Les actualités sont l’équivalent du sucre dans la nourriture
(Article sur le danger des actualités - partie "/4)
De plus en plus de personnes recommandent de faire une diète de l’actualité. L’analogie est très pertinente. En effet, la consommation d’actualités est très ressemblante à la consommation de sucre.
Les actualités sont de la junk food : de la nourriture toxique car trop grasse et surtout trop sucrée. Un livre est une healthy food : de la nourriture saine car équilibrée.
Malheureusement, une nourriture toxique peut avoir très bon goût et une nourriture saine peut avoir très mauvais goût. Il faut donc nous éduquer. Si on se fie uniquement à notre goût on risque de manger énormément de nourriture toxique.
Là encore, nous avons notre part de responsabilité en tant que consommateurs. En demandant de la viande pas chère on a eu la vache folle. En demandant des fruits pas chers on a dégradé la qualité nutritive des aliments.
Il faut comprendre qu’il n’existe pas de miracle. Bien sûr que la grande distribution est responsable de l’avénement des plats préparés riches en sucre. Bien sûr que la presse est responsable de l’avénement des actualités médiocres. Mais nous les y avons poussé : en faisant pression pour toujours moins cher.
Voici une règle d’or de l’économie : si tu demandes toujours moins cher à une entreprise elle va finir par être tentée de te vendre du poison. Cette tentation a toujours existé. Voilà comment on se retrouve à couper de l’alcool avec du méthanol, pour faire de l’alcool frelaté. On peut donc le vendre beaucoup moins cher mais en échange, ça tue quelques personnes.
Comment différencier la nourriture toxique de la nourriture saine ?
Puisqu’on ne peut pas différencier les deux au goût, on doit s’éduquer à faire la distinction autrement. Voici un test en 3 questions :
L’information apporte-t-elle quelque chose qui me sert concrètement ?
L’information éclaire-t-elle mes actions ?
L’information m’invite-t-elle à réfléchir ou contribue-t-elle à constituer un monde commun pour dialoguer avec autrui ?
Si tu obtiens un seul non, l’information échoue à passer le test. Je dis bien un seul non ! Tu dois répondre trois fois oui. Sinon, l’information est à ranger dans la nourriture toxique.
Le problème c’est qu’une fois que tu fais ça, c’est trop tard : tu as déjà consommé. C’est comme si pour savoir si quelque chose était de la junk food il fallait d’abord le manger.
C’est utile pour ne plus le manger ensuite. Mais ce serait bien d’avoir une méthode pour le reconnaître avant…
Une méthode concrète pour trier les informations que tu ingurgites
De la même manière que tu as appris à reconnaître les enseignes qui produisent de la nourriture toxique, de la même manière que tu peux apprendre à lire une étiquette, de la même manière que tu peux développer les bons réflexes d’achats.
Tu l’as compris : les actualités modifient ton cerveau. Il faut donc retrouver petit à petit de la volonté. Donc traite ce qui va suivre comme tu traites un régime : prends ce qui est faisable pour toi. Ça ne sert absolument à rien de tout couper pour faire une crise de boulimie quand tu craques.
Il vaut mieux continuer à manger un peu de sucre en continu plutôt que d’en manger zéro puis de faire de grandes crises où tu t’empiffres.
Ne prends pas ça pour excuse pour réduire ton ambition, l’idéal reste quand même de ne PAS consommer d’actualités.
Première étape : arrête les chaînes d’information en continu.
Vraiment. C’est la pire manière de t’informer. Les chaînes d’information en continu produisent les actualités les plus toxiques. Car, l’impératif de devoir parler en continu pendant 24h oblige à dramatiser encore plus. On se retrouve avec des experts qui meublent pendant qu’un journaliste attend devant une porte.
Deuxième étape : arrête le reste de la télévision.
Je parle ici uniquement des actualités. Structurellement, les actualités fournies à la télévision sont parmi les pires.
Troisième étape : désinstalle les applications de presse de ton téléphone.
Si tu as une application du type Le Monde ou Le Figaro, désinstalle ça immédiatement ! Je pensais que plus personne n’en avait. J’ai été surpris par le sondage que j’ai fait sur Twitter.
Comment tu veux retrouver une alimentation saine si tu as carrément l’application McDo sur ton téléphone ? Oblige toi à aller sur les sites mobiles. La friction t’aidera à diminuer naturellement ta consommation.
Quatrième étape : nettoie tes réseaux sociaux
Je suis toujours étonné quand on me dit “y’a rien de bon sur Facebook et Twitter”. Facebook et Twitter comptent parmi deux de mes meilleures sources de contenu. En revanche ça demande un certain tri.
Il va falloir arrêter de suivre des comptes d’actualité type Le Monde ou le Figaro. Cherche plutôt des pages thématiques sur des sujets qui t’intéressent.
Dernière étape : réduis la quantité et investis dans la qualité
Choisis les sources de la meilleure qualité possible. Ça fonctionne exactement comme la nourriture. Regarde le soin apporté aux ingrédients.
Indice #1 : quelque chose de long a plus de chance d’être de qualité. Cherche de longues interviews, des livres, de longs articles, des podcasts…
Indice #2 : quelque chose qui met du temps à être produit a plus de chance d’être de qualité. Privilégie donc la presse papier mensuelle plutôt que la presse quotidienne.
Indice #3 : quelque chose qui déclenche une émotion forte a plus de chance d’être de mauvaise qualité. Fuis tout ce qui t’enrage sans te faire réfléchir.
D’ailleurs voici une astuce : si tu as peur de rater des choses, tu peux aller sur la page actualités de Wikipedia. Comme tout ce que fait Wikipedia, c’est soumis à un test rigoureux de qualité. Inconvénient ? C’est tout de suite moins funky : on te présente les faits sans rajouter des tartines d’émotions.
Payer va te protéger
Une fois que tu auras nettoyé tout ça, commence à envisager de payer pour le contenu que tu consommes. Pourquoi ? Parce que payer te protège. Quand tu paies tu n’es plus le produit. Quand tu paies tu te protèges contre l’influence des publicités.
Ensuite payer va te protéger contre toi-même. Qui que tu sois, ton budget est limité : tu ne peux donc pas payer pour tout, tu dois faire des choix. Par exemple, il y a longtemps que je veux payer pour Mediapart mais je n’arrive pas à l’intégrer à mon budget. Entre payer Waitbutwhy et Mediapart j’ai fait mon choix. Mais on en reparle plus bas.
Payer va donc te permettre de réduire mécaniquement la quantité et donc te pousser à être impitoyable sur la qualité. Mais ce n’est pas tout : payer va te protéger contre la disparition de ta source.
Rue89 était un média de qualité. Mais ils se sont effondrés. C’est le risque que prennent tous les acteurs qui font du gratuit de manière éthique (c’est-à-dire sans succomber aux tentations).
Au final, payer va te permettre de t’assurer que le producteur du contenu est incorruptible. La publicité est une corruption. Si tu paies, la possibilité de corruption disparaît. Voilà pourquoi Cash Investigation existe sur le service public et non pas sur une chaîne privée : la redevance télévisuelle protège france télévision contre la corruption de la publicité. Voilà pourquoi Arte est également sur le service public.
Si ce qui t’empêche de payer du contenu est un blocage psychologique, il faut vite le lever. Je ne parle pas de blocage financier. Si tu n’as pas les moyens, ne le fais pas. Je parle de tous ceux d’entre nous qui avons les moyens mais qui consommons quand même de la malbouffe.
De la même manière que nous sommes beaucoup à investir énormément dans nos téléphones et nos vêtements mais que nous rechignons à acheter du bio.
En matière de contenu, tu peux prendre la décision de payer pour te garantir d’avoir du bio.
Encore une fois, je parle uniquement du cas de figure où tu as les moyens. Inutile de te culpabiliser si tu es au smic et que tu n’as pas ce budget. Fais tout le reste de la liste.
Enfin…protège tes proches. Ne relaie pas n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Fais le test des 3 questions à chaque fois avant de partager :
L’information apporte-t-elle quelque chose qui me sert concrètement ?
L’information éclaire-t-elle mes actions ?
L’information m’invite-t-elle à réfléchir ou contribue-t-elle à constituer un monde commun pour dialoguer avec autrui ?
Comment je fais, personnellement ? (partie 4)
Et… dernière partie demain