Les ciments du vote RN
Il y a tout un mouvement intellectuel qui cherche à minorer l’impact du racisme dans le vote RN. Notamment avec le dernier livre de Piketty et Cagé : Une histoire du conflit politique
Beaucoup de chercheurs et chercheuses ont contesté cette analyse, tout en reconnaissant la qualité du travail.
Notamment dans cette conférence :
Voilà ce que j’en retiens.
Le racisme est LE ciment du vote RN
Sans surprise pour moi, on remet au coeur l’idée que le racisme est le ciment du vote RN. D’ailleurs, les gens qui ne l’acceptent pas se retrouvent en permanence avec une incompréhension : mais pourquoi ils ne votent pas à gauche puisqu’ils sont pauvres ?
Ou encore : c’est juste un vote de colère
Ah bon ? Alors pourquoi ne pas voter NPA ou Lutte Ouvrière par colère ?
Réponse : parce que le racisme est bel et bien structurant.
Oui, il y au une colère mais :
Ce n’est pas une colère aveugle
La colère est dirigée vers les personnes racisées. Pas que, certes, on va en reparler mais quand même.
Il n’y a pas l’économique d’un côté et le social de l’autre
L’autre grille de lecture qu’on avance souvent et qui rend la situation incompréhensible c’est de faire croire que y’aurait d’un côté l’économique et de l’autre le social.
Or, ça ne se passe pas comme ça. Les personnes qui votent RN font un lien entre les deux.
Le racisme, comme le patriarcat n’est pas une haine. C’est un système de supériorité qui défend des intérêts. Ici économique.
On a donc sur certains territoires des stratégies collectives où la majorité de la population va empêcher que des ménages racisés accèdent à l’immobilier par exemple.
Mais, plus encore, ce ne sont pas les travailleurs qui concentrent la plus grande animosité. Alors que souvent, dans le débat public, on focalise là-dessus : les immigrés qui volent les boulots.
En réalité, l’animosité est supérieure envers les familles. La présence des familles racisées qui sont en compétition avec les ressources de la collectivité.
Ce ne sont pas “les classes populaires” qui votent RN
Ça, pour le coup, c’est également bien montré par Piketty et Cagé : on confond les choses.
Déjà, on a conservé une lecture obsolète : les ouvriers au bas de la hiérarchie. Alors que, désormais, beaucoup d’employé·es sont plus pauvres que les ouvriers (femmes de ménage, hôtesses de caisse, etc).
On a donc énormément de personnes pauvres dans les villes (plus précisément dans les banlieues) qui sont étrangement sorties de la catégorie classe populaire sans qu’on sache pourquoi.
Mais, en plus de ça, on observe que le vote RN (surtout dans le Sud) est énormément un vote des classes populaires MAIS stables. Donc pas les chômeurs par exemple. Des retraités, des petits commerçants, des petits artisans, etc. Des gens qui ont quelque chose à défendre que les étrangers peuvent venir “voler”.
Ces catégories, bien que se sentant socialement "menacées", sont moins exposées à la précarité de l'emploi. Leurs inquiétudes portent plutôt sur le pouvoir d'achat, l'accès aux services publics, etc.
Mais pas que…
La méritocratie
Le deuxième pilier du vote RN serait donc la méritocratie. C’est important car souvent on s’exclame mais comment ça se fait qu’ils votent RN alors que le RN ne les défend pas à l’Assemblée.
Et bien le fait est qu’une grande partie est anti assistanat. De manière encore plus dure que la droite classique. On a donc vraiment une dimension de méritocratie.
Certes, il y a une détestation des “riches”. Mais parce qu’on voit une trop grande richesse comme étant imméritée.
On se trompe quand on dit que c’est un électorat antilibéral.
La défiance envers les intellectuels
L’autre point commun c’est une défiance énorme envers les profs, les artistes et autre personnes ayant un grand capital culturel sans forcément avoir un grand capital financier.
Mais ce qui est vraiment intéressant c’est… pourquoi…
Le plus grand prédicateur du vote RN est le niveau de diplôme
On parle beaucoup du lien entre niveau de revenus (les pauvres mais pas trop) et vote RN, mais le vrai élément de corrélation c’est d’abord le niveau de diplôme.
Ce sont donc des personnes qui ont souvent des parcours scolaires accidentés et qui ont donc un rapport très douloureux à l’école.
D’où cette défiance envers les personnes sachantes.
Ils ne connaissent pas les intellectuels d’extrême-droite
Pour le coup je pense que c’est le point qui m’a le plus étonné. Les électeurs du RN connaissent très peu le reste de l’extrême-droite. Ils ne vont pas sur les chaînes Youtube d’extrême-droite, n’en connaissent pas les penseurs, etc.
Ce ne sont pas d’anciens électeurs de gauche
Le point n’est pas approfondi dans cette conférence mais ils le mentionnent quand même : le désamorçage de l’idée selon laquelle la gauche a perdu cet électorat.
Ce ne sont pas d’anciens électeurs de gauche mais bien d’anciens électeurs de droite.
On oublie que 36% des électeurs de François Hollande en 2012 ont été voter pour Macron en 2022.
De très loin, la concurrence à la gauche ce n’est pas le RN mais bien Renaissance.
Une partie est aussi tout simplement… décédée. C’est un point qu’on oublie souvent.
Par exemple tous les endroits où les gens votaient communistes dans les années 60… une partie sont tout simplement décédés. Ce n’est pas parce qu’une région était communiste qu’elle va le rester si ça ne se transmet pas. On a aussi les déménagements.
D’ailleurs dans les bassins miniers où on votait à gauche on observe que les personnes qui ont justement leur parents qui sont nés dans l’endroit et qui étaient de gauche… sont de gauche. Ce qui veut dire que les gens qui votent désormais RN sont arrivés.