où j’ai installé mon “logiciel” anti-suicide.
Mais, en gros, c’est une forme de paroles qui vont venir automatiquement contrebalancer la pensée suicidaire.
Ça ressemble à ça :
Mais non, mais rappelle-toi qu’à chaque fois qu’on a pensé au suicide on a été content de pas l’avoir fait… en plus de toute façon on va bien mourir un jour donc pourquoi maintenant ? On peut attendre. Ça va s’améliorer, ça s’est TOUJOURS amélioré. On est jamais resté indéfiniment dans la nuit, le jour revient toujours. Donc notre mission c’est d’attendre que ça passe et de ne pas se mettre en danger.
Un peu une variation de ce que l’artiste Coco Capitan exprime ici :
S’il faut… je concentre toute mon énergie mentale pour m’éloigner physiquement de la chose dangereuse : par exemple descendre de vélo.
Je ne sais pas si c’est réplicable
J’en ai parlé à très peu de gens. Non pas parce que c’est un sujet délicat pour moi (j’en parle relativement ouvertement, j’ai déjà dit à mes collègues la phrase là j’ai envie de me suicider en ce moment). Mais plutôt que je vois mal l’intérêt de partager un truc qui me semble si propre à moi.
D’ailleurs, la plupart des fois où j’en ai parlé c’était pour dire à un proche ne t’en fais pas trop, j’ai mon logiciel antisuicide.
Mais bon… vu que cette semaine le thème c’est mes stratégies antidépression, j’étais obligé de t’en parler.
Car c’est le dispositif le plus important.
La puissance des pensées suicidaire
Ce logiciel fonctionne tant que je reste à une intensité modérée de pensées.
Voici une échelle qu’on m’avait partagée, qui n’a rien de scientifique mais qui permet de communiquer :
Je vais bien
Les mauvais moments sont derrière moi dans l'ensemble
Ce n'est pas le meilleur jour de ma vie mais je ne pense pas réellement au suicide
Je ne pense au suicide que dans les moments de stress, de fatigue ou de grosse douleur
Les idées suicidaires et les pensées intrusives sont fréquentes mais des choses me retiennent. Je suis passivement suicidaire
Je pense beaucoup au suicide mais je peux me distraire avec de gros efforts. Je vais sûrement prendre plus de risques que d'habitude et faire plus de choses mauvaises pour la santé
Je ne peux pas m'arrêter de penser au suicide et je n'arrive plus à me distraire
Je ne lutte plus contre ces pensées, je ne dois pas rester seul·e
Je prépare activement un plan pour me tuer et je prends mes dispositions
Je suis activement en train d'essayer de me tuer, sans aide médicale il est très probable que je meure
Je crois n’avoir jamais atteint 7. Et je suis sûr d’avoir été à 6 voire un peu plus. Donc disons que j’ai été à 6,5 maximum.
Et bien le logiciel est très efficace pour me maintenir au niveau 5.
Le logiciel anti pensées autodévalorisante
J’ai une variante qui me répète des choses pour bloquer l’autodévalorisation. Par exemple :
La flamme reviendra et on retrouvera l’amour de soi. Pour l’instant ce qu’on se dit sur nous-même est faux, c’est de l’autodévalorisation, c’est juste parce qu’on est en dépression.
L’importance de l’autodiagnostic
Comme tu le vois, pour déclencher ces logiciels j’ai besoin de comprendre que je passe par cette phase.
Plus je m’attends à avoir des pensées suicidaires ou dévalorisante, plus je trouve le logiciel rapidement dans mon esprit.
Le plus dur c’est les premières, quand elles me surprennent parce que je ne m’étais pas rendu compte que j’étais en train d’entrer dans une dépression.
Mes méthodes pour enrayer la dépression
On en parle demain mais posons d’ores et déjà le paradoxe : un des symptômes de la dépression c’est de ne plus avoir envie de faire les choses qui permettent de la tempérer ou d’en sortir.
C’est pour ça que c’est extrêmement traître. On peut se faire aspirer dans un cercle vicieux.
J’insiste parce que demain je vais partager des stratégies (dont une bonne partie sont globalement universelle) mais que je ne veux pas que ça fasse culpabiliser.
La dépression c’est un peu comme se balader avec un sac de 30 kilos en permanence. Tout devient plus dur : marcher, se doucher, se déplacer, etc.
Alors la dernière chose dont on a besoin c’est d’en plus culpabiliser sur la dépression.
Ce n’est pas de ta faute. Tu as le droit de faire une dépression même si tout va bien dans ta vie. Tu as le droit de faire une dépression même si des gens ont besoin de toi. Tu as le droit de faire une dépression. Tout court.
Comme tu as le droit d’avoir la grippe et de devoir t’en remettre.