Le célèbre psychologue de Harvard, B.F. Skinner, mit au point pour les pigeons une boîte équipée d’un commutateur que les oiseaux activaient en picorant, et d’un système électrique distribuant la nourriture. Skinner avait conçu cette boîte pour qu’elle puisse servir à d’autres expériences plus générales portant sur le comportement d’un ensemble d’animaux.
C’est en 1948 qu’il eut l’idée brillante de laisser de côté le commutateur pour se concentrer sur l’alimentation. Il programma la machine pour qu’elle donne à manger aux oiseaux affamés à un rythme aléatoire. Il assista alors à une chose tout à fait extraordinaire : les pigeons se mirent à inventer une « danse de la pluie » extrêmement sophistiquée, dictée par leur mécanique statistique intérieure.
L’un d’eux se tapait la tête en rythme contre un coin précis de la boîte, d’autres tournaient le cou dans le sens inverse des aiguilles d’une montre : tous mirent au point un rituel spécifique lié à l’obtention de nourriture, qui peu à peu se grava dans leur cerveau.
Cette découverte a des prolongements plus inquiétants : nous ne sommes pas faits pour concevoir les événements comme indépendants les uns des autres. Lorsqu’on considère deux événements, A et B, il nous est difficile de ne pas envisager qu’A soit la cause de B, B la cause de A, ou qu’ils soient interdépendants. Notre biais nous pousse à établir sur-le-champ un lien de causalité.
Nous avons, comme les pigeons, ce même mécanisme en nous. Nous avons du mal à accepter que certaines choses sont totalement hors de notre contrôle. Ainsi naissent les superstitions.
Je ne sais pas combien de fois quelqu’un m’a dit ah non tu vas nous porter malchance en disant qu’on va y arriver. Comme si mes mots avaient un pouvoir sur la réalité. Si c’était le cas je serais un dieu.
"Comme la plupart des êtres vivants le pigeon comprend rapidement le lien entre le récompense et l'appui sur le levier, ça l’ennuie même un peu. Mais lorsqu'un minuteur libère une graine automatiquement toutes les 20 secondes le pigeon se demande qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça.
S'il battait des ailes au moment où ça s’est déclenché, il va va continuer à battre des ailes persuadé que ses actions ont une influence déterminante sur ce qu'il se passe. On appelle ça la superstition du pigeon"
Ce n’est pas grave quand la superstition est un simple grigri. C’est plus grave quand elle nous emmène dans les bras de charlatan qui profitent de notre besoin désespéré de contrôle pour nous vendre du vent.
Comme le Power Balance. Tu te rappelles ?
D'après ses fabricants, le produit utilise la technologie holographique pour apporter un bienfait sur l'énergie naturelle du corps. Aucune étude en méthode scientifique ne permet de démontrer les effets prétendus de ce bracelet
L'entreprise utilise le marketing viral et le placement de produit auprès de célébrités notamment sportives, rémunérées pour vendre ses accessoires de mode. Parmi eux on compte des athlètes professionnels connus comme Drew Brees, Darren Sproles ou Rudy Gay.
Jusqu'en 2011 le bracelet Power Balance a été vendu à plusieurs millions d’exemplaires à travers les Etats-Unis et plus de 40 autres pays.
Et encore… ça reste relativement inoffensif : on perd gaspille “juste” un peu d’argent. Mais quand la pandémie du covid a éclaté, les charlatans s’en sont donnés à coeur joie.
Où ai-je volé ça ?
J’ai trouvé le récit de l’expérience avec les pigeons dans un livre de Nassim Taleb qui m’avait bluffé :
Le Hasard sauvage: Comment la chance nous trompe