Les chroniques guadeloupéennes #9
Je suis à dix mètres du sol. Sur une sorte de pont accroché aux arbres. On discute de la notion de vertige.
Au début du parcours je n’ai pas le vertige car la végétation est si touffue que je ne me rends pas compte de la hauteur. J’ai l’impression d’être au sol sur des planches en bois. Mais, vers le milieu, ça s’éparpille. Je sens le vide, le vertige. Au début c’est dur à soutenir. Puis je m’habitue.
Est-ce que ce serait pas une métaphore de la vie ? Au tout début tout est cadré par d’autres personnes, au point qu’on ne se rend pas compte du vide.
« Mais t’as peur ? »
« Oui et non. J’ai le vertige »
« Quelle est la difference »
« De ce que j’ai compris il y a plusieurs types de vertiges. D’abord celui qu’il tu imagines : une peur panique de la hauteur. Mais il y a les gens comme moi qui ont peur de sauter.
En gros, le cerveau envoie un signal de danger à cause de la hauteur mais en même temps sent bien qu’il est en sécurité avec ses pieds... il décide alors d’interpréter le signal du danger comme étant un danger interne : c’est donc lui qui aurait envie de sauter.
C’est une sensation très désagréable mais je dirais pas que c’est de la peur. Je suis traversé en permanence par la pensée parasite de sauter. Là par exemple le haut du palmier devant nous y’a vraiment une voix qui me dit de sauter dessus.
La voix n’a pas peur. Donc j’ai pas que peur. J’ai un mélange d’excitation parce que je veux sauter et de peur parce que je sais que ça va me tuer.
Voilà pourquoi je n’ai pas le vertige en avion. En avion je ne peux pas sauter et ... le sol est tellement loin que mon cerveau ne réalise plus que c’est le sol. »
Un singe c’est quasiment un humain
On continue notre balade dans le parc zoologique. On croise des singes. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que c’est quand même pas loin d’un humain.
D’ailleurs, techniquement, on est des grands singes. Dans la même famille que les gorilles, les chimpanzés, les bonobos et les orang-outang.
Je me demande ce que ça fait d’avoir un singe de compagnie.
Mais si un singe c’est quasiment un humain est-ce qu’un zoo c’est quasiment une prison ?
On est devant mon collège
La sensation est bien plus perturbante que devant le lycée. Au lycée j’étais relativement bien. Au collège j’ai vécu un enfer personnel.
Je sais que certaines personnes vivent bien pire en termes de harcèlement scolaire. Mais ça reste une des pires expériences de mon existence.
J’avais peur tout le temps, honte tout le temps.
Surtout les deux premières années. Les choses se sont améliorées sur les deux dernières.
En sixième je pleurais tout le temps. Pour un oui ou pour un non. C’est fou quand j’y pense : maintenant je ne pleure jamais hors d’un contexte amoureux. Et je ne pleure jamais seul.
Ce n’est ni une fierté, ni une honte : je ne pleure pas. Je ne pleure pas devant les films.
Je voulais faire un effet littéraire en écrivant plusieurs fois « je ne pleure pas devant » mais je ne sais même plus devant quoi on est censés pleurer.
Encore une fois : ce n’est pas une fierté. L’enfant que j’étais au collège serait extrêmement soulagé de savoir que je ne pleure plus. Mais je me demande si ça me manque pas... Aujourd’hui ça ne me soulage pas de savoir que je ne pleure pas.
Je ne sais pas si c’est d’avoir cherché si souvent à réprimer mes larmes au collège qui a fait que j’y suis arrivé mais qu’en échange je ne pleure plus.
Mon grand-père
On me demande pourquoi je ne parle plus à mon grand-père. La réponse est très simple. Mais je ne peux pas l’écrire. Disons juste que toutes les horreurs ne sont pas punies.
Il est là pour me rappeler l’escroquerie des Disney : bien sûr que le mal peut gagner. Sans jamais être puni. Parfois sans même trop forcer.
Je veux qu’il meure. Mais personne n’exaucera ce souhait.
Dieu est mort mais Daniel est vivant
À l’endroit le plus inattendu possible on tombe sur une exposition sauvage. Des panneaux avec des inscriptions dans tous les sens. Au milieu de la route.
On s’arrête. On lit.
Apparemment c’est un Daniel qui a décidé qu’il était Dieu.
C’était super narcissique.
Je me demande si c’est comme ça que certaines personnes me voient. C’est sûr que oui.
J’ai du mal à respirer
Chaque respiration est pénible. Je tousse en permanence. Mon coeur me donne l’impression de dérailler. De ne plus être régulier.
J’ai déjà vu deux médecins qui m’ont dit de ne pas m’inquiéter.
Mais c’est a minima chiant : le moindre effort m’essouffle. Monter des marches est une épreuve.
Ça avait disparu depuis 3-4 jours. C’est revenu.
Les effets secondaires de ma deuxième dose de vaccin.
Comme un mini covid long.
Mon pharmacien dit que ça peut durer un mois. Ça fait maintenant un peu plus de trois semaines.
Vivement que ça s’arrête. Mais vivement que le reste continue.
Y’a trop de mots, non ? J’aurais juste dû finir par :