La langue est un champ de bataille.
Parfois on se dit “c’est pas bien grave si j’accepte d’utiliser le mot de l’autre”.
Faux.
Les mots qu’on utilise nous permettent de penser la réalité.
Il y a des mots de droite et des mots de gauche
Elle permet à un pouvoir d’aseptiser la violence en adoucissant les mots.
Avant, les gens de gauche disaient “un exploité” pour parler d’un pauvre. Désormais on dit “un défavorisé”.
La différence est monstrueuse.
En effet, le terme “exploité” sous-entend l’existence d’un exploiteur. C’est un mot qui donne envie de faire la révolution.
Alors que le terme “défavorisé” sous-entend que c’est la faute à pas de chance. C’est un mot de droite.
Avant on disait “un clochard”. Ça sous-tendait toute une réalité. Un clochard a plein de problèmes : la socialisation, l’hygiène, le logement, la pauvreté …
Dire “un sans domicile fixe” et même, pire : “un SDF” nous empêche d’appréhender sa réalité.
D’ailleurs, nombreuses sont les personnes qui ne comprennent pas pourquoi des SDF refusent des logements.
Tu te rends compte ? On lui a proposé un logement… il est resté deux semaines puis est retourné dans la rue. Comme quoi…certains choisissent.
Dans cette phrase, touts les mots étaient de droite ^^.
En fait…un clochard n’a pas seulement un problème de logement.
Le choix de mots manipulent le débat
Voilà pourquoi il est important de choisir les mots. Il ne faut jamais se laisser imposer les mots par le camp adverse.
Si jamais je demande à quelqu’un est-ce qu’il est pour ou contre les contributions patronales à la solidarité nationale… c’est pas pareil que :
Est-ce qu’il est pour ou contre les charges sociales qui pèsent sur les entreprises.
Pourtant on parle de la même chose.
De même…un “plan de sauvegarde de l’emploi” n’a pas la même réception qu’un “licenciement collectif”. Là encore c’est la même chose.
Où j’ai volé ça ?
Dans une conférence de Frank Lepage. Mais ça fait deux heures et je ne sais plus où c’est précisément. Alors voici une vidéo de lui, qui reprend le concept de langue de bois :
Les 2 pires pour moi: racisme anti-blanc (on croit rêver: combine de présidents non blancs depuis 1870?) ou bashing (on est pas censé être un pays francophone ?)
Tu as le chercheur en sciences politiques Philippe Zittoun qui explique bien ça aussi dans ses travaux. Les mots ont un poids important dans les définitions des politiques publiques : les sdf ne sont pas les sans abris, ni les mal logés. Tu changes le terme employé et le ministère responsable et la ligne de budget change.
Son livre, qui synthétise une partie de ses recherches, "La fabrique politique des politiques publiques" est assez passionnant je trouve.