Hier je t’ai présenté les réactions négatives les plus fréquentes à mon article Racisme ordinaire et Ukraine.
Parce que certaines me font halluciner.
Mais ce n’est pas représentatif de la réaction globale. Il s’agit, de loin, de l’article qui a déclenché le plus de réactions constructives.
Habituellement quand j’écris sur le racisme,
les personnes racisées me disent c’est vraiment les mots que j’arrivais pas à poser et
les personnes blanches me disent merci de me montrer ça.
Mais j’ai toujours la frustration de ne pas faire avancer les choses. Car, montrer le racisme chez les autres est d’utilité limitée.
Cette fois,
les personnes racisées m’ont dit c’est les mots que je n’ose pas dire car j’ai peur des répercussions. Merci de le faire pour nous.
les personnes blanches m’ont dit merci de me montrer ça en moi.
Or, je suis convaincu que c’est comme ça qu’on avance le plus : quand on est capable de voir le racisme en soi plutôt que de toujours montrer celui des autres. Voilà pourquoi j’avais écrit ça l’an dernier :
Réaction #1 : je me suis surprise à me dire qu’ils me ressemblent
Tu as mis des mots sur ce qui m'interpellait dans la situation actuelle, mais que je n'arrivais pas à définir. Je suis allée à la gare centrale de Berlin cette semaine pour livrer des vivres.
Depuis jeudi, des masses de réfugiés en provenance d'Ukraine arrivent. l'Allemagne est dans un élan de solidarité (tout comme en 2015, pour les réfugiés de Syrie). D'ailleurs, en Allemagne on utilise beaucoup le terme Refugees (ou Geflüchtete) plutôt que Migrants, en général.
Enfin, je me suis surprise à être choquée de voir que ces réfugiés étaient comme moi. En fait, qu'ils ne ressemblaient pas à des réfugiés, tout du moins à l'idée que je m'en faisais.
Ils étaient blancs (pour la plupart), s'habillaient comme moi, etaient propres, c'était des famille comme la mienne... J'ai eu honte de mes pensées. Ils ressemblaient à des voyageurs, vu que la plupart avec des bagages style bagage cabine. Ce qui m'a frappé avec ce constat, c'est que j'avais défini pour moi ce à quoi un réfugié devait ressembler. Force de constater que ça pouvait toucher n'importe qui.
(…)
Par contre, contrairement à ce que tu as écrit, et peut-être est-ce une différence avec la France, je nous trouve très impliqués et touchés par cette guerre. Je sens dans la population allemande, et encore plus dans ceux qui ont vécu dans la RDA, une véritable peur mélangée à de la compassion pour ce que les Ukrainiens vivent.
C'est encore très présent dans les esprits et les souvenirs, ce que ça veut dire d'être sous le joug d'un gouvernement autoritaire. À Berlin, nous sommes seulement à une journée de route de la frontière Urkainienne. Je ne nie pas que ce que tu as décrit ne joue pas de rôle ici, mais je pense qu'il y a aussi une réalité historique qui fait que les gens réagissent comme il le font.
(…)
Voilà voilà, juste quelques pensées allemandes supplémentaires. J'en sors avec un choqué quand à la réalisation de mon racisme.
J’ai voulu mettre cette réaction en premier car c’est vraiment une de celles qui m’a le plus touché. J’ai malheureusement du couper des bouts pour ne pas que ça soit trop long mais je pense avoir gardé l’essence de l’email.
Bien évidemment que je comprends que des personnes qui vivent dans un pays qui a connu l’occupation soviétique ont une identification bien plus forte. Même si, comme c’est bien dit ici ça n’empêche pas le racisme ordinaire.
Et, j’insiste, il n’y a pas de honte à avoir, au contraire. Honte sur les personnes qui le nient. C’est une insulte. Mais le reconnaître ne devrait pas être honteux : tout le monde a ce biais. Y’a les gens qui le reconnaissent et cherchent à le diminuer et les gens qui le nient.
Réaction #2 : la plus courante
Juste pour vous dire que je me suis fait exactement la même remarque que vous ce matin, devant les infos, et cela m'a rendue vraiment très triste. C'est tout. Bonne soirée Nicolas
Beaucoup de personnes m’ont écrit un message de ce type. Je n’ai pas pu répondre à tout le monde mais ça ne veut pas dire que ça ne compte pas. Merci pour ce soutien qui m’a aidé à tenir le choc des commentaires violents.
C’est tellement simple, mais tellement apaisant : de voir que les gens peuvent comprendre. On ne demande même pas d’avoir honte ou de s’excuser. Juste de reconnaître. Et on passe à autre chose.
D’ailleurs merci à Mélissa qui a géré l’explosion de messages sur le compte Insta de l’Atelier :
Réponse #3 : vivre le sexisme aide à comprendre le racisme
Bonjour Nicolas,
Ton article m'a touchée. Je viens d'une ZUP en Normandie, coin de la France qui dans les années 90 n'était pas vraiment métissé.
Issue d'une famille originaire de France (des Normands, Bretons et Vendéens), plutôt pauvre, tu n'imagines pas à quel point j'ai été imprégnée d'idées racistes.
Il faut du temps, de la curiosité et de l'éducation, le tout en aiguisant son sens critique. Je fais ma desintox.
À titre personnel j'ai fait face à du sexisme et de la discrimination liée mon statut de maman, cela m'a aussi aidé à ouvrir les yeux sur les comportements passifs.
C'est moche, mais parfois il faut subir un mal pour voir les autres.
Merci pour ton article.
Y’a tout dans cette réponse. Après, c’est sûr que c’est plus simple de comprendre certaines choses sur le racisme quand soi-même on vit le sexisme. Mais ce n’est pas donné non plus.
Réponse #4 : le cheminement
Bonjour Nicolas, tu te rappelles qu'il y a quelques semaines je te disais que ton mail sur le racisme m'avait violentée ? Que je m'étais sentie agressée "moi qui ne suis pas raciste et ne me reconnais pas dans tes propos"...
Ce matin j'ai lu ton article et effectivement je l'ai lu pour son titre accrocheur. Racisme ? Ukraine ? Quel lien ?
Et me voilà, le lire et me dire "ah je fais le même constat que lui pour les guerres ailleurs"...pourtant moi aussi j'ai dit "parce que c'est plus près"...
Bref, un petit retour pour te dire que je me suis inscrite à la formation... en me disant que si ça me fait si mal... c’est peut être qu'il y a aussi une part de racisme en moi....
J’aime bien cette réaction car c’est un cheminement en temps réel. Il illustre bien comment on éprouve du malaise face à son propre racisme mais qu’on peut le surmonter, justement.
Réponse #5 : la culture méditerranéenne
Super message Nicolas sur les ukrainiens et les guerres.
Il est clair, bien écrit, plein de clairvoyance. Vous avez mon admiration. Moi aussi je me sens plus proche de ce que j appelle de l’Europe du Sud du Sud.
J’aimerais tellement voir le Maghreb dans l’Europe. Cela aurait tellement de sens à Mes yeux.
Ce type de message était plus rare mais pas inexistant. Plusieurs personnes m’ont confirmé qu’elles se sentaient, comme moi, plus proches des maghrébins que des ukrainiens.
La nourriture, l'Histoire, les échanges commerciaux,... oui, je me sens plus proche culturellement des algériens que des ukrainiens
Encore merci
Non seulement merci pour toutes ses réactions qui font chaud au coeur et donnent de l’espoir pour la suite. Mais également merci d’avoir été autant à rejoindre l’Atelier.
N’hésite pas à aller regarder les anciens emails en allant directement sur la version blog. Tu peux la trouver en tapant Atelier Galita dans Google ou en cliquant sur le lien en bas de cet email, là où tu vois Atelier Galita en souligné.