Les traits autistiques que j'ai oubliés

Avant de commencer, petit erratum : j’ai écrit hier que y’avait des autistes non-verbaux. Or, cette formulation est débattue au sein de la communauté, et plus particulièrement par les personnes concernées. On penche de plus en plus vers “autistes non-oralisant·es” car ça permet d’éviter l’ambiguïté. En effet, verbal ça peut vouloir dire “oral” mais ça peut aussi vouloir dire “en mot”. Or les autistes non-oralisant·es comprennent les mots et peuvent souvent s’exprimer à l’écrit.

On l’a dit au début de la semaine : ce serait impossible de décrire l’intégralité de toutes les expériences autistiques. Par définition. Voilà pourquoi j’ai tenté de décrire 3 piliers plutôt que des centaines de traits.

Parce que le problème de vouloir voir des traits c’est qu’un même pilier peut contenir des traits contradictoires.

Par exemple prenons la sociabilité autistique. En résumé ça pourrait donner quelque chose je ressens ou j’ai ressenti dans mon enfance une forme de décalage avec la plupart des gens.

⚠️ C’est un résumé très grossier, je t’invite à lire l’email en entier… ⚠️

Et bien ce pilier… peut être exprimé différemment.

Personne A : j’étais tellement à l’écart quand j’étais enfant que j’ai passé plein de temps à copier les autres, à comprendre comment m’intégrer et désormais j’ai cette super compétence d’être une caméléon sociale, j’ai appris à doser le regard dans les yeux, à faire la bise de la bonne manière même si j’aime pas ça et globalement à être appréciée dans une pièce.

Personne B : je n’ai jamais compris du coup je passe beaucoup de temps seul, je ne sais pas du tout comment être appréciés, les gens me trouvent bizarre avant même que j’ouvre la bouche et c’est pire quand je parle, on me regarde avec des grands yeux.

Et bien tu vois bien que je peux pas dire : bon bah la personne A n’est pas autiste car elle n’exprime pas les traits. Le fait qu’elle ait gommé tous les traits par son énergie est en soi une expression du pilier.

Ne parlons même pas du pilier de la sensorialité où on parle beaucoup de l’hypersensorialité alors que y’a aussi tout l’inverse : l’hyposensorialité.

Ceci étant dit y’a des points commun à la culture autistique que je n’ai pas abordé alors qu’ils reviennent dans la bouche de quasiment toutes les personnes autistes que j’ai lues ou écoutées.

#1 | Non mais ça c’est vraiment des Galitades (à remplacer par le nom ou le prénom de la personne)

J’étais, avant, le premier à me dire ça c’est vraiment des Nicolismes. Je voyais bien que j’avais un ensemble de particularités cheloues. Je croyais que j’avais une très forte personnalité et une très forte singularité.

J’avais beau me répéter fais attention, le propre même du cerveau moyen c’est qu’il croit qu’il n’est pas moyen je voyais bien qu’autour de moi ça étonnait.

C’est d’ailleurs ce qui est paradoxal. Comme toutes les personnes autistes qui le dévoilent en public on m’a déjà envoyé un tu fais ça pour faire l’intéressant.

Alors que littéralement je ne me suis jamais senti aussi peu intéressant à titre individuel que depuis que j’ai compris que j’étais autiste. Je suis passé d’une personne super spéciale à un autiste si banal…

Et c’est une sensation incroyable.

C’est épuisant de se sentir original toute sa vie. Bien sûr que j’ai quelques spécificités, comme tout individu… mais pas des CENTAINES de spécificités comme je le croyais avant. 95% de mes spécificités sont juste l’autisme.

D’ailleurs, cette personne qui a inventé l’échelle de Galita (alors qu’on ne se connaît pas plus que ça, on s’est croisés 3 fois à des événements pros), c’est marrant comment à la fois elle illustre ce que je suis en train de dire puisqu’elle donne mon nom à mes comportements et à la fois ce qu’elle décrit c’est en réalité la culture autistique :

#2 | Y’a d’autres autistes dans la famille

L’autisme est fortement héréditaire. Par conséquent, le fait d’avoir des personnes autistes dans ta famille augmente ta probabilité de l’être toi aussi.

C’est d’ailleurs un piège parce que tu as tendance du coup à te jauger face à l’autre.

Une personne de ma famille s’est choquée parce que j’ai dit que j’ai toujours su qu’elle était autiste, que c’était évident mais que du coup je me disais que moi, non, je suis juste “sur le spectre” (expression qui ne veut rien dire et fait beaucoup de mal).

Elle s’est écriée : QUOI ? Mais dans quel monde j’ai plus l’air autiste que toi ? C’est l’inverse ! C’est pour toi qu’on est sûr, et moi je sais pas encore.

Attention, comme tu le constates, elle a encore du validisme intégré puisque ça n’a pas de sens de dire j’ai plus l’air autiste que toi, ni même de le rejeter si vigoureusement. Mais je te raconte ça pour que tu voies à quel point les autres autistes de ta famille peuvent aussi t’empêcher de voir ton autisme à toi.

Mais si tu te demandes si tu es autiste et que tu apprends qu’une cousine, un oncle, une soeur vient de se faire “diagnostiquer”…. probablement que tu peux arrêter de te demander : tu es autiste.

À condition que les deux événement soient indépendants, bien sûr. Tu te demandais avant de savoir que cette autre personne étaient dans une démarche de “diagnostic”.

#3 | C’était plus fort quand tu étais enfant

Une des difficultés à identifier l’autisme c’est le masking, le fait de se suradapter pour ne pas vivre le rejet. Or, si tu as fait ça pendant 15, 20, 30 ans… tu as forcément oublié ce que c’était sans cette suradaptation. Le masque fait désormais partie de ton visage.

Voilà pourquoi ça peut être intéressant de te rappeler si, enfant, tu avais ce sentiment de décalage avec les autres.

Par exemple tu as mis du temps à comprendre comment faire des ami·es.

#4 | Tu trouves 97% des gens bêtes