Voici la dernière semaine de la trêve estivale. Je ne sais pas encore ce que je vais te proposer comme best of.
Mais commençons avec un article personnel qui va un peu résumer ce qu’on a vu la semaine dernière. Explications.
Il y a quelques années j’ai eu la responsabilité de créer une école. J’avais quasiment quartiers libres.
Mes seules contraintes :
C’était une école pour former des gens au métier du recrutement
C’était en alternance donc pas plus de 25% du temps de l’année doit se faire en classe (concrètement ça voulait dire une semaine sur 4).
Une semaine doit faire 35 heures au maximum et il doit y avoir 12 semaines
C’était une aventure incroyable. J’ai passé des mois à réfléchir et à regarder ce qui se faisait dans le système éducatif pour décider de ce que j’allais proposer.
Et j’ai commencé par établir les 12 grandes lois de mon école. Bien sûr, elles vont reprendre en grande parties mes 21 théories de la pédagogies que je t’ai partagées.
Sauf que c’est une version plus courte et avec quelques principes propres à une école.
Pour le coup c’est un document totalement inédit pour toi (sauf si tu es un·e de mes collègues de L’école du recrutement ou un·e ancien·ne élève) puisque je ne l’ai jamais mis sur le web.
Le voici :
Les 12 commandements de notre pédagogie @L’école Du Recrutement
#1 | L’enseignement est un divertissement
La vie est trop courte pour s’ennuyer. L’ennemi principal de tout enseignement est l’ennui. Il est le plus grand inhibiteur d’apprentissage. Si les étudiants passent un bon moment on a déjà fait 80% du chemin.
#2 | On n’enseigne pas un métier
L’éducation ne sert pas à former à un métier. Sinon personne ne ferait plus d’études supérieures en philosophie. L’éducation sert à donner un socle de connaissances et de réflexes intellectuels. Alors, oui, il se trouve que l’on va appliquer tout ceci au recrutement. On veut créer des têtes bien faites. J’ai fait un master d’ingénierie d’affaires. Je ne suis pas devenu ingénieur d’affaires mais cet enseignement a encore aujourd’hui des répercussions observables sur ma manière de penser.
#3 | L’éducation doit émanciper et non embrigader
L’éducation ne doit pas enfermer dans un carcan. Au contraire, elle doit être la clé pour penser par soi-même. Une bonne école accouche du fondateur de l’école qui l’améliorera, voire même la contredira. Ainsi, Socrate a accouché de Platon qui a accouché d’Aristote. Freud a accouché de Lacan.
Voilà pourquoi notre école doit être la plus démocratique possible. La démocratie c’est quand tout le monde peut prendre la parole et participer aux décisions.
#4 | Le professeur est un humain comme les autres. Il est l’égal des étudiants.
De l’idée démocratique découle automatiquement l’idée d’un professeur à l’égal des étudiants. Il n’a rien de plus que les étudiants si ce n’est la position. Il n’est pas là pour faire régner une autorité. En revanche il est le garant de l’ordre. Il protège la parole de chacun ainsi que l’écoute de chacun. Personne ne le vouvoie, jamais. Il ne vouvoie pas non plus, jamais. Il peut se tromper et il le reconnaît quand ça arrive. Sa parole n’est pas infaillible, tout ce qu’il dit est questionnable.
En contre-partie, on accepte aussi qu’il puisse être fatigué comme tous les humains ou alors qu’il ne soit pas capable de structurer son enseignement quand tout le monde parle en même temps que lui.
#5 | Un élève qui n’a pas soif d’apprendre, n’apprendra jamais
Tant que cette soif ne naît pas, tout le reste est inutile. Si quelqu’un n’a pas la soif d’apprendre, il n’apprendra pas. Nous ne savons pas si on peut créer la soif à partir de rien. Certes, on peut la révéler à partir de rien. Mais si quelqu’un ne veut vraiment pas apprendre, il n’apprendra pas. Peu importe le talent de l’enseignant.
#6 | Plus un savoir est ancien, plus il est intéressant. Plus un savoir est nouveau, plus il faut s’en méfier
Nous nous foutons des modes. Elles se démoderont. Nous croyons qu’il n’y a pas d’ancienne et de nouvelle école, il y a une mauvaise et une bonne école. Or, les savoirs qui ont passé l’épreuve du temps ont de grandes chances d’être les plus pertinents. Le théorème de Pythagore a commencé à apparaître 1800 ans avant Jésus-Christ. Il a plus de chance de continuer à être enseigné dans 3000 ans que les opérateurs booléens.
L’attraction pour la nouveauté est malsaine. La nouveauté n’est jamais un argument en soi. Ce qui ne veut pas dire que la nouveauté est mauvaise en soi. Mais il y a de la sagesse disponible plus facilement dans ce qui est classique (et non pas traditionnel). Exemple simple : la théorie du marketing est beaucoup plus mûre que celle de l’écriture des annonces. On peut donc s’en inspirer fortement pour construire celle de l’écriture des annonces.
#7 | +=-
Pour assimiler entièrement un savoir il faut un professeur (le +). Cette personne est plus avancée que nous dans la réflexion et nous guide pour aller plus vite, éviter les erreurs les plus communes, etc.
Il faut ensuite un binôme/camarade/pair (le =). Cette personne est au même niveau que nous. Elle traverse les mêmes problématiques que nous et peut parfois expliquer plus efficacement ce que le + n’arrive plus à formuler.
Il faut enfin un élève/disciple (le -). On ne connaît vraiment que ce qu’on sait enseigner. Par exemple, vous avez l’impression de savoir comment fonctionne un vélo ? Pourriez-vous m’expliquer rapidement le mécanisme ? Enseigner oblige à structure sa pensée à un point où la compréhension devient totale.
#8 | La théorie doit être contre-intuitive ou ne pas être
On ne peut pas apprendre sur Google sans aide initiale. Pour apprendre tout le monde a besoin d’un minimum de théorie. La théorie est, par définition, contre-intuitive. Elle permet de faire des bonds de géants. Sans la théorie, la plupart des humains continueraient à penser que la Terre est plate.
La théorie doit donc être la partie contre-intuitive qui permet de catalyser la pensée à un niveau supérieur. Par définition, ce qui est intuitif n’a pas besoin d'être enseigné. Pour autant, il est stupide de prendre quelque chose d’intuitif et de prétendre que tout peut s’apprendre sans théorie. Effectivement, les enfants apprennent intuitivement à marcher et à parler. En revanche, ils n’apprennent pas intuitivement l’orthographe. Ils ont besoin d’une théorie.
#9 | L’enseignement doit continuellement se réinventer
Se réinventer ce n’est pas succomber à la mode. On l’a déjà dit. Il s’agit donc d’améliorer en permanence ce que l’on propose, grâce notamment aux retours des étudiants. L’excellence est dans l’amélioration permanente. Par conséquent, il faut investir du temps dans l’écoute des retours. Par conséquent, il est interdit au professeur de revenir avec la leçon de l’année dernière sans changer au moins une virgule avant.
#10 | Pour devenir recruteur il suffit de devenir recruteur
Si l’on met de côté la théorie du recrutement (qui n’est donc pas intuitive), le recruteur devient recruteur au moment même où il se dit qu’il le devient. Il suffit de se croire, de se vouloir, de se penser recruteur pour être recruteur. L’incarnation avant tout. Tout le reste découle de là. La plupart des personnes qui font mal le métier n’ont en fait pas envie de le faire. Là où il y a une volonté il y a un chemin. Le jour où on devient recruteur, le chemin devient simple. Il ne devient pas facile, mais il devient simple.
Le professionnel est celui qui arrête de se demander “comment” en permanence et qui commence à faire les choses.
#11 | Les étudiants sont des humains comme les autres. Ils participent à la gestion de la vie de l’école.
L’idée démocratique nous tient à coeur : il faut donc que l’école soit au service des étudiants. Mais surtout il faut que les étudiants puissent participer aux prises de décision. Certaines écoles le font avec des enfants de 8 ans. Il n’y a donc aucune raison qu’on ne puisse pas le faire avec de jeunes adultes.
#12 | La biologie existe. La fatigue existe, la colère existe, la tristesse existe, la faim existe. Et ça a un impact sur l’apprentissage.
Que ce soit pour le professeur ou les étudiants, il faut arrêter de nier l’existence des corps. Nous ne sommes pas de purs esprits. Plein de facteurs peuvent intervenir sur la condition physique. On ne peut pas les négliger. Si un élève vit un drame familial, son attention en classe ne sera pas la même. De la même manière, au bout de plusieurs heures de cours, l’attention commence à chuter drastiquement.
La réflexion pédagogique doit donc intégrer les dimensions biologiques de la condition physique, les émotions, la fatigue, etc.
Ça donne envie d'étudier à l'école du recrutement ahah