J’ai découvert ce livre parce que j’essayais d’élucider la question la plus cruciale de la philosophie/développement personnel : celle du bonheur.
J’avais la très forte sensation que nos intuitions sur le sujet étaient mauvaises. Notamment le truc que tout le monde dit : la différence entre les attentes et la réalité.
J’ai donc cherché quelqu’un qui en parlait en s’appuyant sur des données scientifiques. En effet, on a vite fait de dire n’importe quoi en se reposant sur sa propre expérience. C’est là que j’ai découvert Stumbling on Happiness de Dan Gilbert. J’ai pris une claque.
Idée-phare
On surestime notre capacité à planifier et ça nous rend malheureux. Idem pour notre capacité à nous souvenir. L’imagination et la mémoire sont deux mécanismes très imparfaits qui se font passer pour parfait.
Par exemple, quand on vient de finir une cigarette on est convaincu qu’on peut arrêter le tabac. Parce qu’on se projette mal dans l’état de manque. Mais pas que. C’est aussi parce que nous ne sommes pas capables de voir que nous ne savons pas nous projeter fidèlement.
Il en va de même avec la mémoire : nous sommes trop optimistes face à sa fiabilité.
De manière générale, nous savons mal ce qui nous rend heureux et ça nous pousse à de mauvais choix.
Pourquoi j’aime tant ce livre ?
Dan Gilbert est une aubaine pour moi. Car il est ce que j’appelle un scientifique-vulgarisateur. Le genre de personnes qui mène des recherches et sait lire les recherches de ses confrères. Puis qui les simplifie dans des livres et des conférences.
Quand on est, comme moi, un vulgarisateur, ce genre de personne est un raccourci incroyable. Je n’ai pas besoin d’aller déchiffrer les études : quelqu’un le fait pour moi dans un langage accessible.
Et puis, le sujet est passionnant. Les expériences menées sont dingues, notamment sur les personnes qui naissent avec un frère siamois.
Il commence par là parce qu’il explique que le fait de naître avec un frère siamois est universellement vu comme une des pires sources de malheur possible. Sauf par les concernés eux-mêmes ! C’est ainsi que commence l’enquête. Qui se trompe ? Est-ce que ce sont les siamois qui, n’ayant jamais vécu autrement, croient qu’ils sont heureux mais en fait non ? Pour y répondre il faut trouver un moyen de mesurer de manière fiable et non relative le niveau de bonheur. Il y arrive et conclut qu’effectivement les frères siamois ont raison : ils sont bel et bien aussi heureux que les autres.
Mais alors pourquoi on se trompe à ce point ? Pourquoi nous sommes si unanimes à imaginer que ce serait une expérience très malheureuse ?
Quelle influence sur ma pensée ?
J’ai eu de vraies révélations. Notamment sur le fait de comprendre qu’énormément de gens vivaient dans le futur. J’ai découvert que j’étais la minorité. En moyenne, on passe une heure sur huit à penser au futur. Ce n’est pas mon cas.
Or, la planification a un effet secondaire : l’angoisse. L’angoisse est ce qui arrive quand on pense au futur et qu’on y voit un dénouement négatif.
Voilà pourquoi penser au présent nous permet d’être plus heureux.
L’autre énorme influence : j’ai enfin compris pourquoi on disait qu’il valait mieux avoir des remords que des regrets alors que c’est totalement illogique.
3 choses à emporter
#1 | Le cerveau adore le contrôle. Au point qu’il préfère prétendre qu’il contrôle l’incontrôlable.
On croit qu’on va mieux réussir aux dés si on les lance nous-mêmes. Cette obsession pour le contrôle nous pousse à faire des choses qui porte atteinte à notre bonheur. Par exemple on préfère aller ver un malheur certain qu’un bonheur incertain.
#2 | L’imagination et la mémoire sont très imparfaites mais nous le cachent.
Le cerveau a un principe de réalité qui nous interdit de totalement supprimer ce qui est devant nous. Si jamais tu essaies d’imaginer un pingouin pendant que tu regardes une autruche, tu n’y arriveras pas. En tout cas pas sans fermer les yeux.
Car le cerveau refuse cette requête. Ça nous permet de ne pas nous tuer. En effet, imagine si on pouvait voir quelque chose d’autre que ce qui est devant nous, au point de tomber dans une crevasse ou de ne pas éviter un danger qui nous fonce dessus…
Le cerveau fait pareil en ce qui concerne nos émotions. Si nous sommes tristes, il va nous interdire d’imaginer une situation heureuse. Sauf que, manque de pot… dans ce cas ce phénomène est inconscient. Contrairement au système sensoriel qui nous alerte que le cerveau a refusé d’imaginer un pingouin, le système émotionnel ne nous dit pas qu’il est intervenu.
Voilà pourquoi quelqu’un de déprimé va sincèrement dire qu’il ne sera plus jamais heureux. Il le pense vraiment. Simplement il ne réalise pas que sa capacité d’imagination est amputée.
Alors que si la personne avait essayé d’imaginer un pingouin les yeux ouverts elle aurait parfaitement conscience que son échec à imaginer un pingouin ne veut pas dire que c’est impossible.
Dans la même idée, regarder dans le temps c’est comme regarder dans l’espace : plus c’est loin et plus c’est flou. Sauf que notre cerveau refuse totalement ce concept quand il regarde dans le temps. Il n’accepte pas que l’imagination ou le souvenir contienne du flou. Il croit dur comme faire qu’il a fait une projection précise.
Voilà pourquoi si je te demande d’imaginer une voiture tu vas croire que tu l’as fait de manière complète. Mais si je te demande de me donner les numéros de la plaque d’immatriculation, tu vas soudainement bégayer. Alors que la voiture imaginée te semblait complète !
Voilà pourquoi on surestime comment on va se sentir dans le futur proche et on sous-estime comment on va se sentir dans le futur lointain. Parce que notre imagination ou notre souvenir est comme regarder loin devant ou derrière tout en refusant le flou de l’image en conséquence. Notre cerveau se comporte comme si c’était une projection précise et sans faille.
Par exemple, la plupart des gens préfèrent avoir 19 euros immédiatement plutôt que 20 euros demain. En revanche, la majorité préfèrent avoir 20 euros dans 365 jours plutôt que 19 euros dans 364 jours.
Pourtant…dans 364 jours on sera exactement dans la même situation : 19€ maintenant ou 20€ demain. Et…on regrettera cette décision.
De même, quand on demande aux gens s’ils préfèrent avoir les réponses à un quiz qu’ils vont passer ou bien une barre de chocolat, la majorité répondent la barre de chocolat. Mais une fois qu’ils ont passé le quiz et qu’on leur donne leur barre de chocolat, ils disent que finalement ils auraient préféré les réponses au quiz.
Encore une fois, il est dur de se projeter correctement dans un état émotionnel. Tant qu’on n’est pas torturé par la curiosité c’est dur de se dire qu’on va préférer avoir des réponses plutôt que du chocolat.
#3 | Le système immunitaire psychologique
Probablement le concept qui m’a le plus marqué. Le système immunitaire psychologique nous protège de la souffrance.
C’est grâce à lui qu’on ne devient pas fou après un drame. Mais, il est inconscient.
Sauf qu’il a des conditions. Il ne se déclenche que si l’événement est suffisamment douloureux. Ensuite, il faut également que la situation soit irréversible. Enfin, il doit pouvoir trouver une explication.
Paradoxalement, il est donc plus facile d’encaisser un truc très très mauvais qu’un truc juste mauvais.
De même, on accepte plus facilement les défauts de notre partenaire de vie que ceux d’une personne inconnue. Parce que notre cerveau sait qu’il est « bloqué » dans un cas et pas dans l’autre. Il actionne donc le système de défense psychologique.
C’est ce phénomène qui explique pourquoi les remords sont mieux gérés que les regrets. Parce que les remords sont tellement douloureux que le système les dissous. Alors que les regrets sont plutôt comme un caillou dans une chaussure. On garde l’inconfort toute sa vie.
Car, le système immunitaire psychologique ne peut se déclencher que si on fait une action. Il ne sait pas traiter l’inaction.
Quelle influence dans ma vie pratique ?
J’ai deux concepts qui me suivent au quotidien. Le premier c’est de de me rappeler que le fantasme a tendance à diminuer notre envie de faire. Il faut faire très attention car le fait de visualiser précisément ce que l’on désire nous satisfait sur le moment mais va aussi nous inciter à ne pas chercher à l’accomplir.
Le deuxième c’est la conclusion du livre : pour nous conseiller, il faut trouver quelqu’un qui vient de faire ce que l’on veut faire. C’est la seule manière de contourner ce problème d’imagination et de mémoire. Quelqu’un qui vient de faire ce qu’on cherche à accomplir pourra nous raconter comment il se sent, avant que sa mémoire ne se déforme.
Alors que quelqu’un qui ne l’a pas fait, sera aussi mauvais en projection que nous. Et quelqu’un qui l’a fait il y a plus de 6 mois, ne sera plus capable de raconter un souvenir correctement. La personne se mettra à déformer son souvenir et ne s’en rendra même pas compte.
Comment je l’ai utilisé dans mon livre
Partout ! Je l’ai mis à toutes les sauces tellement ça m’a marqué. Et encore, il y a plein de trucs que je n’ai pas eu le temps d’aborder ici. En vrac :
Le cerveau est plus sensible à la variation qu’au stimuli (pour ça qu’on peut s’endormir devant la télé).
Le cerveau a très peur des choses inexpliquées et donc imprévisibles
Le fait de garder toutes les options ouvertes est une grande source de douleur psychique
On se pense rarement supérieur·e, mais on se pense quasiment toujours unique.
Parce que si vous êtes comme la plupart des gens, alors comme la plupart des gens, vous ne savez pas que vous êtes comme la plupart des gens. La science nous a donné beaucoup de faits sur la personne moyenne, et l'un des plus fiables de ces faits est que la personne moyenne ne se considère pas comme moyenne.
Quatre-vingt-dix pour cent des automobilistes se considèrent comme des conducteurs plus prudents que la moyenne et 94 % des professeurs d’université se considèrent comme des enseignants meilleurs que la moyenne. Ironiquement, le biais de nous considérer comme meilleurs que la moyenne nous amène également à nous considérer comme moins biaisés que la moyenne.
Bref… c’est, je pense, l’oeuvre qui a le plus transpiré dans mon livre. Je me suis servi d’énormément de concepts. Et, si tu veux voir comment… c’est par ici :
https://www.amazon.fr/dp/B09KHJ8W48/
Hier, je t’ai également partagé le premier chapitre (accessible gratuitement) mais il y avait un problème dans le lien qui ne fonctionnait pas chez tout le monde. En voici un nouveau qui devrait fonctionner : https://bit.ly/3CFyrEz
Je suis en pleine lecture de ton livre (je kiffe) et effectivement cet email me rappelait quelque chose (que j'avais kiffé)... je suis d'accord avec toi, c'est hyper puissant ! (Et kiffant 😊)