Élire un président au suffrage universel direct est une aberration. Car ça donne à une seule personne une puissance démentielle. En 1848 on crée la deuxième République. Un des débats c’était la désignation du président. Les partisans de l’élection au suffrage universel ont gagné.
Voilà ce que disait Félix Pyat, un féroce opposant à ce système :
« En effet, un roi, un roi constitutionnel était un pouvoir subi, accepté, si vous voulez, mais ni conféré, ni consenti par tous, par conséquent plus ou moins reconnu, plus ou moins discuté, plus ou moins faible. Un président, au contraire, un président nommé, comme le veut le projet de constitution, par la majorité absolue des suffrages du peuple, aura une force immense et presque irrésistible. Une telle élection est un sacre bien autrement divin que l’huile de Reims et le sang de saint Louis. »
On le voit d’ailleurs avec Macron qui justifie toutes ses dérives par les gens m’ont élu et même réélu.
Ça ne peut que monter à la tête.
D’ailleurs… l’histoire a donné raison à Félix Pyat puisque le premier président à avoir été élu ainsi a été Louis-Napoléon Bonaparte. La suite tu la connais : il se proclame empereur moins de 4 ans plus tard.
Alors pourquoi sommes nous revenus à ce système terrifiant ? De Gaulle.
À l’école je me rappelle qu’on nous disait
De Gaulle instaure la cinquième république en 1958 puis le suffrage universel en 1962.
J’avais pensé à l’époque c’est chelou… pourquoi en deux temps ?
Parce que précisément personne n’en voulait ! Napoléon III ça te paraît loin, mais à l’époque de Charles de Gaulle, c’est pas si vieux. C’est un peu comme la première guerre mondiale pour nous. C’est pas récent, mais on a connu des gens qui avaient vécu cette époque. D’ailleurs, le grand-père de Charles de Gaulle a vécu en même temps que Napoléon III.
Et donc quand je te dis que personne ne voulait réessayer la folie du président élu au suffrage universel ce n’est pas une exagération. Pour y arriver, De Gaulle va utiliser sa technique préférée profiter d’une grave crise.
Pour fonder la cinquième république il a profité d’un début de coup d’état, pour imposer le suffrage universel il va profiter d’un attentat. On manque de le tuer en août 1962. Et bah pas plus tard qu’en septembre, il propose un référendum pour instaurer le suffrage universel.
La manoeuvre est totalement illégale : on ne peut pas changer la constitution par référendum.
Surtout que, si De Gaulle veut passer par référendum c’est précisément parce qu’il sait que le Parlement est massivement opposé.
La crise est si grave que le président du sénat va appeler la démission du président De Gaulle.
Mais De Gaulle va passer en force, auréolé par la puissance du référendum gagné à 62%. Peu importe que ça soit illégal puisque le peuple l’a demandé.
Sauf que… c’est tout le souci de la technique du référendum : les gens répondent souvent plutôt en faveur ou en défaveur de la personne qui pose la question. D’ailleurs, l’ancien nom du référendum c’est le plébiscite. Ce n’est pas pour rien si le mot est resté dans le langage courant pour dire approbation massive. Alors qu’à l’origine ça veut juste dire une décision (scite) du peuple (plèbe).
Le Conseil Constitutionnel, face à ce plébiscite ne va pas oser invalider le vote.
Voilà comment aujourd’hui on se retrouve avec cette aberration du suffrage universel sur une personne.
Voilà comment aujourd’hui la présidentielle est devenue l’élection la plus importante. Car, après une telle bénédiction, les législatives vont dans le sens du président. Ce qui est fou d’ailleurs c’est que c’est uniquement un effet psychologique.
Sachant qu’un président fait généralement moins de 30% au premier tour, ses opposants pourraient très bien dire, après la présidentielle, on fait la revanche pendant les législatives. Mais, dans les faits, les électeurs qui ont perdu se démobilisent et manquent à l’appel durant les législatives qui suivent, ce qui permet au président d’avoir une majorité.
Bref… il faut abolir cette monstruosité si on veut arrêter d’avoir des monarques républicains, hyperprésidents, Jupiter, etc.
