L'escalator du couple
Je viens de commencer le livre Le coeur sur la table et je suis tombé sur un concept que j’ai eu immédiatement envie de te partager : l’escalator.
Un chemin tracé
Un escalator, par définition, est un chemin tracé sur lequel on monte sans avoir besoin de faire d’effort. Nous sommes comme happés vers le haut par une force (présentée comme étant l’amour mais qui est en réalité la pression sociale).
Dans ce narratif, une relation de couple saine nous amène de plus en plus haut. Sinon le couple a un problème.
De quoi sont composés les marches ? Probablement de ça :
Chaque étape mène à l’étape d’après et il y a un ordre.
Une vitesse déterminée
Non seulement il y a un ordre mais aussi une vitesse puisqu’on nous culpabilise de vouloir aller trop (ou pas assez) vite. Après tout, puisque l’escalator est censé carburer à l’amour… un problème de vitesse révèle un problème d’amour.
J’ai toujours trouvé ça stupide.
Dans une de mes relations, j’ai proposé d’emménager au bout de 3 semaines. Parce que j’en avais marre des allers-retours.
Mais j’ai vite compris que si j’en parlais à n’importe qui on allait me soûler. Du type :
Gna gna gna mais vous précipitez les choses…
Pareil quand on me parle de personnes qui se marient au bout de 6 mois, en me rajoutant immédiatement « tu te rends compte ? 6 mois ? » .
Et alors ?
Comme si c’était irréversible ?
Ah… mais c’est ça le problème : c’est censé être irréversible.
Un escalator ne se prend pas à contresens
On arrive à la dernière caractéristiques de l’escalator : descendre une marche est l’échec ultime.
C’est pour ça qu’on a peur de précipiter certaines étapes : parce qu’on imagine pas revenir en arrière. Alors, il est évident qu’un enfant est irréversible. Mais c’est la seule chose de la liste qui l’est vraiment.
On peut emménager ensemble puis se remettre chacun chez soi. Sans que ça veuille dire qu’on s’aime moins ou que le couple régresse.
Chaque personne a son itinéraire
Perso… l’itinéraire me semble totalement inadapté pour moi. Mais ça n’a pas toujours été le cas. nul. Au début de ma vie sentimentale j’étais parti en plein dedans. Heureusement, j’ai été réveillé en tombant amoureux d’une autre personne.
Électrochoc qui m’a fait comprendre que je n’étais pas amoureux de la personne avec qui j’étais en couple.
Je te parle de ce cas spécifique. Je ne te dis absolument pas qu’on ne peut pas aimer deux ou plusieurs personne à la fois. Ça aussi ça m’est arrivé. Mais dans ce cas précis, ce n’était pas le cas. J’étais en couple sans amour mais je ne le savais pas avant de redécouvrir l’amour.
On oublie ce léger détail dans l’escalator : ce n’est pas parce qu’on coche chaque case qu’on est amoureux !
Tomber amoureux m’a arraché violemment de l’escalator. C’était violent, c’était culpabilisant, je me disais que ma vie était finie. Qu’à 25 ans on est trop vieux pour retrouver une relation longue.
Aujourd’hui les gens de 25 ans m’ont l’air tellement jeunes que je rigole d’avoir pu penser ça. Mais je le pensais sincèrement. J’étais tombé de l’escalator : le désastre.
Au fond, je soupçonne l’escalator d’être ancré dans un héritage chrétien. Il y a donc un seul essai. Ou plutôt : plus on essaie, plus on perd en valeur.
Alors que, dans la vraie vie, ce n’est même pas un chemin. Chaque personne construit sa carte :
Où ai-je volé ça ?
Comme je te disais, j’ai trouvé ce concept dans Le coeur sur la table :
La forme que peuvent prendre nos relations affectives est donc une question éminemment politique - on y reviendra souvent dans ce livre. Mais sur un plan strictement psychologique, on peut poser ce constat: c'est trop souvent en fonction de cet escalator relationnel qu'on évalue l'importance, la profondeur ou l'intensité de nos sentiments.
Comme si on ne pouvait pas aimer très fort une personne et ne pas vouloir habiter avec elle. Ou ne pas vouloir faire d'enfants. Ou ressentir de l'amour et du désir pour d'autres personnes simultanément. Comme si ne pas suivre l'escalator était le signe d'un amour malade, incomplet, dilué ou superficiel. Le signe d'une relation"pas sérieuse"