Contrairement à la monogamie, j’ai un jour vraiment cru à la paternité. Jusqu’à mes 24 ans, je disais que je voulais une fille et que je voulais l’appeler Mélanie. J’ai voulu l’appeler Madeleine mais trop de gens se moquaient de moi.
Alors…comment je suis passé de “je veux un enfant avant 2014” à “je ne veux pas d’enfants” ?
Indice #1 | La tête des parents dans l’enfer de la naissance
Quand on connaît des parents qui sont assez proches pour nous dire la vérité, on voit l’enfer dans lequel sont plongés les nouveaux parents.
Principalement à cause de la privation de sommeil. Or, le manque de sommeil provoque un affaiblissement de la santé mentale mais aussi physique. Contrairement à l’idée reçue, le froid ne rend pas malade. Mais le manque de sommeil, oui.
Heureusement, ça s’améliore quand l’enfant devient autonome. Mais les premières années ont l’air violentes.
Indice #2 | Le gouffre de temps et d’argent
S’occuper d’un enfant est un travail à temps plein. Ou plutôt à six septièmes puisqu’on l’évalue à 30 heures par semaine. Je dis un travail mais il n’est pas rémunéré. Au contraire : l’Insee évalue à 20% le budget enfant d’une famille. Le chiffre est débattu mais personne ne débat sur le fait que les enfants coûtent cher. Surtout à l’adolescence.
Le cercle est vicieux : les dépenses augmentent, le temps de travail augmente et les revenus…diminuent !
En effet : 38% des femmes arrêtent de travailler au moins pendant un an après la première naissance. 69% des femmes ne travaillent pas, l’année qui suit la troisième naissance.
Indice #3 | La rupture d’amour dans le couple
“90% des couples vivent une baisse de leur bonheur conjugal dès la naissance de leur premier enfant”.
J’imagine qu’il n’est pas facile d’intégrer un troisième individu dans un couple. Le couple est déjà un équilibre compliqué à tenir. Mais je ne m’avance pas davantage : je n’ai pas d’enfant, je ne sais pas.
Voici ce que dit une mère qui a écrit “no kids” :
“Si tous les enfants ne tuent pas l’amour, ils tuent tous la libido”. Et on pense que ça n’arrive qu’aux autres.
Indice #4 | Les regrets des parents
Il y a une sorte d’omerta sur la parentalité. Personne n’en parle, personne ne dit à quel point c’est dur. Parce que se plaindre c’est déjà être un mauvais parent.
Mais si vous connaissez suffisamment intimement un parent, il vous confiera ses doutes. J’ai déjà entendu des phrases comme “je n’aime pas ma fille…je ne peux le dire à personne”.
C’est normal : on fait souvent ce choix sans savoir ce qui nous attend.
“Les adultes avec des enfants sont 3,6 fois plus susceptibles de dire à Google qu’ils regrettent leur décision que le sont les adultes sans enfants”
Le tabou sur le sujet est énorme mais ça ne change pas la réalité : nombreux sont les parents qui ne referaient pas d’enfants s’ils avaient su ce que ça impliquait.
Hasard du calendrier, au moment où j’écris ces lignes est en train d’émerger sur Twitter le hashtag #monpostpartum où des femmes décrivent leurs difficultés d’après l’accouchement. La parole se libère.
Indice #5 | La monogamie épée de Damoclès
Quand je voulais être père, j’étais hanté par l’épée de Damoclès de la monogamie. Le concept qui consiste à dire que le couple doit être fidèle, sinon on se quitte.
Quand on n’y réfléchit c’est absurde et violent. On ne devrait pas lier la monogamie et la parentalité. Ce faisant, on expose sa famille à une bombe à retardement. Je vais paraphraser et résumer le livre “Sex at Dawn” :
Les options acceptées par la société sont les suivantes :
1. Mentir et essayer de ne pas se faire attraper. Bien que cette option est la plus communément choisie c’est aussi la pire. Combien d’hommes pensent avoir un accord tacite avec leur femme : tant qu’elle ne sait pas, ce n’est pas grave. C’est aussi pertinent que dire que vous avez un accord tacite avec la police : tant qu’ils ne vous voient pas c’est acceptable de conduire bourré.
2. Abandonner la possibilité de coucher avec une autre personne, pour le reste de votre vie. Se débrouiller avec le porno.
3. La monogamie en série : divorcer et recommencer. Cette option semble être celle qu’on considère comme la plus mature.
Ce modèle est récent. Avant on visait une vraie monogamie : une seule personne pour la vie. La monogamie en série a conduit à l’explosion des familles monoparentales. Comment on peut considérer comme mature d’infliger un traumatisme à nos enfants parce qu’on est incapable d’affronter la vérité sur le sexe ?
Pourquoi la société considère qu’il est plus moral de briser un mariage, de traverser un divorce, de bouleverser la vie de nos enfants à jamais, juste pour avoir le droit de coucher avec quelqu’un d’autre ?
On devrait au moins se poser la question : est-ce moral de faire reposer cette menace sur l’équilibre de l’enfant ?
D’ailleurs, dans les sociétés qui ont été protégées de la monogamie vous avez des systèmes bien plus protecteurs pour l’enfant : il est entouré d’adultes qui se considèrent comme responsables de lui. Bien souvent, on ne sait pas qui est exactement le père mais la tribu s’organise autour des enfants.
Dans la tribu Aché, par exemple, vous avez 4 niveaux de “pères”. Ils sont tous responsables de l’enfant. Si bien qu’un enfant Aché identifie plusieurs personnes comme étant ses papas.
Finie l’épée de Damoclès. Finie la charge supportée par un seul couple.
En le découvrant, j’ai réalisé que je n’étais pas sûr de ne pas vouloir d’enfant. En fait, je suis sûr de ne pas vouloir d’enfant dans une société où la monogamie est la norme. Mais j’aimerais vraiment avoir un enfant dans un modèle différent.
Comment j’ai basculé vers le non désir d’enfant
Et la suite, demain !
D’autres parentalités sont possibles. Au moment où j’ai réalisé que je pourrais faire un enfant avec une famille choisie en plus de mon compagnon, cela m’a redonné un peu l’envie d’en faire. Je n’ai toujours pas une envie folle, mais savoir que l’avenir parental de l’enfant ne repose pas que sur deux personnes qui doivent rester ensemble, saines économiquement et physiquement et vivantes longtemps...